Fait Religieux
Le CFCM sous tension
Réconcilier l’inconciliable par nature.

C’est la quadrature du cercle pour les musulmans. Réconcilier l’inconciliable par nature. En France les dirigeants ont du mal à comprendre que par définition l’Islam est avant tout la soumission TOTALE et EXCLUSIVE au prophète, ce qui rend impossible toute soumission à d’autres lois. C’est à ce titre que la commission Crémieux avait exclue les musulmans de la nationalité française en 1970. Cent cinquante ans plus tard nos actuels dirigeants semblent ne pas comprendre cette difficulté et rêvent encore d’un Islam de France
Conseil national des imams : Le CFCM juge « inexpliqué » le retrait de la grande Mosquée de Paris
Le président du Conseil français du culte musulman Mohammed Moussaoui juge « inexpliqué » le choix du recteur de la grande Mosquée de Paris
Le président du Conseil français du culte musulman de France a regretté ce mardi la décision selon lui « unilatérale et inexpliquée » de la grande Mosquée de Paris (GMP) de se retirer du projet de Conseil national des imams (CNI). Lundi, le recteur de la grande Mosquée, Chems-Eddine Hafiz, a annoncé sa volonté « de ne plus participer aux réunions qui visent à mettre en œuvre le projet du Conseil national des imams et de geler tous les contacts avec l’ensemble de la composante islamiste du CFCM ».
Le Conseil national des imams (CNI) est un projet poussé par l’Elysée pour permettre de certifier leur formation en France, dans le cadre du projet de loi contre l’islam radical et les « séparatismes ».
Tensions autour d’un projet de charte
La grande Mosquée de Paris a notamment accusé certaines fédérations du CFCM de bloquer les négociations dans l’écriture d’une « charte des valeurs républicaines » qui devait être rendue au gouvernement début décembre.
Des « membres de la mouvance islamiste » ont fait croire « que cette charte avait pour ambition de toucher à la dignité des fidèles musulmans », a accusé Chems-Eddine Hafiz, dénonçant un « mensonge éhonté ». « Une conclusion étonnante et complètement détachée de la réalité », selon Mohammed Moussaoui, qui a assuré que « tout se déroulait normalement ».
Le CFCM dément la version du recteur de la grande Mosquée de Paris
Le président du CFCM a affirmé dans un communiqué que « la dernière mouture de la charte a obtenu l’approbation de l’ensemble des fédérations, y compris celle de la grande Mosquée de Paris » le 15 décembre 2020 et que les différentes fédérations devaient « confirmer solennellement par écrit avant le 30 décembre 2020 leur adhésion au texte final ». Selon lui, « aucune modification » n’a été apportée au texte depuis sa validation le 15 décembre.
Mohammed Moussaoui a appelé « à installer immédiatement le Conseil national des imams et à doter ce dernier des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission », tout en assurant qu’il souhaitait que la grande Mosquée de Paris « puisse continuer à œuvrer avec ses partenaires du CFCM ».
Le CNI doit délivrer un agrément aux imams en fonction de leurs connaissances et de leur engagement à respecter un code de déontologie.
Au terme d’un mois marqué par une succession de polémiques autour de l’islam, et au lendemain de l’attentat de la mosquée de Bayonne, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a annoncé des pistes contre la radicalisation, mardi 29 octobre, et infléchi son discours sur le voile.

En quoi consistent les annonces du Conseil français du culte musulman (CFCM) ?
Dans la foulée de leur rencontre, lundi 28 octobre à l’Élysée, avec le président Emmanuel Macron, qui les a exhortés à « combattre » davantage l’islamisme et le communautarisme, les responsables du culte musulman avaient promis des « annonces très fortes » pour le lendemain. La réunion exceptionnelle du conseil religieux du CFCM, mardi 29 octobre à la Grande Mosquée de Paris, en présence de tous les représentants des fédérations musulmanes, a finalement débouché sur une déclaration en dix points, au ton ferme et apparemment déterminé.
Outre l’attaque de la mosquée de Bayonne par un ancien candidat du Front national (devenu Rassemblement national), la veille, condamnée « avec force » par le CFCM, les deux questions à l’ordre du jour étaient le voile et la détection de la radicalisation. Concernant cette dernière, plusieurs pistes ont été évoquées : la mise en place d’un « conseil de l’ordre des imams », qui délivrerait aux imams une certification qui pourrait leur être retirée en cas de discours contraires aux lois de la République ; mais aussi une réflexion sur les signes de radicalisation religieuse, « afin de lever toute confusion avec la pratique religieuse piétiste ».
Lors d’une conférence de presse improvisée à l’extérieur de la Grande Mosquée, Anouar Kbibech, vice-président du CFCM, a énuméré ces principaux signaux de radicalisation : « Tout appel à la violence, une interprétation erronée de certains textes sacrés pour légitimer cette violence, et ne pas daigner à l’autre le droit d’avoir ses propres croyances. » Une manière pour le CFCM de prendre le contre-pied des « signes » relevés le 9 octobre par le ministre de l’intérieur : au lendemain de l’attentat de la préfecture de police, Christophe Castaner avait invité les Français à être attentifs à d’éventuels changements de comportement dans leur entourage, comme le port de la barbe ou la pratique « ostentatoire » de la prière rituelle.
Dans son communiqué, le CFCM a également proposé l’intégration de théologiennes (mourchidates) au sein du conseil religieux, ce qui serait une première, et rappelé que le port du voile est une « prescription religieuse », mais que celles qui ont décidé de s’en affranchir « ne sont pas moins musulmanes ».
Cette déclaration sur le port du voile constitue-t-elle un changement ?
En 2004, à l’occasion du vote de la loi sur l’interdiction du port des signes religieux à l’école, le CFCM avait rappelé l’obligation du port du voile pour les femmes musulmanes, tout en disant sa volonté de respecter la loi. « En ne parlant plus de “prescription obligatoire”, le CFCM marque une inflexion dans son discours sur le port du voile », observe Bernard Godard, spécialiste de l’islam et ancien fonctionnaire au ministère de l’intérieur.
Il n’est pas certain pour autant que cette inflexion du discours officiel ne change quoi que ce soit à la pratique des musulmanes de France. Tout d’abord parce que la représentativité du CFCM, dont les prochaines élections se tiendront les 10 et 17 novembre, ne cesse de s’effilocher. Ensuite parce que cette déclaration, qui intervient à peine vingt-quatre heures après le rappel à l’ordre du chef de l’État, pourrait être interprétée par certains fidèles comme une soumission des re Or à la fin d’un mois d’octobre marqué par une importante montée des tensions autour de l’islam et de sa visibilité dans l’espace public, après qu’un élu du Rassemblement national a pris à partie une femme voilée lors d’une séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté le 11 octobre.
« Quand Jean-Michel Blanquer (le ministre de l’éducation, NDLR) dit que le voile n’est pas souhaitable, il commet une erreur d’appréciation », estime ainsi Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences-Po Lyon, qui déplore les « maladresses » répétées de certains politiques ces derniers jours. « Le personnel politique devrait s’en tenir au rappel du droit, et veiller à ce qu’il n’y ait pas de troubles à l’ordre public. Cette extension illimitée des domaines de laïcité, à l’épreuve du fait musulman, crée beaucoup de crispations.»
Ces crispations traversent-elles l’ensemble des musulmans de France ?
Outre la polémique sur le voile qui a suivi cette sortie scolaire en Bourgogne, ce début d’automne aura été émaillé de nombreux autres épisodes explosifs, des propos tenus par Éric Zemmour lors de la Convention de la droite le 28 septembre au débat autour des « listes communautaires », à cinq mois des municipales. Le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, entre autres, demande à Emmanuel Macron de les « interdire », « parce que l’islam politique est en train de vouloir s’implanter ».
« Paradoxalement, en dénonçant le communautarisme, on le fait encore plus exister : cela avive un sentiment d’appartenance, alors que les musulmans de France n’ont pas forcément envie d’être enfermés dans une communauté », déplore le père Christian Delorme, à Lyon. Fustigeant un contexte d’« inflation verbale » et même d’« islamofolie », ce militant du dialogue islamo-chrétien constate, comme d’autres, que les musulmans se sentent « massivement » stigmatisés.
Les musulmans se sont dits inquiets face aux déclarations de certains membres du gouvernement, et représentants musulmans face aux demandes des pouvoirs publics.
« Même ceux qui d’ordinaire n’étaient pas concernés par ces affaires d’observance religieuse se sentent obligés de se liguer avec les mères de famille voilées, car on est entré dans la logique du “eux” contre “nous” », s’alarme Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’islam de France, qui n’hésite pas à parler de « situation de crise » et de « nation fracturée ».
L’islamologue rappelle toutefois que sur la question du voile, entre autres, les musulmans de France présentent des positions pouvant être « antinomiques ». C’est ce qu’a rappelé la tribune publiée récemment dans Marianne et signée par 101 musulmans, qualifiant le voile islamique de « sexiste et obscurantiste ».
Dans ce contexte, l’inquiétude des musulmans face à la stigmatisation et celle des Français face à l’islam semblent monter de manière parallèle. Le 27 octobre, Le Journal du dimanche a publié un sondage Ifop montrant qu’une grande majorité de la population souhaite une interdiction de plus en plus large des signes religieux ostensibles. Pour 78 % des sondés, le modèle français issu de la loi de 1905 est aujourd’hui « en danger ».
Personne ne commet d’attentat en hurlant «Dieu n’existe pas !»
Marlène Schiappa s’en prend à la gauche « bobo »
La ministre à la Citoyenneté défend le projet de loi sur les séparatismes et s’en prend à la gauche « bobo », qui a renoncé au combat laïque. Propos recueillis par Clément Pétreault
Lorsqu’on lui demande qui incarne la laïcité, elle répond sans hésitation : « Moi ! » Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, se définit aussi comme « ministre de la Laïcité » dans un gouvernement qui a décidé de placer cette thématique au cœur de son action. Elle est remontée contre cette gauche persuadée de voir des racistes partout et des laïques nulle part, cette gauche submergée par une vague de relativisme culturel et compulsivement obsédée par la défense de minorités perçues comme des opprimés qu’il faudrait absolument protéger des forces réactionnaires. Marlène Schiappa n’épargne pas non plus ses anciens amis du Parti socialiste qui ont récemment décidé d’assumer leurs valeurs laïques et revient en détail sur l’esprit du texte qui a été présenté le 9 décembre – journée anniversaire des 120 ans de la loi de 1905 – en conseil des ministres.
Le Point : Comment est-on passé d’une lutte contre l’islamisme, puis contre le séparatisme, à un projet de loi « confortant les principes républicains » ? Faut-il y voir la marque d’une hésitation ?
Marlène Schiappa : Non, il y a simplement un cheminement pour trouver le vocabulaire auquel adhèrent les Français, ce qui n’est pas forcément facile, car on n’a pas nommé ces sujets depuis longtemps. On parle de communautarisme, un terme qui reste assez confus, car il y aura toujours quelqu’un pour vous expliquer que le communautarisme n’est pas dangereux et vous faire remarquer qu’il existe un communautarisme breton ou corse… Ce qui est peut-être vrai, mais qui ne précède pas nécessairement à une idéologie terroriste. Le président de la République a su trouver dans son discours des Mureaux les termes qui cernent au mieux la manière dont une idéologie participe d’un projet contraire aux valeurs de la République et sert parfois de marchepied vers des actes violents. Parler de séparatisme permet de désigner le phénomène de ceux qui se mettent en marge de la société au nom de leur religion et qui, pensent-ils, pourraient s’exonérer de respecter les lois de la République. Voilà comment nous sommes arrivés à ce terme, traduit de manière positive en loi « confortant les principes républicains ».
Ces idéologies d’extrême gauche procèdent à une inversion des valeurs et essaient de faire passer pour des révolutionnaires des gens qui défendent des coutumes moyenâgeuses
Ce texte marque-t-il « l’offensive payante » des « laïcards », comme l’écrit Le Monde ?
On voit se dessiner deux camps autour de la laïcité – pour faire bref, l’un républicain et l’autre multiculturaliste –, chacun revendiquant la justesse de son interprétation de la loi de 1905. Est-ce un clivage qui vous semble valable et opérant pour expliquer ces débats ?
Oui, en partie. Il y a toujours une part de caricature dans ces débats, c’est ce que j’ai essayé d’expliquer dans le livre Laïcité, point ! que j’ai coécrit avec Jérémie Peltier. Cela étant dit, je ne vous cache pas que j’ai du mal à garder mon calme quand je vois des tenants d’une laïcité soi-disant « apaisée » expliquer que « laïcistes » et « islamistes » seraient la même chose… Je le redis, on n’a jamais tué quelqu’un au nom de la laïcité, personne ne commet d’attentat en hurlant « Dieu n’existe pas ! Je vous interdis de croire en Dieu ». C’est un fait, la majorité des attentats qui ont lieu dans le monde dans cette période sont des attentats islamistes. Quand je vois ces mêmes tenants d’une laïcité dite « apaisée » faire des articles pour expliquer que lutter contre la polygamie, les mariages forcés et l’excision, c’est être xénophobe… cela marque une terrible inversion des valeurs ! J’ai encore lu cela pas plus tard que ce matin sur le site Révolution permanente, où l’on peut à la fois se prétendre révolutionnaire et défendre des coutumes opprimantes pour les femmes. Comment qualifier des gens qui se présentent comme des défenseurs des immigrés et qui se disent dès la phrase suivante prêts à renoncer aux droits des femmes immigrées ? Je veux être claire : ce n’est pas moi qui risque l’excision, le mariage forcé ou la polygamie, car ce ne sont pas les coutumes qui existent dans la culture dans laquelle j’évolue. Est-ce pour autant une raison pour abandonner à leur sort toutes les femmes qui sont dans des familles qui pratiquent cela ? Je ne pense pas. Ces idéologies d’extrême gauche procèdent à une inversion des valeurs et essaient de faire passer pour des révolutionnaires des gens qui défendent des coutumes moyenâgeuses. Pour ne rien arranger, dans ce grand renversement général, on essaie de faire passer ceux qui luttent contre ces coutumes pour des « islamophobes » et des antimusulmans.
Mais, au fond, ce texte ne concerne qu’une toute petite minorité de comportements… Était-il nécessaire d’employer de si grands moyens législatifs ?
C’est une minorité, certes, mais qui fait des dégâts énormes, par exemple en décapitant un enseignant ou en assassinant trois personnes en prière à Nice… Il y a dans cette loi des décisions indispensables qui vont faciliter la fin du financement des associations ennemies de la République, notamment par l’étranger. Rendez-vous compte, nous avons gelé plus de 500 000 euros sur le compte de Baraka City et plusieurs millions sur celui du CCIF ! Ce sont des sommes colossales au service d’une idéologie qui dispose ainsi d’une vraie force de frappe. Par ailleurs, il y a des enjeux considérables de dignité humaine sur la fin des certificats de virginité, le contrôle des mariages forcés et le refus de la polygamie… L’argument qui consiste à dire que ça ne concerne pas beaucoup de monde est tout simplement faux. On estime à 200 000 le nombre de femmes mariées de force en France, 120 000 femmes excisées, c’est colossal ! Et quand bien même cela ne concernerait que 20 femmes, nous n’aurions pas le droit de les laisser sur le bord de la route.
Comment expliquez-vous que l’idéal républicain ait déserté le tissu associatif, notamment de nombreuses structures d’éducation populaires qui semblent avoir renoncé à la laïcité comme préalable à l’égalité des droits ?
Je pense qu’il y a eu beaucoup de compromissions et de lâchetés aussi… Oui, il y a des syndicats étudiants ou des organisations de parents d’élèves qui sont totalement gangrenés par d’inexplicables sympathies à l’égard de la mouvance islamiste. Les fondateurs de l’Unef se désolent de ce qu’est devenu ce syndicat laïque qui défendait le droit des femmes… On s’y bat aujourd’hui pour permettre aux islamistes de s’exprimer librement. On est assez loin du but d’origine. Les défenseurs de la laïcité n’ont pas réussi à se renouveler au fur et à mesure des générations. Les associations laïques connaissent le même phénomène démographique que les associations féministes ou les loges maçonniques… sauf que l’on voit depuis cinq ans environ l’extrême gauche se réapproprier des combats féministes par exemple, avec un prisme intersectionnel qui n’œuvre pas toujours dans le sens du progrès.
Mais vous en connaissez beaucoup, vous, des jeunes qui ont envie de s’engager pour la laïcité ?
Oui, il y en a plein ! Jérémie Peltier, avec qui j’ai écrit un livre sur la laïcité, vient tout juste d’avoir 30 ans… Il y a des députés trentenaires, des philosophes comme Raphaël Enthoven, bref, beaucoup de gens qui se mobilisent.
Vous venez de la gauche. Votre ancien camp politique a-t-il renoncé à défendre ces valeurs ou c’est vous qui avez changé ?
Sur la laïcité, la gauche a totalement renoncé ! Je suis hallucinée d’entendre mes amis restés au PS qui s’ébahissent d’entendre le premier secrétaire Olivier Faure prononcer le mot « laïcité ». La laïcité d’Olivier Faure, c’est la « laïcité p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non », un gigantesque robinet d’eau tiède. Je ne vais pas l’applaudir parce qu’il se dandine en prononçant les mots « laïcité » et « république ». Quelques personnes à gauche sont restées courageuses, c’est le cas du maire de Montpellier, un maire qui a fait campagne sur l’écologie et la laïcité sous l’étiquette PS. Il est même convaincu d’avoir gagné grâce à cela. Ces dernières années, la gauche a abandonné la défense de la laïcité à la droite alors qu’à l’origine la laïcité c’est Aristide Briand, c’est Jean Jaurès… c’est la gauche ! Quand on relit les débats sur la loi de 1905, le Parti communiste et la gauche de la gauche défendaient la raison et la liberté religieuse… Aujourd’hui, on a La France insoumise qui défend les islamistes et qui considère que la laïcité serait une manifestation d’un racisme mal digéré, c’est dommage.
Jean-Luc Mélenchon a promis une pluie d’amendements, explique que ce texte est une entreprise de « stigmatisation » des musulmans, une diversion politique…
J’attends que l’on me montre quels passages de ce texte stigmatisent les musulmans. Il n’y en a aucun. En vertu de la loi de 1905, l’État ne reconnaît ni ne salarie aucun culte, voilà pourquoi dans ce texte on ne reconnaît pas et on ne nomme pas les cultes. Il y a des millions de musulmans qui ont un profond respect pour les lois de la République et qui sont très heureux que ce texte permette enfin d’écarter les influences étrangères. La France insoumise, au nom de son obsession pour la stigmatisation, est dans l’aveuglement total. Que propose Jean-Luc Mélenchon pour qu’il n’y ait plus d’attentats islamistes ? Rien.
Certains élus semblent avoir renoncé à la laïcité au profit de « concordats locaux » qui flirtent avec le clientélisme… Que pouvez-vous contre cela ?
Le dialogue et la compromission sont deux choses différentes. Quand on est élu local, on travaille avec des représentants des cultes sur des questions locales dans le cadre de l’urbanisme ou de cérémonies et l’espace public. Si le dialogue est normal, il y a en revanche compromission lorsque ce dialogue se noue autour d’une base de marchandage dans un modèle mafieux, quand on monnaye des voix contre les libéralités, contre des attributions de marchés ou des arrangements opaques…
Certains élus font campagne dans des mosquées pendant que d’autres participent activement ès qualités à des cérémonies religieuses… Je suis personnellement toujours choquée de voir des élus de la nation communier ou porter un voile ou une kippa lors de cérémonies religieuses.
On a découvert avec étonnement que la presse américaine considérait la laïcité comme une forme à peine déguisée de racisme institutionnalisé… Être laïque, est-ce être raciste ?
Je trouve cela extraordinairement incohérent de la part de la presse américaine qui, d’un côté, va défendre à tour de bras le relativisme culturel en trouvant que toute coutume est vraiment « mignonne », y compris le fait de voiler les petites filles… En revanche, cette même presse est incapable de considérer la laïcité comme une spécificité culturelle qu’elle condamne sans appel. La laïcité nous évite d’avoir en France, contrairement aux États-Unis, des groupes de parents qui peuvent officiellement refuser que l’on enseigne à leurs enfants que la Terre est ronde parce que cela heurterait leur sensibilité religieuse… La laïcité nous permet de refuser les offensives religieuses de ceux qui ne veulent pas qu’on enseigne à leurs enfants la biologie et la reproduction au prétexte que leurs enfants devraient rester vierges jusqu’au mariage et ne jamais avoir entendu parler de la reproduction.
Qui pour vous incarne et défend la laïcité en France ? Auriez-vous bien aimé être ministre de la Laïcité ?
C’est ce que je fais, comme l’indique mon décret d’attribution qui prévoit que je suis « chargée de veiller au respect du principe de laïcité ». Évidemment, je ne suis pas seule et nous sommes nombreux au gouvernement à défendre la laïcité, que ce soit Gérald Darmanin, Jean-Michel Banquer, mais aussi des parlementaires, des associations comme la Licra, des loges maçonniques et singulièrement la grande loge féministe de France. Il y a aussi des journalistes comme Caroline Fourest ou Sonia Mabrouk qui font preuve d’un certain courage. Mais ce qui est le plus important, c’est le collectif.
Il y a une indéniable dynamique de sécularisation de la société, mais n’attend-on pas trop des religions qu’elles se réforment et qu’elles renoncent au conservatisme qui fait aussi partie de leur tradition ?
Non, personne n’attend cela ! Les religieux restent des religieux et personne ne leur demande de renoncer à leur croyance ou de défendre ce qu’ils ont envie de défendre, c’est leur droit et ils ont aussi droit au débat public. J’observe par ailleurs que la demande de modernité ne vient pas des laïcs mais des religieux eux-mêmes. Il y a dans la religion catholique Anne Soupa qui a défendu le droit à neuf femmes de candidater pour remplacer le cardinal Barbarin, Delphine Horvilleur dont on connaît l’engagement en faveur du mouvement juif libéral, ou encore l’imame Kahina Bahloul qui s’est beaucoup engagée pour rappeler que le Coran n’oblige pas les femmes à se voiler. C’est la démonstration que la demande de modernité des religions vient de l’intérieur !
La gauche est devenue une gauche bobo, qui écoute France Inter – comme moi –, qui théorise beaucoup, mais qui a perdu pied avec la réalité
L’exécutif auquel vous appartenez est confronté à une crise sanitaire, une crise sécuritaire, une crise sociale… avec à chaque fois des réponses qui encadrent ou restreignent les libertés de circuler, de manifester, d’enseigner ou de travailler. N’avez-vous pas le sentiment de jouer avec le feu ?
C’est une période paradoxale. Le président de la République s’est fait élire sur une promesse de liberté et de libération des énergies… La pandémie a conduit à accepter des restrictions de ces libertés, toujours dans le cadre de l’État de droit et de nos principes démocratiques. Mais la liberté est pour les Français – plus que pour n’importe quel autre peuple – quelque chose de fondamental. S’il y a une vague de déprime importante chez les Français en ce moment, c’est aussi parce que nous sommes un peuple politique, attaché aux libertés qu’on nous enlève. Cela ne se fait pas de gaieté de cœur, personne ne jubile d’avoir à prononcer un couvre-feu, nous n’avons pas été élus pour ça. À la vérité, nous n’avons que de mauvaises options devant nous, il faut choisir la moins mauvaise.
De récentes études ont démontré que les Français se définissaient comme de plus en plus à droite et l’actualité politique a démontré que LREM suivait ce mouvement et modifiait sa base électorale…
Ce serait une erreur de penser que les gens de gauche ne sont pas intéressés par la sécurité ! On a beaucoup sous-estimé l’effet qu’a produit sur l’opinion l’assassinat de Samuel Paty et de ces trois personnes à Nice. Même des Français qui se définissaient comme étant de gauche se sont mis à espérer davantage de sécurité et de laïcité. Encore une fois, je ne suis pas une cible pour les islamistes, je n’ai pas de problème d’insécurité – j’habite au ministère de l’Intérieur –, ce n’est pas moi qui suis confrontée à l’insécurité, mais les classes populaires qui ne choisissent pas leurs conditions de vie. La gauche est devenue une gauche bobo, qui écoute France Inter – comme moi –, qui théorise beaucoup, mais qui a perdu pied avec la réalité.
Structurer l’islam, le délicat projet d’Emmanuel Macron,
Projet de loi sur les « séparatismes »
Emmanuel Macron avait évoqué la création d’un « Conseil des imams » début octobre lors de son discours aux Mureaux (Yvelines) consacré à sa stratégie de lutte contre les « séparatismes »

- Le 2 octobre, aux Mureaux (Yvelines), Emmanuel Macron a évoqué la nécessité d’une meilleure structuration de l’islam en France.
- Des mesures de contrôle sur les associations cultuelles font partie du projet de loi « confortant les principes de la République », présenté mercredi en Conseil des ministres.
- Le chef de l’Etat pousse par ailleurs le CFCM à finaliser le projet d’un « Conseil national des imams » (CNI). Dans cette perspective, une « charte des valeurs républicaines » a été déposée jeudi au ministère de l’Intérieur par ses représentants.
« Construire un islam des Lumières dans notre pays. » Lors de son discours sur les séparatismes, le 2 octobre aux Mureaux (Yvelines), Emmanuel Macron a évoqué la nécessité d’une structuration de l’islam. « Il nous faut aider cette religion dans notre pays à se structurer pour être un partenaire de la République. » Le chef de l’Etat a notamment indiqué vouloir « libérer l’Islam de France des influences étrangères » pour lutter contre l’islamisme et construire « un islam qui puisse être en paix avec la République », évoquant notamment les financements étrangers ou la formation des imams.
Alors que le projet de loi contre les séparatismes – finalement nommé « confortant les principes de la République » – a été présenté ce mercredi 9 décembre en Conseil des ministres, 20 Minutes revient sur cette délicate question.
Mieux contrôler les associations cultuelles et les lieux de culte
Emmanuel Macron l’a lui-même rappelé début octobre : « Ce n’est pas le travail de l’État de structurer l’islam. » En vertu de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, le gouvernement n’a en effet pas vocation à organiser les cultes. Ce texte prévoit, dans son article 2, que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Le projet de loi apporte toutefois quelques retouches, en modifiant par exemple le texte de 1905 et celui du 2 janvier 1907 sur l’exercice public des cultes.
La loi sur les « séparatismes » permettra ainsi à l’Etat d’avoir un contrôle accru sur le fonctionnement et le financement des associations, ainsi que des lieux de culte. Les associations cultuelles musulmanes, majoritairement constituées sous le régime de l’association loi 1901 pour des raisons historiques, seront notamment « incitées » financièrement à « basculer » dans le régime de la loi de 1905, plus transparent sur le plan comptable et financier.
« C’est la fin d’un système d’opacité. Il ne s’agit pas d’interdire les financements venant de l’étranger. Il s’agit simplement de les encadrer, de les rendre transparents, de les maîtriser », justifiait Emmanuel Macron début octobre. « Il n’y a aucune raison que les associations cultuelles bénéficient d’un régime associatif de droit commun », plaide Aurore Bergé, députée des Yvelines et présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée. En contrepartie, ces associations cultuelles pourront avoir accès à des déductions fiscales ou encore tirer des revenus d’immeubles acquis à titre gratuit.
Par ailleurs, les dons étrangers dépassant 10.000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources. Une disposition « anti-putsch » est aussi prévue dans le texte pour éviter toute prise de contrôle d’une mosquée, ou d’une autre association cultuelle, par « des groupes radicaux ».
Une future « labellisation » des imams loin de faire consensus
Concernant la structuration de l’islam en France, l’exécutif avance à pas feutrés. « C’est un pilier qui n’est pas dans la loi car la France n’a pas à s’ingérer dans l’organisation des cultes, indique l’Elysée. Mais nous avons une relation de dialogue. Le président a invité les musulmans à mieux s’organiser et à travailler sur la formation des imams. » Son objectif est également de mettre fin, d’ici quatre ans, à la présence en France des 300 imams étrangers « détachés » par la Turquie, le Maroc et l’Algérie.
« Il y a un besoin pour l’Etat d’avoir une structuration de l’islam. Car aujourd’hui, qui est l’interlocuteur légitime ? C’est une difficulté », reconnaît Aurore Bergé. « L’Etat ne va pas se mêler de théologie. Mais la question est de savoir comment on s’assure de la manière dont la formation est effectuée pour que, demain, tel ou tel prêche ne soit pas incompatible avec les valeurs républicaines », ajoute la députée.
La mission de créer un « Conseil national des imams » (CNI), chargé de certifier leur formation en France, a été confiée au Conseil français du culte musulman (CFCM), principal interlocuteur de l’exécutif. Le chef de l’Etat a insisté pour qu’une « labellisation des formations » et une « certification des imams » soient instaurées d’ici six mois. Une charte républicaine doit également être mise en place, dont le non-respect entraînerait la révocation des imams.
« La charte des valeurs a été finalisée et remise jeudi au ministère de l’Intérieur », confie Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman. Mais la question de la labellisation est, elle, loin de faire consensus. « Mettre fin aux imams autoproclamés est une bonne chose. Mais il y a une levée de boucliers de la base chez les imams, qui remettent en cause la légitimité de ceux qui demain vont les écouter et les contrôler pour leur donner cette certification, alors qu’ils exercent depuis des années. Qu’on arrête d’ailleurs de parler des labels, les imams ne sont pas de la marchandise », s’agace le responsable, par ailleurs président de l’Observatoire de lutte contre l’islamophobie. Ce projet est d’autant plus délicat à mettre en place que le CFCM est lui-même régulièrement décrié pour son manque de représentativité, tant par les voix modérées que les plus rigoristes de l’islam en France.
Laïcité : les masques tombent au Monde et à France Inter
…Dénoncer les deux grands fléaux qui nous menacent à terme : le christianisme et la laïcité », souligne ironiquement Jacques Julliard…

« Ce n’est pas pour me vanter », comme on dit dans Labiche, mais j’ai passé, lundi dernier, une bien sale journée.
Je vous fais juge. À peine avais-je déjeuné que, ouvrant le Monde je suis tombé sur une double page, avec dessin, consacrée à régler leur compte aux « laïcards » : « Islamisme, séparatisme, l’offensive payante des laïcards », tel était le titre d’un article qui ressemblait, à mesure que l’on avançait dans sa lecture, à une liste de proscription, quelque chose comme l’« Affiche rouge », à cela près qu’il n’était pas question de fusiller ces « laïcs de préférence ». Encore que plusieurs d’entre eux, on se demande bien pourquoi, vivent sous une protection policière constante… Ah ! au moins on ne dira plus, au vu de ce papier, comme je l’entends souvent dans la bouche de ses ennemis jurés, que le Monde qui flirte souvent avec l’islamo-gauchisme – ce sont ses ennemis qui parlent –, a conservé de ses origines démocrates-chrétiennes un côté curé, biaisé, faux-cul, reconnaissable entre mille. Vous pensez bien que, chaque fois, je me récrie d’indignation. Au moins, on ne dira pas cette fois-ci que le Monde n’y va pas franco.
OUH LES VILAINS LAÏCARDS DÉCHAÎNÉS !
Mais, à mesure de ma lecture, je fus pris d’un étrange malaise. Je voyais là, cloués au pilori, les noms de gens pour lesquels j’ai amitié et admiration, comme Élisabeth Badinter, Caroline Fourest, Manuel Valls, d’autres encore, comme Laurent Bouvet, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Chevènement, Zineb El Rhazoui, sans parler de Jean-Michel Blanquer.
Au point que je me suis demandé si je ne serais pas à mon tour un peu laïcard… Lisant avec fébrilité jusqu’à la dernière ligne, j’ai constaté que, pour cette fois-ci, j’avais échappé à la rafle, mais que j’avais intérêt désormais à me tenir à carreau. Moi qui me suis longtemps imaginé que la loi contre le séparatisme avait été inspirée par le terrorisme le plus abject, la décapitation de Samuel Paty, le meurtre de trois fidèles dans la cathédrale de Nice, me voilà bien détrompé ; il n’en est du reste pas question dans l’article dont je vous parle. La loi liberticide, forcément liberticide, que le gouvernement nous prépare est le fruit quasi exclusif du lobbying de ces laïcards déchaînés, leur « triomphe idéologique ». On a beau dire et redire, le Monde est un journal qui sait décrypter.
FRANCE INTER, CHAMPION DE LA LAÏCITÉ ?
J’en étais là, ce lundi, à méditer sur mes mauvaises fréquentations, quand, à 22 h 5, j’ai ouvert sur ma tablette le Figaro à paraître le lendemain matin 8 décembre. Et qu’est-ce que j’y trouve ? Une information qui m’a fait sursauter. France Inter, radio du service public, vient de refuser une publicité en faveur de l’Œuvre d’Orient, association loi 1901, qui depuis cent soixante-quatre ans soutient les chrétiens d’Orient en finançant leurs œuvres sociales, écoles, hôpitaux, dispensaires. Bonne princesse, la direction de France Inter précise toutefois qu’elle est prête à accueillir cette publicité, à condition que disparaisse du message le mot « chrétien » qui y figurait, invoquant son souci de ne diffuser « aucun élément de nature à choquer les convictions religieuses, philosophiques ou politiques » des auditeurs…
Non mais, à France inter, ils ne seraient pas devenus un peu « laïcards » ? Ce n’est pas le cas, la direction de la station a bien compris que, sous prétexte que les personnes se réclamant de Jésus-Christ font l’objet, dans la plupart des États à gouvernement musulman du Moyen-Orient, de mesures vexatoires diverses – allant de la discrimination administrative et fiscale jusqu’aux expulsions et aux massacres, comme on le voit aujourd’hui dans le Haut-Karabakh –, il faudrait accepter de souiller les ondes laïques et virginales de ce mot de « chrétien », qu’il est désormais plus que malséant, littéralement obscène, de prononcer ! La direction de France Inter n’est donc pas tombée dans le piège qui lui était tendu : elle est prête à soutenir les droits de l’homme des chrétiens persécutés à condition de ne pas les nommer. Ainsi sont heureusement conciliés les devoirs d’humanité et le souci de ne pas froisser, par un mot inconvenant, les oreilles de ses auditeurs.
HEUREUSEMENT, LE MONDE ET FRANCE INTER VEILLENT SUR NOUS…
C’est alors que, pour la seconde fois de la journée, j’ai été saisi par une manière d’angoisse. Non content d’être un peu « laïcard », ne serais-je pas en même temps – pardon du mot – un peu « chrétien » ? Ne m’est-il pas arrivé, dans mes éditoriaux sincèrement laïques, d’évoquer la personne et les paroles de Jésus ? Pis que cela : nous sommes entre nous, je vous avouerai donc que j’ai passé mon dernier week-end à relire l’Évangile selon saint Jean, et que je l’ai trouvé pas mal. Pis : je me suis dit que cet écrit du fils de Zébédée figurait parmi les plus beaux qu’un être humain ait jamais produits. À ma décharge, je vous signalerai que Victor Hugo, qui n’avait rien d’un calotin, pensait de même.
Et j’ai beau me dire, avec Nietzsche, que, depuis la Création, il n’y a jamais eu qu’un véritable chrétien et que celui-là est mort sur la Croix, il n’empêche : il faut rester prudent et ne pas céder à la regrettable tendance qui serait la mienne d’être un christo-laïcard d’un genre un peu particulier. Heureusement, le Monde et France Inter veillent sur nous. Institutions sages et équilibrées, elles sont prêtes à reconnaître, j’en mettrais ma main au feu, que le terrorisme, le Covid et le chômage peuvent occasionner une gêne véritable chez de nombreux Français. Mais, habitués à traiter les sujets à fond, sans se laisser tromper par les apparences, les deux fleurons de notre parc médiatique ont su sans trembler aller au plus profond et dénoncer, en dépit de notre inconscience, les deux grands fléaux qui nous menacent à terme : le christianisme et la laïcité.
La mosquée comme havre de spiritualité
Les mosquées doivent redevenir des creusets d’une fraternité universelle

Dans cette nouvelle perspective fondatrice introduite dans le cours de l’histoire, la mosquée devint naturellement le lieu privilégié où s’incarnait et se construisait patiemment ce changement de cap et de paradigme. Malheureusement, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et les vicissitudes de l’histoire, de la politique et de la jurisprudence ont progressivement édité des barrières qui ont fini par éloigner les musulmans, peu ou prou, du sublime horizon que leur offraient la Révélation et le modèle prophétique.
Or, il est nécessaire que nos mosquées renouent avec ce modèle pour qu’elles redeviennent des creusets d’une fraternité universelle et des lieux d’accueil chaleureux et conviviaux à l’image du message prophétique lui-même et de la miséricorde dont il est porteur.
Du discours à l’architecture en passant par l’aménagement, les programmes et l’ambiance globale, tout doit être pensé pour inscrire nos mosquées dans un renouveau spirituel et une révolution culturelle.
Nous assistons à l’essor pour le moins surprenant (dans le contexte occidental, temple du rationalisme), de toute une « nébuleuse mystico-ésotérique » qui promet la paix du cœur à des âmes inquiètes ou du moins insatisfaites de l’horizon consumériste que leur propose la « civilisation des choses ». Notre époque se caractérise aussi par la croissance d’une demande diverse dans ses expressions : culte des soins, engouement pour les cultures orientales, souhait de retour à la nature et l’émergence de plusieurs utopies en mouvement.
On pourrait facilement conclure que le dénominateur commun dans cette nouvelle tendance durable de « consommation », celle de la spiritualité, réside dans cette réalité de soif spirituelle que ressentent des millions d’hommes et de femmes en quête de sens, de bien-être et dans la recherche d’une forme de libération du joug d’un système qui les broie.
C’est cette réalité qu’il est impératif de regarder en face pour bien comprendre l’immensité du travail qui reste à faire afin de libérer les joyaux de la spiritualité musulmane de la condition historique des musulmans et des limites dans lesquelles ils ont cantonné leur volonté, leur projet et leur ambition.
Une prise de conscience est nécessaire pour rompre avec une vision qui ne fait, in fine, qu’instrumentaliser l’islam comme un refuge identitaire, un « objet » communautaire d’auto-défense et un marqueur de particularisme cultivé par peur ou par rejet de son environnement.
L’islam, en effet, n’est autre que la voie qui permet à tout homme de prendre conscience de sa dignité d’être promis à la félicité éternelle, invité par Dieu à réaliser une ascension spirituelle sur les traces des grandes figures que Dieu nous a envoyées comme modèles.
La mosquée doit donc s’affranchir d’une vision qui la condamne à n’être qu’un lieu ethnocentré et exotique pour devenir un « dispositif » pleinement ouvert sur l’Homme et la société, dont la vocation première est de permettre la rencontre universelle entre l’Homme et son Créateur et la possibilité de découvrir et de s’initier à la Parole de Dieu et à la méthode spirituelle pour cheminer vers Lui.
Ainsi, on peut être dans la conservation ou le renouveau, le repli ou l’interaction, la méfiance ou la confiance, la peur ou l’audace, l’entre-soi ou l’entre-connaissance, le rejet ou l’intégration… Ce positionnement qui se fait dans une temporalité plus ou moins longue doit être étayé par une vision qui, tout en faisant un état des lieux critique, dessine une perspective et un horizon permettant d’échapper aux déterminismes qui travaillent les individus et les communautés souvent à leur insu.
Face aux tensions identitaires qui traversent nos sociétés et les individus qui la composent, la mosquée a son rôle de premier plan à jouer en matière de conversion des consciences pour offrir les outils d’un positionnement positif au cœur de leurs réalités locales aux musulmans, et les possibilités d’ouverture, de rencontre et d’interculturalité à tous les concitoyens.
La mosquée comme institution de socialisation se doit d’être un lieu vivant et influent ouvert sur la société, attentif aux courants de pensée qui la traversent, aux tensions qui la travaillent, aux inquiétudes qui la minent.
Autant la mosquée doit être un lieu qui permet le retrait du monde pour revenir à soi, autant elle doit être un lieu qui accueille le monde en son sein.
La mosquée n’est pas simplement un lieu de retraite, elle est un lieu d’accueil universel (accueil des générations, des cultures, des conditions sociales, des débats, des maux de la société…) qui transcende les blocages et agit sur les résistances par la spiritualité, l’éducation et la culture.
La mosquée enracinée dans son territoire et sa réalité locale a son rôle de médiation interculturelle à jouer pour réduire les tensions, accueillir les conflits de notre société engendrés par une histoire compliquée et un présent complexe, donner aux musulmans comme à tous les concitoyens les outils pour apprendre à se connaître et à se reconnaître.
La France ciblée par la fureur islamiste
Une propagande antifrançaise dans le monde musulman nourrit la violence.
La fureur antifrançaise qui s’est emparée du monde arabo-musulman depuis quelques jours semble avoir inspiré les deux attentats islamistes qui ont frappé jeudi la basilique Notre-Dame de Nice et un vigile du consulat français à Djedda, en Arabie saoudite.
La guerre verbale lancée par le président turc islamiste, Recep Tayyip Erdogan, contre Emmanuel Macron, à qui il reproche d’avoir défendu la liberté de caricaturer le prophète Mahomet, et contre la France, dont il a appelé à boycotter les produits, s’est répandue comme une traînée de poudre dans un grand nombre de pays musulmans. Nourrie par une campagne de propagande outrancière du pouvoir turc, qui compare la situation des musulmans de France à celle des juifs avant la Seconde Guerre mondiale, alimentée par des mensonges, comme celui qui prétend que les caricatures ont été projetées sur les bâtiments publics de Paris, elle a provoqué des manifestations et des gestes d’animosité envers le président français.
Au Bangladesh, 40.000 personnes ont participé à une marche organisée par un parti islamiste près de l’ambassade française, où ils ont brûlé une effigie d’Emmanuel Macron. À Bamako, le Haut Conseil islamique du Mali a exigé des «excuses» du président français. Quant à l’ancien premier ministre de Malaisie, il a carrément affirmé sur Twitter que «les musulmans ont le droit de tuer des millions de Français».
Quinze jours après la monstrueuse décapitation de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, le plan Vigipirate a été porté au niveau «urgence attentat» partout en France. Paris avait déjà invité ses ressortissants à la prudence dans les pays du monde musulman où sont organisées des manifestations antifrançaises.
Réveil brutal
La France est de longue date l’une des principales cibles du terrorisme islamiste. De tous les pays européens, c’est elle qui a enregistré le plus grand nombre d’attaques, perpétrées ces dernières années contre tous les symboles de la République. À cela de multiples causes: son passé colonial, son attachement à la laïcité, sa loi sur le port du voile, le fait qu’elle abrite la plus grosse communauté musulmane d’Europe, l’échec de son modèle d’intégration, la mainmise des tenants d’un islam radical sur les «quartiers»… Mais aussi son activisme sur la scène internationale et les opérations militaires qu’elle mène ou a mené contre le terrorisme en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Libye et au Mali.
Plus récemment, la volonté du président français de lutter contre le «séparatisme islamiste» et le soutien affiché du pouvoir à la liberté d’expression ont ravivé la flamme antifrançaise des courants radicaux dans le monde musulman.
Longtemps exogène, la menace terroriste qui pèse sur la France est aussi devenue endogèneEn 2017, la chute du califat Daech en Irak et en Syrie n’a pas diminué la menace terroriste qui pèse sur la France. Elle en a juste modifié sa nature. Les combattants de Daech, dont la volonté djihadiste est restée intacte, se sont adaptés à la nouvelle donne en retournant dans la clandestinité. Ils se sont disséminés au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe, où ils ont contribué à la propagation de l’idéologie islamiste radicale, qui peut pousser des individus au passage à l’acte sans qu’ils soient nécessairement liés à une organisation. Parallèlement, les djihadistes français qui avaient rejoint les rangs de Daech avant d’être arrêtés par la France, ont commencé à sortir de prison en 2020, après avoir purgé leur peine. Si elle a pu contenir un temps la menace, notamment au Mali, la lutte antiterroriste menée par la France au Sahel depuis 2013 n’a pas empêché la diffusion des cellules djihadistes sur le continent africain. Aujourd’hui, les mouvements djihadistes se sont étendus à presque tout le continent. Et ce bilan ne mentionne pas l’Afghanistan, où la lutte antiterroriste menée par les États-Unis depuis 2001, avec l’aide de la communauté internationale, notamment de la France, se solde, vingt ans plus tard, par le retour des talibans et le développement de l’État islamique.
Longtemps exogène, la menace terroriste qui pèse sur la France est aussi devenue endogène. À de nombreuses reprises, les lieux de culte chrétiens ont été visés par les islamistes dans les pays musulmans. Mais aujourd’hui ils sont aussi devenus des cibles en France, comme le rappelle l’attentat à Notre-Dame de Nice. Et comme l’avait déjà montré l’assassinat du père Hamel, égorgé par un djihadiste dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray en 2016.
Le réveil est d’autant plus brutal que les autorités françaises sont longtemps restées aveugles à la menace islamiste intérieure, refusant de la nommer et se réfugiant dans le déni ou la culpabilité, tout en laissant se développer l’influence des puissances étrangères sur les musulmans de France. Après le meurtre de Samuel Paty, cette nouvelle secousse a provoqué des réactions outragées. «Il est temps que la France s’exonère des lois de la paix pour anéantir définitivement l’islamo-fascisme de notre territoire», a affirmé Christian Estrosi, le maire de Nice. Elle a aussi suscité des commentaires indignés en Europe. Comme celui de Giuseppe Conte, le premier ministre italien. «La vile attaque qui s’est produite à Nice n’ébranle pas le front commun en défense des valeurs de liberté et de paix. Nos certitudes sont plus fortes que le fanatisme, la haine et la terreur», a-t-il écrit sur Twitter.
Manque d’alliés
Pourtant, dans son combat contre le terrorisme islamiste, la France a toujours manqué d’alliés. Si de nombreux pays européens ont fini par la rejoindre au Sahel, peu ont les moyens militaires de faire la guerre au terrorisme. L’allié naturel de la France, la Grande-Bretagne, s’est mis en retrait avec le Brexit. Les pays d’Europe centrale et orientale sont plus sensibles au danger russe qu’à la menace terroriste. Les États-Unis, qui ne se sentent plus vraiment visés par le terrorisme islamiste, ont déserté le Moyen-Orient. Quant aux alliés de l’Otan et de l’Union européenne, ils hésitent à sanctionner la Turquie d’Erdogan, parce qu’elle est un pilier de l’Alliance ou parce qu’ils redoutent son chantage migratoire.
Alors que de tout le monde musulman émanent des appels à s’en prendre à la France, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a lancé un «message de paix au monde musulman», soulignant que la France était le «pays de la tolérance», pas du «mépris ou du rejet». «N’écoutez pas les voix qui cherchent à attiser la défiance. Ne nous laissons pas enfermer dans les outrances d’une minorité de manipulateurs», a-t-il déclaré à l’Assemblée nationale.