Fait Religieux
La Turquie quitte la Convention…
…d’Istanbul réprimant les violences contre les femmes
Le décret présidentiel, qui annule l’engagement de la Turquie, signé en 2011, à adopter une législation réprimant la violence domestique, signale une régression de la condition des femmes en Turquie.
C’est un véritable camouflet pour les femmes turques. Dans la nuit de vendredi à samedi, le président Erdogan a retiré le pays de la Convention d’Istanbul qui lutte contre la violence faite au second sexe. «J’y vois un permis de tuer ! » s’enflamme Burcin, une mère de famille, en ralliant en fin d’après-midi un rassemblement de protestation improvisé devant l’embarcadère des bateaux de Kadikoy, sur la rive asiatique. Le décret présidentiel, qui annule l’engagement de la Turquie, signé en 2011, à adopter une législation réprimant la violence domestique, signale une régression de la condition des femmes en Turquie. Il est d’autant plus choquant qu’il intervient à l’issue d’une année particulièrement meurtrière : en 2020, 300 femmes ont été assassinées en Turquie. Sur la seule année 2021, 77 femmes ont été tuées en 79 jours d’après les ONG. « Annoncer en pleine nuit le retrait de la convention d’Istanbul, alors que nous apprenons chaque jour que de nouvelles violences sont commises contre les femmes, a de quoi remplir d’amertume », s’est insurgé le maire d’Istanbul et rival affiché du président, Ekrem Imamoglu.
Ahmet Insel: «Erdogan veut uniformiser la société»
Le sujet faisait débat depuis plusieurs mois, après qu’un responsable du parti islamo-conservateur au pouvoir, l’AKP, eut ouvertement suggéré d’abandonner le traité l’année dernière. Raison invoquée : la charte nuirait à l’unité familiale, encouragerait le divorce et ses références à l’égalité favoriseraient la communauté LGBT, actuellement dans le collimateur des autorités. De quoi faire bondir les associations féminines et les défenseurs des droits de l’homme qui avaient déjà signifié leur inquiétude en descendant à plusieurs reprises dans les rues d’Istanbul et d’autres villes pour exhorter le gouvernement à renoncer à son dessein. En vain.
Cherchant à faire passer la pilule, le gouvernement argue ce samedi qu’il n’a pas besoin d’un tel traité pour que les femmes soient respectées. La Constitution et la réglementation intérieure de la Turquie seront la «garantie des droits des femmes», assure Zehra Zümrüt Selçuk, ministre de la famille, du travail et des services sociaux, selon l’agence de presse Anatolie. Mais la confiance est rompue. «Renoncez à cette décision, mettez en œuvre la convention», ont scandé, ce samedi, des foules en émoi dans plusieurs villes du pays, où l’on a pu les entendre citer à tue-tête les noms de toutes les victimes de féminicides de l’année passée.
En Turquie, la jeunesse se dresse contre Erdogan
L’annonce, concomitante avec le limogeage du gouverneur de la banque centrale, et qui suit de près la menace d’interdiction du parti d’opposition HDP, intervient dans un contexte particulièrement tendu. D’aucuns voient dans ces décisions à la chaîne une double volonté d’Erdogan de renforcer sa base conservatrice tout en donnant des gages à ses alliés ultranationalistes dans la perspective du scrutin présidentiel de 2023. Un jeu d’équilibriste à la fois risqué et dangereux pour l’avenir du pays que l’Europe – qui venait tout juste d’amorcer un dégel avec Erdogan – observe avec préoccupation. «La décision de la Turquie (…) est une nouvelle dévastatrice (…) qui compromet la protection des femmes», déclare le Conseil de l’Europe dans un communiqué.
À voir aussi – Turquie: Erdogan dit vouloir «remettre sur les rails» les relations avec l’Europe
Programme sur la Laïcité et le « Fait Religieux »
Qui sont-ils : l’Ancien Testament, le Nouveau Testament, les Evangiles, le Coran ?
Mais qui sont-ils… Moïse, Jacob, David, Salomon, Jésus, Marie, Paul, Mohamed, Ali, Confucius, Bouddha, Baha-U’llah ?
Et que savons-nous des religions du monde ? D’où viennent-elles ? A quelle époque ont-elles été fondées ? Par qui ? Quels en sont les rites, les manifestations ?
Nous illustrerons le Judaïsme, le Christianisme, l’Islam, l’Hindouisme, le Bouddhisme, le Confucianisme, le Taoïsme, le Chamanisme, le Vaudou, sans oublier la place et l’enjeu de la LAICITE dans notre société.
Le Concept du Fait Religieux est un sujet dont on parle peu. Il s’agit d’appréhender son Histoire pour mieux saisir le but.
Des les premières décisions de l’Etat et de l’adoption de la Laïcité, nous avons noté une perte inquiétante de références culturelles et les conséquences sur la compréhension de l’Histoire, la Littérature, des Arts, sur la marche du monde moderne. Lionel Jospin, en 1989 demande une étude.
Le philosophe Régis Debray dénonce « l’analphabétisme religieux ». Les religions doivent être étudiées avec des méthodes du raisonnement scientifique, relevant davantage de la Sociologie et de l’Anthropologie que de la Foi. Voir le document complet :
Ce travail doit être mis en valeur avec ton CV…
Serais-tu d’accord pour installer ce chef d’oeuvre écrit sur « L’ISLAM en FRANCE et l’ISLAM de FRANCE »?
Bien cher Jean,
Pour cette nouvelle année, je te présente mes meilleurs voeux avec l’espoir que 2021 apporte plus de paix et de solidarité dans notre société malmenée par l’épidémie.
C’est avec beaucoup de retard que je réponds à ton mail traitant le sujet de L’ISLAM en FRANCE et l’ISLAM de FRANCE. Je l’ai trouvé excellent. Je n’en aurais pas fait autant. Serais-tu d’accord pour insérer ce texte concis et précis sur mon site: https://education-citoyenneteetderives.fr car en tant qu’éducateurs, il est important de faire connaître nos travaux, la formation étant l’essentiel de notre mission. Il faut penser à nos universitaires. Cette synthèse sera mise en valeur accompagnée d’un petit CV sur ton parcours à la PJJ.
En espérant avoir ton accord,
Bien fraternellement
BENABADJI Foudil Aumônier Référent des Hôpitaux de la Savoie, www.education-citoyenneteetderives.fr, Pensez à l’environnement avant d’imprimer ce message – Think Environment before printing
Voici la réponse de Jean Guery, un ami connu depuis 1959. Nous étions regroupés au Centre d’Observation Public de l’Education Surveillée (COPES) à Collonges au Mt d’Or dans le cadre de la formation du métier d’éducateur. « L’Education Surveillée » devenue « Protection Judiciaire de la Jeunesse » (PJJ).
Mon CV ES-PJJ: éducateur sur contrat au COPES de Collonges au Mont d’Or, major de promotion (entrée et sortie) au concours externe d’éducateurs au CEFRES de Vaucresson, délégué permanent à la L.S au T.E de Rouen, directeur (création) du FAE de Villiers sur Marne, directeur du COPES de Juvisy sur orge puis du Plateau de Champagne de l’Essonne (avec l’IPES de Savigny sur Orge), ENA (formation continue des sous-directeurs d’Administration Centrale); Directeur Régional à Rennes de Bretagne-Pays de Loire, Directeur Régional à Montpellier (création) du Languedoc-Roussillon. Officier de la Légion d’Honneur et du Mérite National. Jean GUERY
———————————-
L’ I S L A M
L’ISLAM en FRANCE et l’ISLAM de FRANCE
« L’histoire sans cesse interrogée est condamnée à la nouveauté » disait en 1985 Fernand BRAUDEL.
Il ne faut être certain de rien, voire douter de tout. Ainsi, mon manuel d’histoire, Mallet-Isaac, m’avait appris dans les années 50 que Clovis avait été baptisé à Reims par St Rémy en 496. Or, les derniers historiens Champenois affirment maintenant que ce fut en 507! Nombre d’auteurs antérieurs écrivaient: 499, 508; les plus incertains se donnant une marge: entre 406 et 511.Ceci pour illustrer que ce que nous savons aujourd’hui de l’Islam me paraît tout aussi incertain.
L’Islam, je l’ai cotoyé sans le connaître. D’abord, étudiant, donnant des cours d’alphabétisation à de jeunes algériens venus travailler en France.
Ensuite, pendant vingt-huit mois dans une unité de Tirailleurs maghrébins entre frontières, Tunisienne, Algérienne et Libyenne. Enfin, en tant que professionnel du Ministère de la Justice à propos de la délinquance des mineurs nord-africains. Que savais-je? A vrai dire, pas grand chose, si ce n’est, plus ou moins généralisé, le port du voile de leurs femmes, les ablutions rituelles, la prière – prosternation à l’est (la Salât), leurs interdits alimentaires aux premiers rangs desquels, le porc et l’alcool, le jeûne du Ramadan (Sawm), enfin le pélerinage à la Mecque pour les plus croyants et les plus fortunés d’entre eux, les « hajj ». Manquaient la « Chahada », soit la profession de foi et la « Zakât », l’aumône légale.
Soit les cinq piliers de l’Islam.
Mais l’Islam est complexe! Ainsi, au delà des terroristes qui s’en réclament et dont chacun se souvient des actes sanglants, voyez, la Tunisie, seul pays arabe, qui s’est donné un ministre Juif, René Trabelsi, originaire de l’île de Djerba, où la communauté israélite groupée autour de la synagogue de la Ghriba, objet d’un attentat d’Al-Qaïda en 2002, a compté jusqu’à 100000 personnes (1500 aujourd’hui!). Voyez aussi la franco-marocaine, Zineb el Rhazoui, chroniqueuse à Charlie-Hebdo, menacée de mort pour avoir défendu la laïcité, après avoir notamment déclaré sur « C-News », le 19 – XII- 18, que « l’Islam doit se soumettre aux lois de la République, à la critique, à l’humour, au droit français ».
Avec le temps, je me suis intéressé à l’histoire de l’Islam, de Mohamed, son Prophète, de ses successeurs, du syncrétisme de sa religion, de ses conquêtes militaires et commerciales, de sa riche culture médiévale (Biruni, en l’an mille, au savoir encyclopédique; Avicenne le touche à tout à la même époque, philosophe, mathématicien et médecin; Averroès, le magistrat, médecin, aristotélicien du 12° siècle; Ibn Arabi, le mystique andalou du treizième siècle; Rûmî, le poète Soufi d’Anatolie à la même époque; Ibn Khaldoun, l’historien tunisien du quatorzième siècle). Ce qui m’amena à produire quelques travaux. L’un, traitant des Sémites, dont les Arabes sont ceux des tribus de la péninsule, limitée parl’arc des montagnes d’Arménie et de Perse et par les fleuves du Tigre et de l’Euphrate. Un autre texte, sur la bataille de Poitiers en 732, date et lieu aussi improbables que celles du baptême à Reims de Clovis en 496.
L’Arabie du VII° siècle est un lieu de circulation de peuples, d’idées et de croyances. Certaines tribus sont juives, d’autres chrétiennes ou païennes. C’est là que va mûrir ce qui va devenir l’Islam.
Trois grandes questions se posent.
- Qu’est-ce que l’Islam?
Muhammad (570-1 / 632). Ou Mohamed, OU Mahomet.
2. Les sources biographiques sur Mahomet sont quasiment toutes musulmanes: le Coran (racine arabe « Qur’àn » i.e: récitation, lecture), la Sira (vie du Prophète) et les Maghazi (campagnes militaires). Hormis le Coran, ces textes ont été, dans le meilleur des cas, rassemblés et rédigés au VIII° et IX° siècle.
Selon la tradition musulmane, cette région, où aucun monothéisme ne s’est encore imposé, du moins à la Mecque, voit le jeune Muhammad, « le loué », venu là en caravane rencontrer le moine Bahira, car la Christianisation remonte au 3 ème siècle. Celui-ci lui prédira son destin.
Tôt orphelin, Mohamed est recueilli par son grand-père, puis par son oncle, père de son cousin et futur gendre, Ali. Commerçant caravanier, notamment en Syrie, où il rencontre chrétiens et juifs,Mohamed épouse sa patronne, la riche veuve Khadija, de quinze ans son aînée. Influencé également par les devins arabes, inspirés, dit-on, par les djinns,avec des périodes de retraite et de réflexion dans une caverne de la montagne de Hira, proche de la Mecque, il se croit, vers 610, possédé d’un esprit malin. Ce dont il s’ouvrira à Khadija et à un cousin de celle-ci, lui christianisé, qui voit là une expérience semblable à celle de Moïse. A la suite de quoi, l’agent de la révélation sera identifié à l’ange Gabriel. Après ce premier appel, Mohamed passera encore 10 à 15 ans à la Mecque. D’autres révélations, épisodiques, se poursuivront. Vers 614, il se fit entendre publiquement, réunissant quelques adeptes, mais suscitera plutôt les railleries et la réprobation des Mecquois. Mohamed, combattant le polythéisme, prêche le retour à Dieu, Allah, la générosité et l’aide aux faibles. Il annonce le jugement dernier, précédé d’une résurrection des corps, avec comme corollaires les tourments de l’enfer et les délices du paradis. Vers 619, il perd sa femme et son oncle. Mahomet se met en quête de soutien, établissant des contacts avec les habitants de Médine, où vivaient des Juifs arabisés, et où il émigre en fait vers 622. (Année considérée comme l’an 1er de l’ère musulmane). S’en suivent une succession de batailles remportées par les Musulmans de Médine contre les Mecquois. Notamment: en 624 à Badr, puis au Fossé. Ce sera enfin la conquête de la Mecque en 630.En mars 632, Mohamed accomplit le pèlerinage complet selon les antiques rites païens, qu’il avait islamisés. Il sévit contre ses opposants et meurt en juin de la même année. C’est le septièmesiècle.
Au delà d’avoir été le transmetteur de la révélation, Mohamed fut chef politique, juridique et militaire. Il s’était assigné pour but d’organiser le nouvel état musulman. C’est d’abord la Constitution de Médine, qui définit les grandes lignes d’une communauté, la Oumma, de caractère confessionnel. Mahomet ne donnait pas à penser qu’il voulait créer une nouvelle religion, mais opérer un retour au monothéisme originel. Ainsi, vers 623-624, le sanctuaire païen de la Mecque, fondé dans sa vision des choses par Abraham et son fils, Ismaël, devient le point focal de sa religion. C’est en sa direction, la Qibla, que doit se faire la prière canonique. Les versets coraniques de cette époque énoncent les dispositions les plus importantes concernant le culte: prières, pèlerinage, jeûne; comme des prescriptions familiales et sociales: mariage, transactions commerciales; définitions des délits graves et les peines encourues. En même temps, Muhammad légifère lui même.
Ses paroles, ses actes et son assentiment tacite sont la seconde source, la Sunna, de la loi musulmane après le Coran. Bien que le Coran fasse de luiun mortel comme les autres,Mahomet a été l’objet d’un véritable culte avec ses reliques, ses miracles, son ascension céleste. Sans oublier le voyage nocturne, qu’il aurait accompli à Jérusalem durant sa période mecquoise; ce sera un des thèmes de méditation des Soufis.
- Les SUCCESSEURS du PROPHETE.
Héritières du pouvoir temporel et spirituel du Prophète, des dynasties ont régné sur les grandes aires de l’Islam, de l’Arabie à l’Espagne, de la Turquie à l’Inde. Leurs rivalités ont engendré querelles et guerres pour le contrôle de leurs sphères d’influence. « La tradition musulmane, écrit Héla Ouardi, a tendance à présenter le règne des quatre premiers califes, comme un temps idyllique. Or, il y eut une déchirure précoce avant la grande discorde, 85 ans plus tard, entre Sunnites et Chiites, qui vit les plus proches du Prophète rivaliser de trahisons, de pactes secrets, de corruption et de menaces de mort pour s’emparer d’un pouvoir totalement inédit. Tous sont liés à Mouhammad, à des degrés divers, par la religion, mais aussi par des alliances matrimoniales et le sang versé sur les champs de batailles».C’est le passage d’un mouvement religieux centré sur une figure charismatique à une civilisation impériale.
Dès la mort de Mouhammad en 632, se pose en effet la question du pouvoir, avec le souci de trouver un remplaçant (Khalifal) à « l’envoyé de Dieu ». Les Médinois soutiennent qu’ Ali, son cousin, époux de sa fille, Fatima, et père de ses petits fils, Hassan et Hussein, peut hériter de la fonction et la transmettre. Mais on choisit l’ami de Mahomet, Abou Bakr, auquel succède Omar qui donne un élan décisif aux conquêtes; puis Othman. Ali pressenti depuis longtemps, lui succédera enfin et meurt en 661. Il laisse le califat à son rival, cousin d’ Othman, Moawiya, gouverneur de Syrie, qui s’installe à Damas, créant ainsi la dynastie des Omeyades, régnant de l’Espagne à l’Indus.
Mais des descendants du Prophète sont hostiles aux Omeyades. Ils lèvent une armée qui, à partir de l’Iran, marche sur l’Irak, la Syrie et l’Égypte,renverse les Omeyades et installe un nouveau califat de 750 à 945, celui des Abassides, avec pour capitale, Bagdad. Seul, un jeune Omeyade, Abdel-Rahman, échappe au massacre des siens. Il se réfugie au Maghreb, en Ifriqiya (Tunisie), restant toutefois aux Abassides, mais confiée aux Aglabides, émirs héréditaires de Kairouan. Abdel conquiert l’Espagne musulmane en 756 et crée la dynastie des Omeyades de Cordoue, qui durera jusqu’en 1031. A partir de 945, le calife de Bagdad est mis sous la tutelle des Bouyides, mercenaires chiites iraniens. En 1055, les Turcs, Seljoukides, sunnites, chassent les Bouyides et remplissent à leur tour le rôle de protecteurs avec le titre de sultan. Ils battront les Byzantins, mais s’affaiblissent au XII° siècle, laissant la place aux Mongols, qui prennent Bagdad en 1258 et imposent une autorité non musulmane sur des terres d’Islam.
Concurrents des Abbassides dès le X° siècle, dans le lointain Maghreb apparaissent les Fatimides, chiites ismaéliens venus de Syrie.Ils tirent leur nom de Fatima, la fille du Prophète, dont ils affirment descendre par Ismaël. C’est le septième imam selon eux. En 909, ils prennent la place des Aglabides de Kairouan, se donnent le titre de Calife et soumettent presque tout le Maghreb, s’opposant aux Omeyades de Cordoue, dont l’émir, Abdelrahman, qui se proclame en 929, lui aussi, calife, défenseur du sunnisme. En 970, les Fatimides prennent l’Egypte, ils contrôlent la Syrie-Palestine et même le Yémen, avant d’être remplacés en 1252 par les mercenaires Mamelouks, eux mêmes dominés par les Ottomans à partir de 1517.
Les Ottomans sont des Turcs, dont le premier des ses chefs, Osman, donnera le nom à la dynastie. En 1366, les Ottomans fixent leur capitale àAndrinopleet conquièrent progressivement les Balkans jusqu’à la conquête de Constantinople en 1453. De ce moment, ils deviennent au XVI° siècle la principale puissance de la Méditerranée, de l’Europe et de l’Asie occidentale, avec des conquêtes en Egypte, au Maghreb, dans le Caucase et en Europe centrale. Après l’apogée de Soliman le Magnifique au XVI° siècle, les Ottomans restent vigoureux face à l’empire austro-hongrois et face à l’empire iranien chiite des Safavides, instituant le Chiisme comme religion d’État. Puis, c’est la stagnation au XVIII° siècle. Enfin, le dépeçage par les Européens au XIX° siècle, avant la destruction définitive de l’empire après la guerre de 14 -18.
LE LIVRE SACRE des MUSULMANS.
C’est le Coran, qui rassemble selon la tradition les paroles divines descendues sur le Prophète, Mahomet, au cours d’une période estimée par l’historiographie musulmane à 22 ans, soit de 610 à 632.
A la première révélation au mont Hira, Mahomet a 40 ans. Il entendra par intervalles des messages, qui se présentent en petits groupes, soit 114 chapitres (sourates) divisés en versets (ayat). La première sourate est la « fatiha » qui comporte la profession de foi du musulman.
Le corpus coranique ne suit pas la chronologie des révélations. Il ne s’agit pas d’un récit de vie qui relaterait, en totalité ou en partie, la vie de Mahomet. Les enseignements divins n’y sont pas, non plus, ordonnés suivant une chronologie ou une thématique.Pour autant, ils ne sont pas détachés du
contexte, puisque le livre multiplie à souhait les interpellations, les réfutations, les injonctions. Allusion est faite, de surcroît, à des évènements que nous aurions du mal à situer sans un éclairage extérieur. Or, celui-ci est fourni par un ensemble d’ouvrages et de traditions orales, qui sont venus très tôt aider fortopportunément le musulman dans sa lecture. Ainsi, de la « Sira » (vie du Prophète) et des « Hadiths » (faits et paroles du Prophète), qui ont procuré un guide de lecture permettant de relier un verset, ou un passage, à un moment particulier.
Dans la conception musulmane, la « révélation » coranique succède aux autres révélations, c’est à dire à la Torah et aux Évangiles, qu’elle vient confirmer. Le Coran honore particulièrement Abraham, dont il fait le fondateur de la « Kaaba » et de rites pratiqués à la Mecque. Il accorde aussi une place à part à « Jésus, fils de Marie », prophète qui n’est pas mort sur la croix. Le Coran repousse à plusieurs reprises le soupçon de plagiat, et accuse les Juifs et les Chrétiens d’avoir falsifié leurs écritures. Le Coran serait la réplique d’un archétype qui demeure au ciel, gravé sur la « Table gardée » et considéré comme « la mère du Livre ». Ceserait aussi le dernier message envoyé par Dieu, auquel rien ne succédera avantla fin des temps.Il enseigne que tout vient de Dieu et y retourne. A Mahomet, il a enseigné la « religion parfaite » de la « soumission » à Dieu (sens du mot, Islam). Rassemblé en un volume à l’initiative du 3ème calife, Othman, le Coran est stabilisé à la fin du 7ème siècle, mais il fallut près de trois siècles ensuite pour parvenir à un texte définitif. C’est la version égyptienne de 1923, basée sur l’une des sept lectures canoniques, qui s’est imposée aujourd’hui dans le monde musulman sunnite.
L’ISLAM en FRANCE.
- Il s’agit essentiellement de la confession Sunnite, notamment de l ‘école Malikite, dominante au Maghreb, où les juristes ne craignent pas d’innover, comme ils l’ont montré en Tunisie en interdisant, par exemple, la polygamie. Il y a aussi, compte-tenu de l’émigration turque, l’école Hanafite, qui laisse une grande liberté d’interprétation personnelle aux juristes pour définir les règles de vie conformes à l’Islam. C’est la doctrine la plus libérale et la plus souple du Sunnisme.
A noter, les écoles Chafiite influente en Égypte et à Mayotte, Hanbalite, rigoriste comme en Arabie Saoudite, sous la forme du Wahhabisme.
Il n’ y a en France que très peu de personnes relevant de la confession Chiite, comme en Iran.
Les Français ont peu retenu des fêtes religieuses musulmanes: le nouvel an commémorant l’hégire (Moharram), l’exil de Mahomet de la Mecque à Médine, la naissance du Prophète (Rabi al awal), la nuit du Destin (révélation) et la nuit de l’Ascension (voyage nocturne de Mahomet de la Mecque à Jérusalem, puis jusqu’à Dieu). Ils connaissent par contre pour la plupart: l’Aïd el Kebir, soit la fête du sacrifice du fils d’Abraham, Ismaël, demandé par Dieu, (idem chez les Hébreux avec Isaac). Sacrifice que l’ange Gabriel substituera par un mouton mâle. A moindre degré, ils connaissent aussi l’Aïd al Fitr, soit celle de la rupture du jeûne de Ramadan.
Chez les Chiites, il y a notamment l’Achoura, commémoration du martyr de Hussein, petit fils de Mahomet, lors de la bataille de Kerbala en 680; le « quarantième » jour, fin du deuil inaugurant l’Achoura; les Douze Martyrs, imams, et la blessure d’Ali, le premier imam.
Du fait de l’interdiction légale (loi du 6.I.78) de tenir des statistiques religieuses au niveau des recensements, on évalue à environ 8-9 % le nombre de Musulmans en France, soit de l’ordre de 6 millions en 2016 (Sources: I.N.E.D et Pew Research Center). Il faut toutefois tenir compte d’un nombre significatif de mariages mixtes, de non pratiquants, d’agnostiques, voire d’athées.Les projections évaluent à 10,3 % en 2030 le nombre de musulmans. Ce sont les périphéries urbaines qui sont les plus impactées. En Seine Saint Denis, on relève aujourd’hui 700000 musulmans sur 1.600.000 habitants, qui, du point de vue social, est le département le plus sinistré de France et, du point de vue de la criminalité, celui qui nécessite l ‘action du plus grand Parquet de l’hexagone.
Du « Bicot » en chéchia, marchand de tapis, de montres et de portefeuilles de mon enfance d’après guerre, au « Fellagha » Tunisien de 54-56, puis « Fellouze » Algérien, devenu génériquement « le Bougnoule », que du mépris métropolitain par méconnaissance et suffisance colonialiste! En France, cet Arabe habitait, célibataire, travaillait à la mine, dans le bâtiment, les travaux publics (autoroutes et barrages). Mais sous Giscard, poussé par le patronat pour avoir une abondante main d’œuvre moins onéreuse, le Maghrébin fut autorisé à faire venir femme et enfants. Des baraquements de chantier, ces nouvelles familles conquirent les H.L.M des années post 60, désertés par leurs résidents, ouvriers et employés, pour des pavillons en lotissement.C’est à partir de ce moment que les Français découvrirent les modes de vie différents de ces nouveaux venus, qui amenèrent Chirac, en 1991, à parler de familles entassées avec 3 ou 4 femmes, évoquant le bruit et les odeurs. Ces clichés racistes rejoignaient les expressions populaires: « ils mettent le charbon dans les baignoires », ou « ils y égorgent les moutons ». Bref, ce qui parut devenir le plus insupportable, ce fut le port du voile des femmes, et des filles dès la nubilité.
Sur cette coutume, tout aura été dit. En tous cas, elle est, plus ou moins, bien réglementée par la législation actuelle en France. A l’origine, le terme « hijab » revient huit fois dans le Coran. Il désigne une draperie, un rideau, mais jamais un voile, dont la femme doit se couvrir. Le texte mentionne ainsi le « hijab épais placé entre le paradis et la géhenne », ou entre le croyant qui lit le Coran « etceux qui ne croient pas à la vie future ».Le même mot est utilisé aussi pour figurer la distance mise en soi et les autres. Le « hijab » désigne également le crépuscule et la chape, qui sépare les fidèles des mécréants. C’est aussi un voile quiempêche les incroyants de voir « leur Seigneur ». La huitième occurrence concerne les femmes du Prophète: « si vous leur demandez quelque objet, faites le derrière un voile. Cela est plus pur pour vos cœurs et pour leurs cœurs ». La sourate poursuit ainsi: « Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs « jalalib » (capes ou manteaux). Elles en seront plus vites reconnues et éviteront d’être offensées ». Il ne s’agit pas là d’un nouvel élément vestimentaire, mais d’une injonction à la pudeur, à laquelle doivent s’astreindre les femmes, sauf en présence de proches, dont le Coran dresse la liste et auxquels elles peuvent montrer « leurs atours ».
On sait ce que désormais le voile est devenu en France, plus une affirmation identitaire qu’une disposition d’obligation patriarcale de soumission; encore que…La République pataugeant dans l’interdit-autorisé. Ainsi, l’organisme de l’Observatoire de la Laïcité, présidé par Bianco, vient-il, à propos du Service National Universel, d’autoriser le port de signes religieux lors des journées d’intégration, au motif que ce ne sont pas des élèves, mais de simples usagers, futurs citoyens. Et la polémique d’enfler!..
Car il est vrai que dans le Coran, bien qu’il affirme l’égalité entre les sexes, il y a supériorité de l’homme sur la femme. Que ce soit ainsi de la possibilité de la polygamie, de la répudiation de l’épouse, de l’héritage à l’avantage de l’homme, – sauf désormais a parité, récemment en Tunisie -, du témoignage, où pour un homme il faut deux femmes, de la violence conjugale à défaut de la persuasion, de la lapidation de la femme adultère, comme de l’excision des fillettes, du moins dans certains pays musulmans.
Si aux yeux des « Oulémas » i.e: des docteurs de la loi, seul le Coran est la parole de Dieu, ces juristes ont défini également la « Sunna », c’est à dire le corpus des propos humains de Mohamed, bien que d’inspiration divine. Ce sont les « Hadiths », différents chez les Sunnites et les Chiites. Le système islamiste ignorant la hiérarchie des normes, on a l’impression en occident que parfois la « Sunna » est prééminente au détriment du Coran. Ainsi, pour revenir au voile féminin, il faut savoir que si le sens du Coran n’est pas explicite, les traditions exégétiques le sont. Elles définissent de manière très concrète ce que doit être ce voile, dans un contexte proche oriental, où depuis l’Antiquité la plus haute, les femmes de condition libre devaient se voiler. De même, concernant le vin où le premier verset n’énonce aucune prohibition, le second lui trouvant des qualités, le troisième demandant de ne pas prier en état d’ivresse, et le quatrième statuant sur son évitement. Dès le X° siècle, des « hadiths » entre eux peuvent diverger. Du côté sunnite, la plupart du temps, ils ne sont pas le fait du Prophète, mais d’autorités secondaires, compagnons ou suivants de Mohamed. C’est cette réflexion critique sur le Coran et la Sunna, qui ont permis aux juristes musulmans d’élaborer les fondements de la « Charia » aux IX° et X° siècles. Celle-ci nous est, hélas, devenue familière avec les attentats, le « Djihad », qui, bien sûr, est l’engagement de tout musulman pour défendre, voire étendre le domaine de l’Islam, mais aussi pour combattre en soi ses mauvais penchants. Cet aspect du travail sur soi est pour la plupart d’entre nous trop souvent inconnu.
C’est donc vers la fin des années 80 dans la France sécularisée, voltairienne presque jusqu’au bout des ongles, qu’on assiste à l’irruption spectaculaire de l’Islam, jusque là très discret, par l’affaire du « voile ». Le bras de fer qui s’entame avec cette résurgence cléricale et, partant régressive aux yeux de certains, va pousser la République à ressortir du placard l’uniforme que son aïeule, la III° République, portait naguère quand elle était aux prises avec l’Église.
Claude Habib (F) dans son ouvrage « Comment peut-on être tolérant? » étudie la généalogie et les ressorts actuels de l’idée de tolérance à la lumière de son double: l’aversion. L’auteure insiste beaucoup sur la présence récente en France, à cette échelle, de l’Islam, dont elle fait un facteur de réinstauration de l’affrontement originel entre la tolérance et la religion, à propos, par exemple, du voile et de l’apostasie. Et pourtant, ces questions font l’objet, parmi les théologiens musulmans, de désaccords insolubles.
Avec les caricatures de Mahomet, c’est, certes, un peu plus compliqué. En effet, les Français musulmans, issus de l’immigration maghrébine des années 70, outre les stigmates de la colonisation, n’ont pas dans leur mémoire, ce logiciel de la sécularisation, ni celui de la désacralisation religieuse. Il s’ensuit que les caricatures religieuses, et en particulier celles du Prophète, ne peuvent susciter au sein de cette population qu’indignation et réprobation. On connaît la suite, en 2015, contre Charlie Hebdo, dans un pays, qui a été le premier en 1791 à abolir le délit de blasphème, après que les articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen avaient proclamé la liberté d’expression et d’opinion. Souvenons-nous donc du 1er juillet 1766 de l’exécution du chevalier de La Barre, roué de coups, les os brisés, jeté au bûcher à 20 ans pour son refus de s’être découvert lors du passage du « Saint-Sacrement » et pour avoir chanté des chansons paillardes.
- L’ISLAM DE FRANCE
Et pourtant, à bien y réfléchir, ces caricatures devraient être considérées comme une étape du processus d’intégration de l’Islam de France à la culture française, dont l’une des dimensions est l’anticléricalisme. Les citoyens français de culture musulmane ignorent souvent l’histoire. Aussi, une fraction de ces Français, dits récents, considèrent, à tort, les caricatures de Mahomet comme une stigmatisation de leur religion, alors même qu’il s’agit d’une manifestation, somme toute classique, de l’esprit voltairien. Inversement, beaucoup d’observateurs n’ont pas connaissance de la crise profonde de la conscience du monde arabo-musulman perdurant depuis le XIII° siècle, et qui a empêché l’avènement d’un courant de pensée islamico-rationnaliste, profondément réformiste. Ce courant-là aurait pu enclencher un début de sécularisation de l’Islam. Par conséquent, l’Islam de France, un islam de la diaspora, recroquevillé sur lui même, a les plus grandes difficultés à accepter cette modernité, qui se joue du sacré. L’institution catholique, qui, depuis Vatican II, compose avec la modernité, a pris acte depuis fort longtemps de la « victoire de l’anticléricalisme, devenu un élément constitutif de l’identité française ». Ne pourrait-on pas affirmer que les caricaturistes, et leurs cortèges de polémistes, peuvent bénéficier à la désacralisation de l’Islam de France et, par ricochet, à son arrimage à la culture française, qui ne peut se penser sans cette inclination à l’irrévérence religieuse. « Le droit qu’elle a de se manifester publiquement implique, pour une religion, résument Régis Debray et Didier Leschi dans « La Laïcité au quotidien », de s’exposer à la critique publique… »
La volonté de supprimer « l’Islam des rues et des caves » dans un pays, qui compte en Europe le plus de musulmans, pose notamment le problème du financement des lieux de culte, jusqu’à présent aux mains des Algériens, des Marocains, des Turcs et des monarchies pétrolières. Or, comment s’y substituer? On le sait, la République Française, depuis la loi de Séparation des Églises et de l’État du 9. XII.1905, en ses articles 2 et 4, supprimant le Concordat de Napoléon de 1801,- (hormis les cas particuliers d’Alsace-Moselle, de Polynésie, de Guyane et de Mayotte) – « ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte; les établissements publics de culte ont été supprimés au profit d’associations cultuelles relevant de la loi de 1901 » -.
C’est pourquoi, après Chevènement et Sarkozy, Macron, conformément à une promesse de campagne: « entend responsabiliser davantage les acteurs religieux »,après une récente rencontre avec les représentants du Conseil Français du Culte Musulman.Autrement dit, assurer leur autonomie par rapport aux pays étrangers et lutter contre la radicalisation. Ceci, sans toucher, est-il affirmé, au socle de la loi de 1905, mais en la faisant évoluer, en l’adaptant aux réalités d’aujourd’hui. Notamment par une proposition aux gestionnaires de l’Islam de France, en élargissant leur capacité de financement par la loi de 1905, certes plus contraignante, mais rendue plus attractive: garanties d’emprunt, baux emphytéotiques administratifs des Mairies aidant à construire un lieu de culte… Au détriment des dispositions actuelles relevant de la loi de 1901, pratiquée par les Musulmans. Mais en imposant dans cette bascule statutaire certaines des exigencesréglementaires de 1901. C’est à dire: tenue obligatoire d’une assemblée générale annuelle, certification des comptes par un commissaire aux comptes,déclaration des dons venant de l’étranger au delà de 10000 €. D’ores et déjà l’ensemble des associations laïques, dont le Grand Orient de France, dans la pétition, « L’appel des 113 », sont opposées à toute modification de la loi de 1905, y voyant « une tentative d’ingérence de l’État dans les affaires du culte, et de l’Islam en particulier ». En effet, les principes théologiques d’un culte ne regardent pas l’État, mais les croyants et pratiquants. Pour l’heure, « rien n’est encore défini », s’agissant selon l’Élysée, « d’une phase d’échanges, de co-construction », qui a vu en janvier la remise d’une note à chacun des représentants des cultes.En bref, le vice-président du culte musulman, Anouar Kbibech, a conclu: « il n’y aura pas de législation spécifique pour le culte musulman ». Pour préserver l’ordre public, les droits et libertés garantis par la Constitution, des sanctions seront renforcées: un an d’emprisonnement, 60000 € d’amende; facilitation de dissolutiond’associations 1901 & 1905.Restera, bien sûr, à convaincre les Parlementaires! ,A ce jour, c’est stand by.
Il est permis de distinguer, tant en Europe qu’en France, au moins quatre grands courants chez les jeunes musulmans.
Ceux qui considèrent que Tariq Ramadan est le sauveur providentiel, celui qui répare l’image de l’Islam, qui leur dit que l’Islam peut-être moderne, qui donne le change face à des médias qui les stigmatisent; celui dont l’érudition et la rhétorique imposent le respect, voire l’admiration. Il jouit d’un capital symbolique très fort sur trois registres: il est le petit fils de Hassan el Banna, fondateur des Frères Musulmans en Egypte; il est universitaire convoquant un savoir sacralisé; il est européen intégré. Sur le voile, il affirme que « l’on ne doit pas imposer à une femme de le porter, ni de l’enlever, car il s’agit d’un acte de foi et de liberté de conscience ». Homme à la pensée paradoxale, son étoile a quelque peu pâli, on le sait, en raison des poursuites judiciaires dont il fait l’objet.
Tout comme les identitaires précédents, « les Républicains » se disent autant français que musulmans. Ils considèrent l’espace laïque comme une sorte de cadre idéal, voire de référent, pour repenser l’Islam à l’aune des exigences contemporaines. Abdennour Bidar, professeur de philosophie, prétend que chaque croyant est responsable de l’interprétation qu’il fait du texte coranique. Personnellement, il ne reconnaît pas la dimension normative du Coran, devenu source de légalité bien plus que de spiritualité. Autrement dit, les réponses ne sont pas en amont, contenues dans le texte, mais en aval, dans la compréhension qu’en fait chaque croyant, amené à repenser ses interprétations en fonction du temps présent. A l’inverse de Tariq Ramadan, qui part du texte pour penser l’Islam, Abdenour Bidar part de la réalité du monde actuel pour s’approprier autrement le texte. S’il y a une chose dont il est sûr, écrit Majida Dabbagh, c’est que « la découverte moderne de la liberté de conscience et de la raison aura une incidence sur le rapport de l’homme au sacré ». Pour Hakim el Karaoui, géographe, senior fellow à l’Institut Montaigne, celui qui parle d’Islam à l’oreille du Président Macron,la réforme de la religion du Prophète est indispensable devant l’Islamisme triomphant. Pour lui, il faut mobiliser les élites musulmanes et contrôler le financement du culte musulman. Avec l’Association des Musulmans de France (A.M.I.F) il espère une reconnaissance de l’État pour en faire, à terme, l’organisme de référence dans le soutien aux mosquées, au personnel cultuel et aux fidèles. Parallèlement, la plate forme « Les Musulmans » veut mettre en place une assemblée des Imams, dont un certain nombre relève du salafisme. Alors que le Conseil Français du Culte Musulman (C.F.C.M) semble faire du surplace. Ghaleb Bencheikh, islamologue, ne veut pas, lui, s’accommoder d’un Islam identitaire, dont la pratique rime uniquement avec alimentaire, vestimentaire ou même bancaire. Pour cet auteur, « la liberté de conscience et de pensée, le doute, la critique, l’autodérision, l’égalité, sont des prérequis pour renouer avec l’humanisme ». Pour Tareq Oubrou, recteur et imam de la grande mosquée de Bordeaux: « les religions ne sont pas extérieures à la République. Il est normal que le législateur et le politique s’intéressent à ce fait de société, qu’est l’Islam ». Enfin, pour clore avec les personnalités en pointe sur le sujet, Marwan Muhammad penseque « les initiatives doivent venir des musulmans eux-mêmes ».Notons que Gérad Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au Monde, dans leur enquête « Inch’Allah » ont voulu montrer qu’un Islam revendicatif et radical s’est bel et bien diffusé massivement en Seine Saint-Denis.
Puis, ceux qui nés musulmans ont renoncé à l’Islam, l’apostasie est punie de mort (Soudan, Arabie Saoudite, Afghanistan, Iran) notamment dans la jurisprudence sunnite. Elle est considérée comme une trahison politique, dangereuse pour la stabilité d’un état musulman. Considérée comme une offense suprême dans les États Islamiques, la sortie de religion concerne un nombre croissant de musulmans en France. Ainsi, « 100.000 chrétiens ex-musulmans vivraient dans l’hexagone », écrit Saïd, marocain grandi dans les Vosges, devenu pasteur évangélique itinérant. Athées ou convertis à une autre religion, ils sont de moins en moins en rupture avec leur milieu culturel d’origine. En effet, pour Olivier Roy, politologue, spécialiste de l’Islam, « les tensions sont essentiellement familiales, même si ça reste très mal vu que d’abandonner l’Islam. Même si on ne croit pas, on entretient une solidarité. Cela donne lieu à des pratiques métisses, car les marqueurs culturels et religieux se déplacent en permanence, se déconnectent et se reconnectent ».
Enfin, le courant salafiste, nébuleuse constituée il y a un peu plus de 70 ans pour moderniser l’Islam. Le Salafisme aujourd’hui fait référence au courant wahhabite réactionnaire d’Arabie Saoudite. Son discours sectaire et radical séduit des jeunes en rupture avec leur environnement social et familial, endoctrinés en prison ou par Internet. Souvenons-nous, à titre d’exemple, qu’en 2004 Abdelkader Bouziane, imam de Vénissieux, désormais expulsé en Algérie,polygame, père de 16 enfants, affirmait que le Coran autorisait à battre sa femme envisant « le bas, les jambes ou le ventre ». Il prétendait combattre laconspiration de l’Occident visant à maintenir les musulmans dominés et à empêcher l’Islam de sedévelopper. Cet imam recommandait aux jeunes de se former dans les écoles coraniques yéménites les plus dures. Il assimilait la musique à la débauche et considérait le sida comme un châtiment divin. Il estimait que les femmes ne pouvaient pas travailler avec les hommes, car cela les conduirait à l’adultère.C’est donc sous prétexte que, seul, le Coran faisant autorité, ces salafistes s’octroient le droit de parler au nom de Dieu, pour contourner la réalité terrestre et s’enfermer dans une bulle. « Ils utilisent la force du rapport à Dieu pour établir une domination entre individus. Peu importe ce que Dieu dit, ce qu’ils veulent, c’est prendre la place » écrit Dounia Bouzar.
Conclusion
Les relations entre la France et l’Islam, longtemps placées sous le signe de l’ignorance et du conflit, commencent au temps des Sarrasins, alors que la nation n’est pas encore née. Cette histoire tumultueuse contribuera, à travers un jeu de répulsion-fascination, à la construction de l’identité française.
Des stéréotypes perdureront jusqu’aux siècles contemporains. De La Chanson de Roland aux chapitres des cathédrales, le Mahométan, chevalier Sarrasin, est violent par nature, fanatique, et dans le même temps prompt à la luxure. Mais il est aussi vaillant, généreux et noble de cœur, comme Saladin. Pour Voltaire, « c’est une religion erronée, stupide et cruelle ». Il faudra attendre le XIX° siècle avec l’expédition de Bonaparte pour que quelques français s’intéressent à la religion musulmane. Enfin, l’idéologie colonisatrice aura récupéré toute la geste anti-musulmane des croisades, et porté au rang de mythe national la fameuse bataille de Poitiers. L’autre, le musulman, est encore une fois le support d’un discours identitaire. Il n’est pas vu pour lui-même, mais pour ce qu’il apporte, par le contraste des différences réelles ou imaginaires, à la définition que la France veut se donner d’elle-même.
Dévoyé par des religieux radicaux pour détourner l’anti-racisme, l’Islamophobie désigne les préjugés sur l’Islam, aujourd’hui récupérés par les droites populistes et xénophobes d’Europe. Ce n’est pas tant la religion qui dérange, que ses aspects concrets. Il y a rejet des pratiques.
En tant que Républicains, pensons-nous qu’ à l’instar de Farhad Khosrokhavar, sociologue à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, « notre équilibre social s’opère sur la base de non-dits? Ce qu’on pourrait appeler une fiction républicaine ».
Jean Guéry (Janvier 2019)
BIBLIOGRAPHIE.
. – Claude Gillot. Islamologue à l’université de Provence. Exégèse coranique. 2002
- Rochdy Alili. Historien et sociologue. L’Eclosion de l’Islam. Dervy. 2005
- Ikbal al Gharbi. Anthropologue. Université de théologie de Tunis.
- Malik Bezouh. Essayiste. France-Islam: le choc des préjugés. Plon. 2015.
- Jean Mouttapa. Ecrivain. Mille ans d’influence, histoire de l’Islam. Albin Michel.
- Abdennour Bidar. L’Islam sans soumission. Albin Michel.
- Farhad Khosrokhavar. Quand Al-Qaïda parle. Grasset. 2008.
- Olivier Roy. Politologue. La laïcité face à l’Islam. 2008.
- Malek Chebel. Dictionnaire encyclopédique du Coran. Fayard. 2009.
- Tareq Obrou. Philosophe et juriste. Profession Imam. Albin Michel.
- Héla Ouardi. La déchirure. Les califes maudits. Albin Michel. 2019.
- Claude Habib. Universitaire à Paris XIII. Comment peut-on être tolérant? Desclée de Brouwer. 2018.
- Gérard Davet et Francis Lhome, grands reporters au Monde. Inch’Allah, l’islamisation à visage découvert. Fayard. 2018.
- Marwan Muhammad. Nous sommes la nation. La Découverte. 2017.
- Hakim El Karaoui. L’Islam, une religion française. Gallimard. 2018.
Le CFCM sous tension
Réconcilier l’inconciliable par nature.

C’est la quadrature du cercle pour les musulmans. Réconcilier l’inconciliable par nature. En France les dirigeants ont du mal à comprendre que par définition l’Islam est avant tout la soumission TOTALE et EXCLUSIVE au prophète, ce qui rend impossible toute soumission à d’autres lois. C’est à ce titre que la commission Crémieux avait exclue les musulmans de la nationalité française en 1970. Cent cinquante ans plus tard nos actuels dirigeants semblent ne pas comprendre cette difficulté et rêvent encore d’un Islam de France
Conseil national des imams : Le CFCM juge « inexpliqué » le retrait de la grande Mosquée de Paris
Le président du Conseil français du culte musulman Mohammed Moussaoui juge « inexpliqué » le choix du recteur de la grande Mosquée de Paris
Le président du Conseil français du culte musulman de France a regretté ce mardi la décision selon lui « unilatérale et inexpliquée » de la grande Mosquée de Paris (GMP) de se retirer du projet de Conseil national des imams (CNI). Lundi, le recteur de la grande Mosquée, Chems-Eddine Hafiz, a annoncé sa volonté « de ne plus participer aux réunions qui visent à mettre en œuvre le projet du Conseil national des imams et de geler tous les contacts avec l’ensemble de la composante islamiste du CFCM ».
Le Conseil national des imams (CNI) est un projet poussé par l’Elysée pour permettre de certifier leur formation en France, dans le cadre du projet de loi contre l’islam radical et les « séparatismes ».
Tensions autour d’un projet de charte
La grande Mosquée de Paris a notamment accusé certaines fédérations du CFCM de bloquer les négociations dans l’écriture d’une « charte des valeurs républicaines » qui devait être rendue au gouvernement début décembre.
Des « membres de la mouvance islamiste » ont fait croire « que cette charte avait pour ambition de toucher à la dignité des fidèles musulmans », a accusé Chems-Eddine Hafiz, dénonçant un « mensonge éhonté ». « Une conclusion étonnante et complètement détachée de la réalité », selon Mohammed Moussaoui, qui a assuré que « tout se déroulait normalement ».
Le CFCM dément la version du recteur de la grande Mosquée de Paris
Le président du CFCM a affirmé dans un communiqué que « la dernière mouture de la charte a obtenu l’approbation de l’ensemble des fédérations, y compris celle de la grande Mosquée de Paris » le 15 décembre 2020 et que les différentes fédérations devaient « confirmer solennellement par écrit avant le 30 décembre 2020 leur adhésion au texte final ». Selon lui, « aucune modification » n’a été apportée au texte depuis sa validation le 15 décembre.
Mohammed Moussaoui a appelé « à installer immédiatement le Conseil national des imams et à doter ce dernier des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission », tout en assurant qu’il souhaitait que la grande Mosquée de Paris « puisse continuer à œuvrer avec ses partenaires du CFCM ».
Le CNI doit délivrer un agrément aux imams en fonction de leurs connaissances et de leur engagement à respecter un code de déontologie.
Au terme d’un mois marqué par une succession de polémiques autour de l’islam, et au lendemain de l’attentat de la mosquée de Bayonne, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a annoncé des pistes contre la radicalisation, mardi 29 octobre, et infléchi son discours sur le voile.

En quoi consistent les annonces du Conseil français du culte musulman (CFCM) ?
Dans la foulée de leur rencontre, lundi 28 octobre à l’Élysée, avec le président Emmanuel Macron, qui les a exhortés à « combattre » davantage l’islamisme et le communautarisme, les responsables du culte musulman avaient promis des « annonces très fortes » pour le lendemain. La réunion exceptionnelle du conseil religieux du CFCM, mardi 29 octobre à la Grande Mosquée de Paris, en présence de tous les représentants des fédérations musulmanes, a finalement débouché sur une déclaration en dix points, au ton ferme et apparemment déterminé.
Outre l’attaque de la mosquée de Bayonne par un ancien candidat du Front national (devenu Rassemblement national), la veille, condamnée « avec force » par le CFCM, les deux questions à l’ordre du jour étaient le voile et la détection de la radicalisation. Concernant cette dernière, plusieurs pistes ont été évoquées : la mise en place d’un « conseil de l’ordre des imams », qui délivrerait aux imams une certification qui pourrait leur être retirée en cas de discours contraires aux lois de la République ; mais aussi une réflexion sur les signes de radicalisation religieuse, « afin de lever toute confusion avec la pratique religieuse piétiste ».
Lors d’une conférence de presse improvisée à l’extérieur de la Grande Mosquée, Anouar Kbibech, vice-président du CFCM, a énuméré ces principaux signaux de radicalisation : « Tout appel à la violence, une interprétation erronée de certains textes sacrés pour légitimer cette violence, et ne pas daigner à l’autre le droit d’avoir ses propres croyances. » Une manière pour le CFCM de prendre le contre-pied des « signes » relevés le 9 octobre par le ministre de l’intérieur : au lendemain de l’attentat de la préfecture de police, Christophe Castaner avait invité les Français à être attentifs à d’éventuels changements de comportement dans leur entourage, comme le port de la barbe ou la pratique « ostentatoire » de la prière rituelle.
Dans son communiqué, le CFCM a également proposé l’intégration de théologiennes (mourchidates) au sein du conseil religieux, ce qui serait une première, et rappelé que le port du voile est une « prescription religieuse », mais que celles qui ont décidé de s’en affranchir « ne sont pas moins musulmanes ».
Cette déclaration sur le port du voile constitue-t-elle un changement ?
En 2004, à l’occasion du vote de la loi sur l’interdiction du port des signes religieux à l’école, le CFCM avait rappelé l’obligation du port du voile pour les femmes musulmanes, tout en disant sa volonté de respecter la loi. « En ne parlant plus de “prescription obligatoire”, le CFCM marque une inflexion dans son discours sur le port du voile », observe Bernard Godard, spécialiste de l’islam et ancien fonctionnaire au ministère de l’intérieur.
Il n’est pas certain pour autant que cette inflexion du discours officiel ne change quoi que ce soit à la pratique des musulmanes de France. Tout d’abord parce que la représentativité du CFCM, dont les prochaines élections se tiendront les 10 et 17 novembre, ne cesse de s’effilocher. Ensuite parce que cette déclaration, qui intervient à peine vingt-quatre heures après le rappel à l’ordre du chef de l’État, pourrait être interprétée par certains fidèles comme une soumission des re Or à la fin d’un mois d’octobre marqué par une importante montée des tensions autour de l’islam et de sa visibilité dans l’espace public, après qu’un élu du Rassemblement national a pris à partie une femme voilée lors d’une séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté le 11 octobre.
« Quand Jean-Michel Blanquer (le ministre de l’éducation, NDLR) dit que le voile n’est pas souhaitable, il commet une erreur d’appréciation », estime ainsi Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences-Po Lyon, qui déplore les « maladresses » répétées de certains politiques ces derniers jours. « Le personnel politique devrait s’en tenir au rappel du droit, et veiller à ce qu’il n’y ait pas de troubles à l’ordre public. Cette extension illimitée des domaines de laïcité, à l’épreuve du fait musulman, crée beaucoup de crispations.»
Ces crispations traversent-elles l’ensemble des musulmans de France ?
Outre la polémique sur le voile qui a suivi cette sortie scolaire en Bourgogne, ce début d’automne aura été émaillé de nombreux autres épisodes explosifs, des propos tenus par Éric Zemmour lors de la Convention de la droite le 28 septembre au débat autour des « listes communautaires », à cinq mois des municipales. Le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, entre autres, demande à Emmanuel Macron de les « interdire », « parce que l’islam politique est en train de vouloir s’implanter ».
« Paradoxalement, en dénonçant le communautarisme, on le fait encore plus exister : cela avive un sentiment d’appartenance, alors que les musulmans de France n’ont pas forcément envie d’être enfermés dans une communauté », déplore le père Christian Delorme, à Lyon. Fustigeant un contexte d’« inflation verbale » et même d’« islamofolie », ce militant du dialogue islamo-chrétien constate, comme d’autres, que les musulmans se sentent « massivement » stigmatisés.
Les musulmans se sont dits inquiets face aux déclarations de certains membres du gouvernement, et représentants musulmans face aux demandes des pouvoirs publics.
« Même ceux qui d’ordinaire n’étaient pas concernés par ces affaires d’observance religieuse se sentent obligés de se liguer avec les mères de famille voilées, car on est entré dans la logique du “eux” contre “nous” », s’alarme Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’islam de France, qui n’hésite pas à parler de « situation de crise » et de « nation fracturée ».
L’islamologue rappelle toutefois que sur la question du voile, entre autres, les musulmans de France présentent des positions pouvant être « antinomiques ». C’est ce qu’a rappelé la tribune publiée récemment dans Marianne et signée par 101 musulmans, qualifiant le voile islamique de « sexiste et obscurantiste ».
Dans ce contexte, l’inquiétude des musulmans face à la stigmatisation et celle des Français face à l’islam semblent monter de manière parallèle. Le 27 octobre, Le Journal du dimanche a publié un sondage Ifop montrant qu’une grande majorité de la population souhaite une interdiction de plus en plus large des signes religieux ostensibles. Pour 78 % des sondés, le modèle français issu de la loi de 1905 est aujourd’hui « en danger ».
Personne ne commet d’attentat en hurlant «Dieu n’existe pas !»
Marlène Schiappa s’en prend à la gauche « bobo »
La ministre à la Citoyenneté défend le projet de loi sur les séparatismes et s’en prend à la gauche « bobo », qui a renoncé au combat laïque. Propos recueillis par Clément Pétreault
Lorsqu’on lui demande qui incarne la laïcité, elle répond sans hésitation : « Moi ! » Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, se définit aussi comme « ministre de la Laïcité » dans un gouvernement qui a décidé de placer cette thématique au cœur de son action. Elle est remontée contre cette gauche persuadée de voir des racistes partout et des laïques nulle part, cette gauche submergée par une vague de relativisme culturel et compulsivement obsédée par la défense de minorités perçues comme des opprimés qu’il faudrait absolument protéger des forces réactionnaires. Marlène Schiappa n’épargne pas non plus ses anciens amis du Parti socialiste qui ont récemment décidé d’assumer leurs valeurs laïques et revient en détail sur l’esprit du texte qui a été présenté le 9 décembre – journée anniversaire des 120 ans de la loi de 1905 – en conseil des ministres.
Le Point : Comment est-on passé d’une lutte contre l’islamisme, puis contre le séparatisme, à un projet de loi « confortant les principes républicains » ? Faut-il y voir la marque d’une hésitation ?
Marlène Schiappa : Non, il y a simplement un cheminement pour trouver le vocabulaire auquel adhèrent les Français, ce qui n’est pas forcément facile, car on n’a pas nommé ces sujets depuis longtemps. On parle de communautarisme, un terme qui reste assez confus, car il y aura toujours quelqu’un pour vous expliquer que le communautarisme n’est pas dangereux et vous faire remarquer qu’il existe un communautarisme breton ou corse… Ce qui est peut-être vrai, mais qui ne précède pas nécessairement à une idéologie terroriste. Le président de la République a su trouver dans son discours des Mureaux les termes qui cernent au mieux la manière dont une idéologie participe d’un projet contraire aux valeurs de la République et sert parfois de marchepied vers des actes violents. Parler de séparatisme permet de désigner le phénomène de ceux qui se mettent en marge de la société au nom de leur religion et qui, pensent-ils, pourraient s’exonérer de respecter les lois de la République. Voilà comment nous sommes arrivés à ce terme, traduit de manière positive en loi « confortant les principes républicains ».
Ces idéologies d’extrême gauche procèdent à une inversion des valeurs et essaient de faire passer pour des révolutionnaires des gens qui défendent des coutumes moyenâgeuses
Ce texte marque-t-il « l’offensive payante » des « laïcards », comme l’écrit Le Monde ?
On voit se dessiner deux camps autour de la laïcité – pour faire bref, l’un républicain et l’autre multiculturaliste –, chacun revendiquant la justesse de son interprétation de la loi de 1905. Est-ce un clivage qui vous semble valable et opérant pour expliquer ces débats ?
Oui, en partie. Il y a toujours une part de caricature dans ces débats, c’est ce que j’ai essayé d’expliquer dans le livre Laïcité, point ! que j’ai coécrit avec Jérémie Peltier. Cela étant dit, je ne vous cache pas que j’ai du mal à garder mon calme quand je vois des tenants d’une laïcité soi-disant « apaisée » expliquer que « laïcistes » et « islamistes » seraient la même chose… Je le redis, on n’a jamais tué quelqu’un au nom de la laïcité, personne ne commet d’attentat en hurlant « Dieu n’existe pas ! Je vous interdis de croire en Dieu ». C’est un fait, la majorité des attentats qui ont lieu dans le monde dans cette période sont des attentats islamistes. Quand je vois ces mêmes tenants d’une laïcité dite « apaisée » faire des articles pour expliquer que lutter contre la polygamie, les mariages forcés et l’excision, c’est être xénophobe… cela marque une terrible inversion des valeurs ! J’ai encore lu cela pas plus tard que ce matin sur le site Révolution permanente, où l’on peut à la fois se prétendre révolutionnaire et défendre des coutumes opprimantes pour les femmes. Comment qualifier des gens qui se présentent comme des défenseurs des immigrés et qui se disent dès la phrase suivante prêts à renoncer aux droits des femmes immigrées ? Je veux être claire : ce n’est pas moi qui risque l’excision, le mariage forcé ou la polygamie, car ce ne sont pas les coutumes qui existent dans la culture dans laquelle j’évolue. Est-ce pour autant une raison pour abandonner à leur sort toutes les femmes qui sont dans des familles qui pratiquent cela ? Je ne pense pas. Ces idéologies d’extrême gauche procèdent à une inversion des valeurs et essaient de faire passer pour des révolutionnaires des gens qui défendent des coutumes moyenâgeuses. Pour ne rien arranger, dans ce grand renversement général, on essaie de faire passer ceux qui luttent contre ces coutumes pour des « islamophobes » et des antimusulmans.
Mais, au fond, ce texte ne concerne qu’une toute petite minorité de comportements… Était-il nécessaire d’employer de si grands moyens législatifs ?
C’est une minorité, certes, mais qui fait des dégâts énormes, par exemple en décapitant un enseignant ou en assassinant trois personnes en prière à Nice… Il y a dans cette loi des décisions indispensables qui vont faciliter la fin du financement des associations ennemies de la République, notamment par l’étranger. Rendez-vous compte, nous avons gelé plus de 500 000 euros sur le compte de Baraka City et plusieurs millions sur celui du CCIF ! Ce sont des sommes colossales au service d’une idéologie qui dispose ainsi d’une vraie force de frappe. Par ailleurs, il y a des enjeux considérables de dignité humaine sur la fin des certificats de virginité, le contrôle des mariages forcés et le refus de la polygamie… L’argument qui consiste à dire que ça ne concerne pas beaucoup de monde est tout simplement faux. On estime à 200 000 le nombre de femmes mariées de force en France, 120 000 femmes excisées, c’est colossal ! Et quand bien même cela ne concernerait que 20 femmes, nous n’aurions pas le droit de les laisser sur le bord de la route.
Comment expliquez-vous que l’idéal républicain ait déserté le tissu associatif, notamment de nombreuses structures d’éducation populaires qui semblent avoir renoncé à la laïcité comme préalable à l’égalité des droits ?
Je pense qu’il y a eu beaucoup de compromissions et de lâchetés aussi… Oui, il y a des syndicats étudiants ou des organisations de parents d’élèves qui sont totalement gangrenés par d’inexplicables sympathies à l’égard de la mouvance islamiste. Les fondateurs de l’Unef se désolent de ce qu’est devenu ce syndicat laïque qui défendait le droit des femmes… On s’y bat aujourd’hui pour permettre aux islamistes de s’exprimer librement. On est assez loin du but d’origine. Les défenseurs de la laïcité n’ont pas réussi à se renouveler au fur et à mesure des générations. Les associations laïques connaissent le même phénomène démographique que les associations féministes ou les loges maçonniques… sauf que l’on voit depuis cinq ans environ l’extrême gauche se réapproprier des combats féministes par exemple, avec un prisme intersectionnel qui n’œuvre pas toujours dans le sens du progrès.
Mais vous en connaissez beaucoup, vous, des jeunes qui ont envie de s’engager pour la laïcité ?
Oui, il y en a plein ! Jérémie Peltier, avec qui j’ai écrit un livre sur la laïcité, vient tout juste d’avoir 30 ans… Il y a des députés trentenaires, des philosophes comme Raphaël Enthoven, bref, beaucoup de gens qui se mobilisent.
Vous venez de la gauche. Votre ancien camp politique a-t-il renoncé à défendre ces valeurs ou c’est vous qui avez changé ?
Sur la laïcité, la gauche a totalement renoncé ! Je suis hallucinée d’entendre mes amis restés au PS qui s’ébahissent d’entendre le premier secrétaire Olivier Faure prononcer le mot « laïcité ». La laïcité d’Olivier Faure, c’est la « laïcité p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non », un gigantesque robinet d’eau tiède. Je ne vais pas l’applaudir parce qu’il se dandine en prononçant les mots « laïcité » et « république ». Quelques personnes à gauche sont restées courageuses, c’est le cas du maire de Montpellier, un maire qui a fait campagne sur l’écologie et la laïcité sous l’étiquette PS. Il est même convaincu d’avoir gagné grâce à cela. Ces dernières années, la gauche a abandonné la défense de la laïcité à la droite alors qu’à l’origine la laïcité c’est Aristide Briand, c’est Jean Jaurès… c’est la gauche ! Quand on relit les débats sur la loi de 1905, le Parti communiste et la gauche de la gauche défendaient la raison et la liberté religieuse… Aujourd’hui, on a La France insoumise qui défend les islamistes et qui considère que la laïcité serait une manifestation d’un racisme mal digéré, c’est dommage.
Jean-Luc Mélenchon a promis une pluie d’amendements, explique que ce texte est une entreprise de « stigmatisation » des musulmans, une diversion politique…
J’attends que l’on me montre quels passages de ce texte stigmatisent les musulmans. Il n’y en a aucun. En vertu de la loi de 1905, l’État ne reconnaît ni ne salarie aucun culte, voilà pourquoi dans ce texte on ne reconnaît pas et on ne nomme pas les cultes. Il y a des millions de musulmans qui ont un profond respect pour les lois de la République et qui sont très heureux que ce texte permette enfin d’écarter les influences étrangères. La France insoumise, au nom de son obsession pour la stigmatisation, est dans l’aveuglement total. Que propose Jean-Luc Mélenchon pour qu’il n’y ait plus d’attentats islamistes ? Rien.
Certains élus semblent avoir renoncé à la laïcité au profit de « concordats locaux » qui flirtent avec le clientélisme… Que pouvez-vous contre cela ?
Le dialogue et la compromission sont deux choses différentes. Quand on est élu local, on travaille avec des représentants des cultes sur des questions locales dans le cadre de l’urbanisme ou de cérémonies et l’espace public. Si le dialogue est normal, il y a en revanche compromission lorsque ce dialogue se noue autour d’une base de marchandage dans un modèle mafieux, quand on monnaye des voix contre les libéralités, contre des attributions de marchés ou des arrangements opaques…
Certains élus font campagne dans des mosquées pendant que d’autres participent activement ès qualités à des cérémonies religieuses… Je suis personnellement toujours choquée de voir des élus de la nation communier ou porter un voile ou une kippa lors de cérémonies religieuses.
On a découvert avec étonnement que la presse américaine considérait la laïcité comme une forme à peine déguisée de racisme institutionnalisé… Être laïque, est-ce être raciste ?
Je trouve cela extraordinairement incohérent de la part de la presse américaine qui, d’un côté, va défendre à tour de bras le relativisme culturel en trouvant que toute coutume est vraiment « mignonne », y compris le fait de voiler les petites filles… En revanche, cette même presse est incapable de considérer la laïcité comme une spécificité culturelle qu’elle condamne sans appel. La laïcité nous évite d’avoir en France, contrairement aux États-Unis, des groupes de parents qui peuvent officiellement refuser que l’on enseigne à leurs enfants que la Terre est ronde parce que cela heurterait leur sensibilité religieuse… La laïcité nous permet de refuser les offensives religieuses de ceux qui ne veulent pas qu’on enseigne à leurs enfants la biologie et la reproduction au prétexte que leurs enfants devraient rester vierges jusqu’au mariage et ne jamais avoir entendu parler de la reproduction.
Qui pour vous incarne et défend la laïcité en France ? Auriez-vous bien aimé être ministre de la Laïcité ?
C’est ce que je fais, comme l’indique mon décret d’attribution qui prévoit que je suis « chargée de veiller au respect du principe de laïcité ». Évidemment, je ne suis pas seule et nous sommes nombreux au gouvernement à défendre la laïcité, que ce soit Gérald Darmanin, Jean-Michel Banquer, mais aussi des parlementaires, des associations comme la Licra, des loges maçonniques et singulièrement la grande loge féministe de France. Il y a aussi des journalistes comme Caroline Fourest ou Sonia Mabrouk qui font preuve d’un certain courage. Mais ce qui est le plus important, c’est le collectif.
Il y a une indéniable dynamique de sécularisation de la société, mais n’attend-on pas trop des religions qu’elles se réforment et qu’elles renoncent au conservatisme qui fait aussi partie de leur tradition ?
Non, personne n’attend cela ! Les religieux restent des religieux et personne ne leur demande de renoncer à leur croyance ou de défendre ce qu’ils ont envie de défendre, c’est leur droit et ils ont aussi droit au débat public. J’observe par ailleurs que la demande de modernité ne vient pas des laïcs mais des religieux eux-mêmes. Il y a dans la religion catholique Anne Soupa qui a défendu le droit à neuf femmes de candidater pour remplacer le cardinal Barbarin, Delphine Horvilleur dont on connaît l’engagement en faveur du mouvement juif libéral, ou encore l’imame Kahina Bahloul qui s’est beaucoup engagée pour rappeler que le Coran n’oblige pas les femmes à se voiler. C’est la démonstration que la demande de modernité des religions vient de l’intérieur !
La gauche est devenue une gauche bobo, qui écoute France Inter – comme moi –, qui théorise beaucoup, mais qui a perdu pied avec la réalité
L’exécutif auquel vous appartenez est confronté à une crise sanitaire, une crise sécuritaire, une crise sociale… avec à chaque fois des réponses qui encadrent ou restreignent les libertés de circuler, de manifester, d’enseigner ou de travailler. N’avez-vous pas le sentiment de jouer avec le feu ?
C’est une période paradoxale. Le président de la République s’est fait élire sur une promesse de liberté et de libération des énergies… La pandémie a conduit à accepter des restrictions de ces libertés, toujours dans le cadre de l’État de droit et de nos principes démocratiques. Mais la liberté est pour les Français – plus que pour n’importe quel autre peuple – quelque chose de fondamental. S’il y a une vague de déprime importante chez les Français en ce moment, c’est aussi parce que nous sommes un peuple politique, attaché aux libertés qu’on nous enlève. Cela ne se fait pas de gaieté de cœur, personne ne jubile d’avoir à prononcer un couvre-feu, nous n’avons pas été élus pour ça. À la vérité, nous n’avons que de mauvaises options devant nous, il faut choisir la moins mauvaise.
De récentes études ont démontré que les Français se définissaient comme de plus en plus à droite et l’actualité politique a démontré que LREM suivait ce mouvement et modifiait sa base électorale…
Ce serait une erreur de penser que les gens de gauche ne sont pas intéressés par la sécurité ! On a beaucoup sous-estimé l’effet qu’a produit sur l’opinion l’assassinat de Samuel Paty et de ces trois personnes à Nice. Même des Français qui se définissaient comme étant de gauche se sont mis à espérer davantage de sécurité et de laïcité. Encore une fois, je ne suis pas une cible pour les islamistes, je n’ai pas de problème d’insécurité – j’habite au ministère de l’Intérieur –, ce n’est pas moi qui suis confrontée à l’insécurité, mais les classes populaires qui ne choisissent pas leurs conditions de vie. La gauche est devenue une gauche bobo, qui écoute France Inter – comme moi –, qui théorise beaucoup, mais qui a perdu pied avec la réalité.
Structurer l’islam, le délicat projet d’Emmanuel Macron,
Projet de loi sur les « séparatismes »
Emmanuel Macron avait évoqué la création d’un « Conseil des imams » début octobre lors de son discours aux Mureaux (Yvelines) consacré à sa stratégie de lutte contre les « séparatismes »

- Le 2 octobre, aux Mureaux (Yvelines), Emmanuel Macron a évoqué la nécessité d’une meilleure structuration de l’islam en France.
- Des mesures de contrôle sur les associations cultuelles font partie du projet de loi « confortant les principes de la République », présenté mercredi en Conseil des ministres.
- Le chef de l’Etat pousse par ailleurs le CFCM à finaliser le projet d’un « Conseil national des imams » (CNI). Dans cette perspective, une « charte des valeurs républicaines » a été déposée jeudi au ministère de l’Intérieur par ses représentants.
« Construire un islam des Lumières dans notre pays. » Lors de son discours sur les séparatismes, le 2 octobre aux Mureaux (Yvelines), Emmanuel Macron a évoqué la nécessité d’une structuration de l’islam. « Il nous faut aider cette religion dans notre pays à se structurer pour être un partenaire de la République. » Le chef de l’Etat a notamment indiqué vouloir « libérer l’Islam de France des influences étrangères » pour lutter contre l’islamisme et construire « un islam qui puisse être en paix avec la République », évoquant notamment les financements étrangers ou la formation des imams.
Alors que le projet de loi contre les séparatismes – finalement nommé « confortant les principes de la République » – a été présenté ce mercredi 9 décembre en Conseil des ministres, 20 Minutes revient sur cette délicate question.
Mieux contrôler les associations cultuelles et les lieux de culte
Emmanuel Macron l’a lui-même rappelé début octobre : « Ce n’est pas le travail de l’État de structurer l’islam. » En vertu de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, le gouvernement n’a en effet pas vocation à organiser les cultes. Ce texte prévoit, dans son article 2, que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Le projet de loi apporte toutefois quelques retouches, en modifiant par exemple le texte de 1905 et celui du 2 janvier 1907 sur l’exercice public des cultes.
La loi sur les « séparatismes » permettra ainsi à l’Etat d’avoir un contrôle accru sur le fonctionnement et le financement des associations, ainsi que des lieux de culte. Les associations cultuelles musulmanes, majoritairement constituées sous le régime de l’association loi 1901 pour des raisons historiques, seront notamment « incitées » financièrement à « basculer » dans le régime de la loi de 1905, plus transparent sur le plan comptable et financier.
« C’est la fin d’un système d’opacité. Il ne s’agit pas d’interdire les financements venant de l’étranger. Il s’agit simplement de les encadrer, de les rendre transparents, de les maîtriser », justifiait Emmanuel Macron début octobre. « Il n’y a aucune raison que les associations cultuelles bénéficient d’un régime associatif de droit commun », plaide Aurore Bergé, députée des Yvelines et présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée. En contrepartie, ces associations cultuelles pourront avoir accès à des déductions fiscales ou encore tirer des revenus d’immeubles acquis à titre gratuit.
Par ailleurs, les dons étrangers dépassant 10.000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources. Une disposition « anti-putsch » est aussi prévue dans le texte pour éviter toute prise de contrôle d’une mosquée, ou d’une autre association cultuelle, par « des groupes radicaux ».
Une future « labellisation » des imams loin de faire consensus
Concernant la structuration de l’islam en France, l’exécutif avance à pas feutrés. « C’est un pilier qui n’est pas dans la loi car la France n’a pas à s’ingérer dans l’organisation des cultes, indique l’Elysée. Mais nous avons une relation de dialogue. Le président a invité les musulmans à mieux s’organiser et à travailler sur la formation des imams. » Son objectif est également de mettre fin, d’ici quatre ans, à la présence en France des 300 imams étrangers « détachés » par la Turquie, le Maroc et l’Algérie.
« Il y a un besoin pour l’Etat d’avoir une structuration de l’islam. Car aujourd’hui, qui est l’interlocuteur légitime ? C’est une difficulté », reconnaît Aurore Bergé. « L’Etat ne va pas se mêler de théologie. Mais la question est de savoir comment on s’assure de la manière dont la formation est effectuée pour que, demain, tel ou tel prêche ne soit pas incompatible avec les valeurs républicaines », ajoute la députée.
La mission de créer un « Conseil national des imams » (CNI), chargé de certifier leur formation en France, a été confiée au Conseil français du culte musulman (CFCM), principal interlocuteur de l’exécutif. Le chef de l’Etat a insisté pour qu’une « labellisation des formations » et une « certification des imams » soient instaurées d’ici six mois. Une charte républicaine doit également être mise en place, dont le non-respect entraînerait la révocation des imams.
« La charte des valeurs a été finalisée et remise jeudi au ministère de l’Intérieur », confie Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman. Mais la question de la labellisation est, elle, loin de faire consensus. « Mettre fin aux imams autoproclamés est une bonne chose. Mais il y a une levée de boucliers de la base chez les imams, qui remettent en cause la légitimité de ceux qui demain vont les écouter et les contrôler pour leur donner cette certification, alors qu’ils exercent depuis des années. Qu’on arrête d’ailleurs de parler des labels, les imams ne sont pas de la marchandise », s’agace le responsable, par ailleurs président de l’Observatoire de lutte contre l’islamophobie. Ce projet est d’autant plus délicat à mettre en place que le CFCM est lui-même régulièrement décrié pour son manque de représentativité, tant par les voix modérées que les plus rigoristes de l’islam en France.