Le Forum de l’Islam de France est une nouvelle tentative de réorganisation du culte musulman. Une première réunion va avoir lieu ce week-end à Paris, avec déjà des questions urgentes à régler comme la nomination des imams aumoniers dans les prisons.
Les nouvelles instances de l’Islam de France se réunissent ce samedi à Paris. On va assister à la naissance du “Forum de l’islam de France”, qui va remplacer l’ancien CFCM créé par Nicolas Sarkozy. C’est une nouvelle tentative de réorganisation du culte musulman et ce n’est pas la première. Cela fait 30 ans que les gouvernements successifs essaient d’organiser ou d’encadrer la pratique de l’Islam, pour sortir de ce qu’on appelait l’Islam des caves à cause du manque de mosquée, et pour sortir surtout de l’Islam “consulaire”, c’est-à-dire une religion en France contrôlée par trois pays étrangers, l’Algérie, le Maroc et la Turquie.
Dans les années 90, Pierre Joxe puis Jean-Pierre Chevènement avaient déjà tenté de créer des instances, mais c’est finalement Nicolas Sarkozy qui l’a fait lorsqu’il était ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac en 2003. Il a initié le CFCM, le conseil français du culte musulman, qui depuis 20 ans, tant bien que mal, est censé représenter les musulmans de France…
Le CFCM n’a pas atteint ses objectifs
Pourquoi tant bien que mal? Parce qu’il n’a pas atteint ses objectifs. Le CFCM devait permettre aux musulmans français de se libérer de l’influence des pays étrangers. On voulait former des imams français pour remplacer les imams détachés turcs ou algériens, payés par leurs gouvernements. Nicolas Sarkozy voulait mettre un terme à ce système. Emmanuel Macron a promis que c’était bientôt terminé. En attendant, les imams sont toujours là. 150 imams turcs par exemple, dont la moitié sont des fonctionnaires rémunérés par Ankara, et dont beaucoup ne parlent pas français. Le CFCM a donc clairement échoué a créer un islam français.
Et puis le CFCM a toujours été divisé et encore plus ces derniers temps. Les fédérations qui composent le CFCM se sont déchirées sur la question de la charte des pratiques de l’Islam que voulait leur faire signer Emmanuel Macron. Un texte qui prévoyait par exemple de poser le principe de l’égalité homme-femme. Trois fédérations, dont celles liées à la Turquie, ont refusé de signer cette charte avant de changer d’avis en décembre, mais trop tard. Miné par ces disputes internes, désavoué par le gouvernement, le CFCM n’était plus qu’une coquille vide.
À la mi-décembre, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Cultes, en a porté le coup de grâce en déclarant froidement “le CFCM est mort”. À la place, le gouvernement a décidé de créer le “Forum de l’Islam de France”, le FORIF qui va se réunir ce samedi à Paris pour une sorte d’assemblée constituante.
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Les représentants désignés par les préfets
Ce forum réunit une centaine de personnes issues essentiellement des territoires. Des imams, des intellectuels, des représentants des associations… Mais désignées par qui ? Pas par les fidèles, pas par la base, pas par des élections, comme celles qui sont organisées par les protestants ou par les juifs.
Les représentants des musulmans de France ont été désignés par les préfets à l’issue de rencontres qui ont eu lieu dans tous les départements l’année dernière.
C’est donc l’État, laïc, qui a choisi qui seraient désormais ses interlocuteurs. Une procédure qui fait tousser certains responsables musulmans. Par exemple celui qui est encore secrétaire général du CFCM, l’imam de Nîmes Abdellah Zekri. Il dénonce des pratiques coloniales.
Le Forum choisira les aumôniers
Quel sera le rôle de ce Forum de l’Islam de France ? Il va tout de suite se mettre au travail. Il y a des questions urgentes, en premier lieu la nomination des imams qui sont aumôniers dans les prisons. L’Etat les rémunère, mais ne peut pas les désigner parce que cela relève d’un culte. C’est le Forum qui choisira les aumôniers des prisons, des hôpitaux ou des armées.
Gérald Darmanin, qui sera présent pour lancer cette nouvelle instance, va aussi lui demander de se pencher sur la question de la formation et de la professionnalisation des imams français. Autrement dit, ce serpent de mer, cette question que le CFCM n’a pas résolue depuis 20 ans.