politique
Les enseignants confrontés à une contestation en hausse…
…de la laïcité à l’école
En partenariat avec la Fondation Jean Jaurès, l’institut de sondage Ifop a réalisé une enquête publiée ce 6 janvier auprès des professeurs concernant les formes de séparatisme religieux émanant des élèves.
Les résultats montrent que la contestation de la laïcité, en nette hausse, est une réalité à laquelle la grande majorité des enseignants doivent désormais faire face.
Ce mercredi 6 janvier, la fondation Jean Jaurès et l’Ifop publient le premier volet d’un nouveau dispositif d’enquête, « l’Observatoire des enseignants », déclenché en réaction à l’attentat subi par le professeur Samuel Paty : en interrogeant en décembre un échantillon de 801 enseignants, il s’agissait d’obtenir des informations sur la place des contestations de la laïcité dans leur métier, leur moral, leurs conditions de travail et leur vision de la place de la religion dans l’enceinte scolaire. La première salve de cette étude examine donc l’ampleur et la forme des contestations de la laïcité à l’école. Le constat, dressé par Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie dans le secondaire et directeur de l’Observatoire de l’Éducation de la Fondation Jean-Jaurès, est clair : les résultats font « apparaître une prégnance conséquente du religieux qui s’est immiscé dans la vie professionnelle des enseignants.»
En effet, pas moins de 80% des professeurs interrogés affirment avoir déjà été confrontés au moins une fois au cours de leur carrière à une revendication liée à des croyances ou pratiques religieuses, dont 59% dans leur établissement actuel. Le phénomène, massif, est aussi en progression, puisque 53% des enseignants au collège ont déjà été l’objet de contestations, contre 46% lors d’une enquête Ifop-CNAL menée en 2018. Un enseignant sur quatre déclare même être régulièrement témoin ou victime d’incidents ayant trait à la laïcité dans son établissement. Contrairement à un préjugé, les difficultés ne sont pas rencontrées uniquement dans les écoles, collèges et lycées de banlieues populaires ; elles y sont certes plus fréquentes, de même que dans des régions comme l’Île-de-France ou le sud-est, mais les revendications religieuses se produisent sur tout le territoire national.
Les incidents liés à la laïcité sont les plus nombreux au collège, où 46% des professeurs en font état, mais le primaire n’est pas épargné (26%), le lycée (38%) encore moins. On retrouve une grande diversité d’anicroches de toutes natures, mais certaines sont plus fréquentes que d’autres, comme les incidents concernant la restauration scolaire ; les jours de classe manqués liés à l’exercice d’un culte ou à la célébration d’une fête religieuse ; les contestations d’enseignements sur la laïcité, la sexualité ou l’égalité entre filles et garçons ; les absences de jeunes filles à des cours de natation ou de sport. Au total, 53% des enseignants ont observé de la part d’élèves des formes de contestation au nom de la religion, et 59% des formes de séparatisme religieux à l’école. L’Ifop a en outre mesuré un cas particulier, celui des cérémonies d’hommage à Samuel Paty, lors desquelles 19% des professeurs (et 34% de ceux qui enseignent en REP) ont constaté au moins forme de contestation ou de désapprobation : justifications des violences, refus de participer à la minute de silence, injures ou provocations… Des chiffres qui tranchent avec les seuls 793 signalements recensés par le ministère de l’Education nationale le 18 novembre dernier.
Une autocensure massive
Face à cette montée en puissance de l’intrusion du religieux à l’école, deux questions se posent aux professeurs : doivent-ils s’autocensurer pour éviter des troubles, et doivent-ils signaler les faits lorsque ceux-ci adviennent ? Parmi les 801 enseignants interrogés par l’Ifop, 49% disent déjà s’être autocensurés dans le secondaire, un nombre en progression sensible : ils étaient seulement 36% en 2018. Par ailleurs, 22% disent s’autocensurer « de temps en temps », contre seulement 10% deux ans plus tôt. En banlieue populaire, ce sont 70% des profs qui déclarent avoir modifié le contenu de leur cours par prudence. Le signalement des incidents est largement répondu, puisque 84% des enseignants interrogés s’y sont prêtés, contre 16% n’ayant rien dit. En revanche, le signalement ne se fait quasiment jamais auprès du rectorat (5%), et pas si souvent auprès de la direction de leur établissement (56%). Une explication pourrait résider dans le manque de soutien dont estiment bénéficier les profs : près de la moitié évoque un « soutien total », 86% un « soutien partiel » au niveau de l’établissement, des chiffres qui descendent à 21% (soutien total) et 54% (soutien partiel) s’agissant du rectorat. C’est auprès de leurs collègues (73%) que les enseignants estiment avoir le plus reçu un appui sans équivoque.
Malgré ces données, l’Ifop note toutefois que le corps enseignant reste en partie divisé sur certaines questions de laïcité : ainsi, si 75% des professeurs estiment que Samuel Paty a « eu raison de faire un cours sur la liberté d’expression en s’appuyant sur des caricatures de presse », 9% pensent qu’il a eu tort, et 15% ne souhaitent pas répondre. La démarche du prof d’histoire-géo tragiquement assassiné est soutenue par les trois quarts des enseignants du public, mais seulement par les deux tiers de ceux du privé ; 40% des professeurs déclarant croire en une religion se rangent du côté des critiques ou des silencieux, de même que 35% de ceux qui enseignent dans les banlieues populaires, « peut-être plus nombreux à penser qu’il faut, à l’école, tenir compte de la sensibilité religieuse des élèves » selon Iannis Roder, de la Fondation Jean Jaurès.

Jacques Julliard : « Vingt ans que la liberté d’enseigner n’existe plus en France »
La liberté finira par triompher, par les armes de l’esprit citoyen et de la vérité. Le meurtre abominable de notre collègue Samuel Paty est pour toute la corporation des historiens, un motif de douleur, mais aussi de fierté. C’est pourquoi, afin de lui rendre hommage, je signe : Jacques Julliard, professeur d’histoire.
Le crime est tellement atroce, le rituel de la décapitation tellement barbare, que nous avons tous envie de nous persuader que nous venons d’atteindre le seuil de l’intolérable et que nous sommes, par conséquent, à un tournant, que la dynamique de l’abominable ne peut que s’inverser.
L’attentat contre la liberté d’enseigner est tellement contraire à notre tradition républicaine et à notre pacte social que, décidément, il ne sera pas toléré, et que le mouvement de l’indignation générale va inverser le sens de l’histoire.
Les paroles du président de la République sur les lieux mêmes du crime, reprenant, à travers le « ils ne passeront pas ! » l’esprit de la résistance antifasciste durant la guerre d’Espagne, font que l’on peut espérer voir enfin le gouvernement prendre des mesures à la hauteur du déni.
Je crains malheureusement que nous ne soyons vite déçus.

Renseignement, rectorats, politique… Conflans : ces petites lâchetés qui ont mené au grand désastre
Samuel Paty a été décapité, le 16 octobre, pour avoir fait son devoir d’enseignant. Au-delà des auteurs directs de l’attentat, son assassinat aura été rendu possible par tous ces renoncements, ces dysfonctionnements et ces couardises qui défont silencieusement notre société. Et si l’on ouvrait les yeux ?
Le mouvement est continu. Devant le collège du Bois-d’Aulne, du matin au soir, la foule défile. Des fleurs, des pleurs, un cahier d’hommages, des policiers aux aguets, des ambulances, des bénévoles de la Protection civile. Ce samedi 17 octobre au matin, une bande de barbus, qu’on n’a jamais vus dans le coin, observaient la scène de loin, pendant que des policiers en civil les photographiaient. À l’intérieur de l’établissement, une cellule d’écoute psychologique. Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), ses petits pavillons tranquilles, ses terrains de sport et ses allées ensoleillées. Dans l’une d’elles, vendredi 16 octobre, un professeur d’histoire-géographie a été décapité parce qu’il avait fait son devoir. Les élèves qui ont eu Samuel Paty comme professeur ont du mal à parler : « Je ne me suis jamais autant intéressée à l’histoire qu’avec lui » se souvient une élève de troisième. Elle s’exprime lentement, lutte contre l’émotion, avec, de temps en temps, un regard pour sa mère. En 2019, en quatrième, Samuel Paty avait été son professeur principal, et elle l’avait retrouvé avec un enthousiasme que chaque cours confirmait : « Je me rappelle chaque sujet, chaque période, il savait stimuler notre intérêt. L’année dernière, c’était les Lumières. Et ce module sur la laïcité, et sur Charlie Hebdo. Ça n’avait posé aucun problème. Il nous avait bien expliqué avant que cela toucherait à la religion, et que ceux qui éventuellement seraient choqués avaient la possibilité de détourner le regard ou de sortir. Il n’a pas du tout désigné les musulmans. Ce n’était pas son genre, il ne stigmatisait personne. »
La rumeur et le fanatisme, comme un cocktail explosif, ont tué Samuel Paty. Celui qui l’a achevé s’appelle Abdoullakh Anzorov, un réfugié tchétchène tout juste sorti de l’adolescence, dont l’inouïe sauvagerie nous laisse sidérés. Âgé de 18 ans, il a été abattu par la police. Ceux qui ont précipité son lynchage se nomment Brahim C., parent d’élève menteur, et Abdelhakim Sefrioui, un prédicateur fiché pour radicalisation à caractère terroriste. Ils ont été placés en garde à vue, parmi onze personnes. « L’enquête se concentre sur la capillarité entre le tueur et le parent d’élève… Comment l’information a circulé de l’un à l’autre avec, au milieu, Sefrioui » révèle une source gouvernementale. Leur culpabilité pénale devra être déterminée ; leur responsabilité morale ne fait aucun doute. Et puis, il y a des responsabilités plus indirectes. Ces dysfonctionnements qu’on s’est habitué à taire. Ces petits riens qui, mis bout à bout, ont mené au désastre. Les défaillances du renseignement territorial, qui avait conclu dans une note du 12 octobre, à un climat « apaisé ». La couardise des rectorats. L’impuissance de la justice, des politiques, des fonctionnaires. « Pas de vague » qu’ils disaient. Toutes ces lâchetés, toutes ces erreurs, ont mené à l’horreur.
Le CFCM sous tension
Réconcilier l’inconciliable par nature.

C’est la quadrature du cercle pour les musulmans. Réconcilier l’inconciliable par nature. En France les dirigeants ont du mal à comprendre que par définition l’Islam est avant tout la soumission TOTALE et EXCLUSIVE au prophète, ce qui rend impossible toute soumission à d’autres lois. C’est à ce titre que la commission Crémieux avait exclue les musulmans de la nationalité française en 1970. Cent cinquante ans plus tard nos actuels dirigeants semblent ne pas comprendre cette difficulté et rêvent encore d’un Islam de France
Conseil national des imams : Le CFCM juge « inexpliqué » le retrait de la grande Mosquée de Paris
Le président du Conseil français du culte musulman Mohammed Moussaoui juge « inexpliqué » le choix du recteur de la grande Mosquée de Paris
Le président du Conseil français du culte musulman de France a regretté ce mardi la décision selon lui « unilatérale et inexpliquée » de la grande Mosquée de Paris (GMP) de se retirer du projet de Conseil national des imams (CNI). Lundi, le recteur de la grande Mosquée, Chems-Eddine Hafiz, a annoncé sa volonté « de ne plus participer aux réunions qui visent à mettre en œuvre le projet du Conseil national des imams et de geler tous les contacts avec l’ensemble de la composante islamiste du CFCM ».
Le Conseil national des imams (CNI) est un projet poussé par l’Elysée pour permettre de certifier leur formation en France, dans le cadre du projet de loi contre l’islam radical et les « séparatismes ».
Tensions autour d’un projet de charte
La grande Mosquée de Paris a notamment accusé certaines fédérations du CFCM de bloquer les négociations dans l’écriture d’une « charte des valeurs républicaines » qui devait être rendue au gouvernement début décembre.
Des « membres de la mouvance islamiste » ont fait croire « que cette charte avait pour ambition de toucher à la dignité des fidèles musulmans », a accusé Chems-Eddine Hafiz, dénonçant un « mensonge éhonté ». « Une conclusion étonnante et complètement détachée de la réalité », selon Mohammed Moussaoui, qui a assuré que « tout se déroulait normalement ».
Le CFCM dément la version du recteur de la grande Mosquée de Paris
Le président du CFCM a affirmé dans un communiqué que « la dernière mouture de la charte a obtenu l’approbation de l’ensemble des fédérations, y compris celle de la grande Mosquée de Paris » le 15 décembre 2020 et que les différentes fédérations devaient « confirmer solennellement par écrit avant le 30 décembre 2020 leur adhésion au texte final ». Selon lui, « aucune modification » n’a été apportée au texte depuis sa validation le 15 décembre.
Mohammed Moussaoui a appelé « à installer immédiatement le Conseil national des imams et à doter ce dernier des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission », tout en assurant qu’il souhaitait que la grande Mosquée de Paris « puisse continuer à œuvrer avec ses partenaires du CFCM ».
Le CNI doit délivrer un agrément aux imams en fonction de leurs connaissances et de leur engagement à respecter un code de déontologie.
Au terme d’un mois marqué par une succession de polémiques autour de l’islam, et au lendemain de l’attentat de la mosquée de Bayonne, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a annoncé des pistes contre la radicalisation, mardi 29 octobre, et infléchi son discours sur le voile.

En quoi consistent les annonces du Conseil français du culte musulman (CFCM) ?
Dans la foulée de leur rencontre, lundi 28 octobre à l’Élysée, avec le président Emmanuel Macron, qui les a exhortés à « combattre » davantage l’islamisme et le communautarisme, les responsables du culte musulman avaient promis des « annonces très fortes » pour le lendemain. La réunion exceptionnelle du conseil religieux du CFCM, mardi 29 octobre à la Grande Mosquée de Paris, en présence de tous les représentants des fédérations musulmanes, a finalement débouché sur une déclaration en dix points, au ton ferme et apparemment déterminé.
Outre l’attaque de la mosquée de Bayonne par un ancien candidat du Front national (devenu Rassemblement national), la veille, condamnée « avec force » par le CFCM, les deux questions à l’ordre du jour étaient le voile et la détection de la radicalisation. Concernant cette dernière, plusieurs pistes ont été évoquées : la mise en place d’un « conseil de l’ordre des imams », qui délivrerait aux imams une certification qui pourrait leur être retirée en cas de discours contraires aux lois de la République ; mais aussi une réflexion sur les signes de radicalisation religieuse, « afin de lever toute confusion avec la pratique religieuse piétiste ».
Lors d’une conférence de presse improvisée à l’extérieur de la Grande Mosquée, Anouar Kbibech, vice-président du CFCM, a énuméré ces principaux signaux de radicalisation : « Tout appel à la violence, une interprétation erronée de certains textes sacrés pour légitimer cette violence, et ne pas daigner à l’autre le droit d’avoir ses propres croyances. » Une manière pour le CFCM de prendre le contre-pied des « signes » relevés le 9 octobre par le ministre de l’intérieur : au lendemain de l’attentat de la préfecture de police, Christophe Castaner avait invité les Français à être attentifs à d’éventuels changements de comportement dans leur entourage, comme le port de la barbe ou la pratique « ostentatoire » de la prière rituelle.
Dans son communiqué, le CFCM a également proposé l’intégration de théologiennes (mourchidates) au sein du conseil religieux, ce qui serait une première, et rappelé que le port du voile est une « prescription religieuse », mais que celles qui ont décidé de s’en affranchir « ne sont pas moins musulmanes ».
Cette déclaration sur le port du voile constitue-t-elle un changement ?
En 2004, à l’occasion du vote de la loi sur l’interdiction du port des signes religieux à l’école, le CFCM avait rappelé l’obligation du port du voile pour les femmes musulmanes, tout en disant sa volonté de respecter la loi. « En ne parlant plus de “prescription obligatoire”, le CFCM marque une inflexion dans son discours sur le port du voile », observe Bernard Godard, spécialiste de l’islam et ancien fonctionnaire au ministère de l’intérieur.
Il n’est pas certain pour autant que cette inflexion du discours officiel ne change quoi que ce soit à la pratique des musulmanes de France. Tout d’abord parce que la représentativité du CFCM, dont les prochaines élections se tiendront les 10 et 17 novembre, ne cesse de s’effilocher. Ensuite parce que cette déclaration, qui intervient à peine vingt-quatre heures après le rappel à l’ordre du chef de l’État, pourrait être interprétée par certains fidèles comme une soumission des re Or à la fin d’un mois d’octobre marqué par une importante montée des tensions autour de l’islam et de sa visibilité dans l’espace public, après qu’un élu du Rassemblement national a pris à partie une femme voilée lors d’une séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté le 11 octobre.
« Quand Jean-Michel Blanquer (le ministre de l’éducation, NDLR) dit que le voile n’est pas souhaitable, il commet une erreur d’appréciation », estime ainsi Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences-Po Lyon, qui déplore les « maladresses » répétées de certains politiques ces derniers jours. « Le personnel politique devrait s’en tenir au rappel du droit, et veiller à ce qu’il n’y ait pas de troubles à l’ordre public. Cette extension illimitée des domaines de laïcité, à l’épreuve du fait musulman, crée beaucoup de crispations.»
Ces crispations traversent-elles l’ensemble des musulmans de France ?
Outre la polémique sur le voile qui a suivi cette sortie scolaire en Bourgogne, ce début d’automne aura été émaillé de nombreux autres épisodes explosifs, des propos tenus par Éric Zemmour lors de la Convention de la droite le 28 septembre au débat autour des « listes communautaires », à cinq mois des municipales. Le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, entre autres, demande à Emmanuel Macron de les « interdire », « parce que l’islam politique est en train de vouloir s’implanter ».
« Paradoxalement, en dénonçant le communautarisme, on le fait encore plus exister : cela avive un sentiment d’appartenance, alors que les musulmans de France n’ont pas forcément envie d’être enfermés dans une communauté », déplore le père Christian Delorme, à Lyon. Fustigeant un contexte d’« inflation verbale » et même d’« islamofolie », ce militant du dialogue islamo-chrétien constate, comme d’autres, que les musulmans se sentent « massivement » stigmatisés.
Les musulmans se sont dits inquiets face aux déclarations de certains membres du gouvernement, et représentants musulmans face aux demandes des pouvoirs publics.
« Même ceux qui d’ordinaire n’étaient pas concernés par ces affaires d’observance religieuse se sentent obligés de se liguer avec les mères de famille voilées, car on est entré dans la logique du “eux” contre “nous” », s’alarme Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’islam de France, qui n’hésite pas à parler de « situation de crise » et de « nation fracturée ».
L’islamologue rappelle toutefois que sur la question du voile, entre autres, les musulmans de France présentent des positions pouvant être « antinomiques ». C’est ce qu’a rappelé la tribune publiée récemment dans Marianne et signée par 101 musulmans, qualifiant le voile islamique de « sexiste et obscurantiste ».
Dans ce contexte, l’inquiétude des musulmans face à la stigmatisation et celle des Français face à l’islam semblent monter de manière parallèle. Le 27 octobre, Le Journal du dimanche a publié un sondage Ifop montrant qu’une grande majorité de la population souhaite une interdiction de plus en plus large des signes religieux ostensibles. Pour 78 % des sondés, le modèle français issu de la loi de 1905 est aujourd’hui « en danger ».
La campagne de vaccination contre le Covid-19…
…débute dimanche 27 décembre 2020
|
||||||||
|
Brexit, les secrets d’une négociations de la dernière chance…
…pour que tout change sans que rien ne bouge vraiment !

La première, c’est d’avoir en permanence tenu l’Union européenne comme responsable de leurs difficultés économiques et sociales et d’avoir fait croire qu‘en sortant de l’union, tout irait mieux.
La deuxième erreur a été de croire ou de faire croire à la population qu’ils trouveraient des alliés et des partenaires dans le monde capables de remplacer les Européens pour faire du business.
La troisième erreur est d’avoir cru, enfin, que l’Union européenne accepterait de conserver les avantages du grand marché sans avoir à respecter les règles de conduite auxquelles ils voulaient absolument se soustraire. Les plus radicaux des Brexiters espéraient même que l’Union européenne ne subsisterait pas à ce divorce et se disloquerait.
Aucune de ces prédictions qui étaient autant de promesses électorales ne s’est réalisée. L‘Union européenne ne s’est pas disloquée face au dossier britannique. Elle est restée unie sur ce dossier et les 27 pays ont soutenu sans trembler le négociateur européen Michel Barnier. La Grande Bretagne n‘a pas trouvé dans le monde les partenaires commerciaux qui auraient pu remplacer les Européens, qui vont rester pour l’instant, leur premier fournisseur et leur plus gros débouché.
Le projet le plus cynique des Brexiters était de trouver dans ce divorce le moyen de garder tous les avantages de l’appartenance à l’Union européenne, sans les inconvénients de respecter des règles qui fixent la vie commune. Ils ont échoué contraints et forcés de céder au dernier moment devant le mur de difficultés que les milieux d’affaires n’ont pas cessé de mettre en lumière dans l’hypothèse de plonger dans le grand bain d’un no-deal.
Boris Johnson a donc accepté in-extremis de revêtir les gilets de sauvetage que proposait l’Union européenne. Le dossier sur la pêche composait le dernier verrou à l’accord global fixant la future relation commerciale ; il a sauté.
Pour les négociateurs européens, cette dernière année a été terrifiante. « Ce jour est donc un jour de soulagement, dit Michel Barnier, mais teinté de tristesse quand on compare ce qu’il y avait avant et ce qui nous attend maintenant. »
L’accord signé n’est pas le copier-coller du régime matrimonial précédent ;
il y aura des vrais changements pour beaucoup de citoyens et d’entreprises, conséquences de ce Brexit. Du coup, beaucoup se demandent désormais comment et pourquoi la politique a pu engendrer un tel « être juridique aussi pervers et sans doute assez instable ».
Il y a beaucoup de moments politiques certes, mais qui se résument à des luttes de pouvoir et à des querelles d’egos surdimensionnés.
Ce qui compte, au final, c’est qu’en dépit de toute l’histoire, les intérêts économiques et sociaux du plus grand nombre sont en partie préservés. Ce qui prouve une fois de plus que le poids des pouvoirs économiques, la manifestation des intérêts des vrais gens, leur bon sens, leur emploi, leur standard de vie l’emportent au final sur les forces idéologiques et strictement politiques.
Alors ça demande du temps, ça provoque des dégâts, mais toute crise finit par rendre intelligente la démocratie. C’est le poids des opinions qui a démoli le mur de Berlin, dernière grande aberration du 20e siècle, c’est le poids des opinions publiques qui a empêché les dirigeants de provoquer un Brexit dur et qui les a obligés à tricoter un compromis qui n‘insultera pas l’avenir.
Dans la dernière ligne droite de cette négociation, les Anglais avaient choisi le dossier de la pêche pour faire tout éclater. En gros, il s’agissait d’interdire les zones de pêche britanniques, qui sont immenses et particulièrement fertiles, aux pécheurs de l’Union européenne. Bruxelles ne pouvait pas accepter cet oukase, sauf à condamner l’industrie de la pêche en France, en Espagne et dans toute l’Europe du nord (Pays-Bas et Allemagne).
Les Européens sont donc restés sur une ligne dure en menaçant les Anglais de fermer les marchés du continent aux pêcheurs britanniques. En tenant cette position, les Anglais ont bien été obligés de céder, pour pouvoir continuer de vendre leur cabillaud à Rungis et ailleurs.
Le rôle de Boris Johnson dans cette dernière ligne droite méritera d’être clarifié. Parce que la fermeture des frontières du Royaume-Uni pendant 48 heures la semaine dernière, à la suite de la découverte d’une forme nouvelle du virus, a déclenché une telle panique en Grande Bretagne qu‘elle n’a pas été sans effet sur les négociateurs. En prenant une telle décision, Boris Johnson a eu un aperçu de la situation qui prévaudrait au 31 décembre en cas de No-deal. Il aurait donc cédé pour éviter le pire. D’autant que la crise sanitaire a évidemment obscurci les perspectives économiques. Bref, il aurait été peu judicieux de rajouter une crise Brexit à la crise sanitaire, économique et sociale.
Si on regarde la vie politique britannique d’un œil particulièrement cynique, on pourra dire que le virus a permis au Premier ministre britannique de ne pas perdre la face dans cette affaire du Brexit qui a empoisonné la vie politique pendant presque 5 ans.
Avec le compromis sur la pêche, la Grande Bretagne va pouvoir appliquer un deal qui globalement ne va pas déranger beaucoup d’habitudes.
1e point : Le point essentiel du deal qui régit l‘après-Brexit est d’encadrer les échanges commerciaux entre l‘UE et le Royaume-Uni qui représente près de 800 milliards d’euros par an. Le deal stipule qu’il n’y aura ni droits de douanes, ni quotas. Donc on reconduit le statut antérieur. Les Anglais peuvent dire qu’ils ont gagné. Sauf que cette liberté d’échanger est conditionnée par le respect des normes sociales, fiscales, environnementales et sanitaires… Lesquelles normes seront fixées par Bruxelles comme aujourd’hui, sauf que les Anglais n’y participeront plus. Les Européens peuvent dire qu‘ils ont préservé l’essentiel, puisqu’en cas de non-respect des normes, les marchandises seront taxées ou interdites.
La différence avec le régime précédent est qu‘il faudra rétablir la douane qui vérifiera que la marchandise exportée est effectivement conforme aux normes. Les déclarations douanières ne sont pas insurmontables.
Ce qui gêne les Anglais, c’est qu’ils ne pourront pas se livrer au dumping social, fiscal ou environnemental. Les aides publiques aux entreprises britanniques seront elles aussi dans le collimateur.
2e point : ce qui change n’est pas marginal mais gérable et adaptable.
La question irlandaise ne se pose plus, mais les Européens n’ont pas cédé sur la question du passeport financier. La City ne pourra plus vendre ses produits financiers partout en Europe. Les banques et les fonds vont être obligés de monter des filiales en Europe continentale, ce qu’elles ont commencé à faire.
La libre circulation des Européens au Royaume-Uni se termine au 1er janvier, les Européens qui désirent travailler en Grande-Bretagne vont devoir obtenir un permis de travail. Les 4 à 5 millions d’Européens qui sont déjà installés en Grande Bretagne pourront y rester en conservant leurs droits. La réciproque est vraie aussi.
Pour les étudiants, Erasmus va disparaître en Grande Bretagne et les droits universitaires vont augmenter. Les étudiants actuels pourront aller au terme de leur études avec les anciennes conditions.
La circulation des touristes sera plus compliquée. Il n’y aura pas de visas, mais les permis de conduire nationaux ne seront pas reconnus, les assurances seront différentes et plus chères. L’assurance maladie européenne ne sera plus reconnue en Grande Bretagne. Il faudra donc en souscrire une nouvelle.
Difficile d’anticiper un bilan de ce qui gênera véritablement les uns comme les autres. Mais à partir du moment où 60 % du PIB britannique dépend de l’Union européenne, alors que pour l’Union européenne, la dépendance est beaucoup plus faible (moins de 10 % pour l’ensemble des 27), toute complication et tout frein aux échanges va handicaper plus les Anglais que les Européens.
C’est cette situation et ces chiffres, très simples, qui ont motivé les milieux d’affaires britanniques à s’opposer au Brexit et plus tard, à en limiter l’impact en plaidant pour un deal de Brexit soft. Ce qu’ils ont finalement obtenu.
Alors maintenant, tout va dépendre de comment les rapports de force vont évoluer. La Grande Bretagne est libre de ses mouvements au niveau international. Elle peut chercher des accords avec des pays tiers en sachant que si ces accords ne sont pas conformes avec les codes et les normes de l’Europe, ils perdront des débouchés.
C’est d’ailleurs ce qui va se passer dans le secteur financier. La City a remarquablement profité de son passeport financier… Elle pouvait accueillir n’importe quelle institution étrangère qui s’installait à Londres pour pénétrer le marché européen. Cette liberté-là n’étant pas reconduite, la City va perdre de son attrait.
Perdant globalement certains de ses avantages, la livre sterling va baisser. Le gouvernement ne s’en inquiète pas officiellement, il explique même que ça va faciliter son activité à l’étranger. Sauf que les importations (60%) vont coûter plus chères et les prix intérieurs vont donc augmenter. Les prochaines élections sont encore loin !
2020, année la plus meurtrière de l’Histoire des États-Unis.
Et en France ?

En France, va-t-on avoir une année particulièrement meurtrière ou la plus meurtrière de l’histoire, comme aux Etats-Unis ?
La France est dans une situation différente des Etats-Unis car la France n’a pas connu de croissance démographique très importante durant le XXe siècle, la fécondité diminue et le pays a connu des crises de mortalité très fortes liées aux guerres mondiales. On est monté à près de 800.000 décès lors de certaines années. Les records de mortalité liés aux guerres ne seront pas battus. En France il y a un phénomène structurel, depuis une quinzaine d’années, de montée des décès. En 2004, on a eu 509.429 décès et en 2019, 599.408 donc une augmentation de près de 100.000. Cela s’explique par l’arrivée progressive des générations très nombreuses du baby-boom à un âge avancé. Depuis 2015, le nombre de décès est à son maximum depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 2020, il y avait une hausse prévisible pour des raisons structurelles mais la crise du Covid va accentuer cette hausse. On va avoir environ 40.000 à 50.000 décès supplémentaires, même si on n’a pas encore les chiffres exacts. On va donc avoir un record autour de 640.000 décès, soit un chiffre assez proche des données de 1945. On avait eu 643.899 décès et on peut penser qu’on sera autour de ce chiffre. La tendance structurelle est donc fortement accentuée par la surmortalité due au Covid. Ce qui devrait conduire à une baisse de l’espérance de vie.
L’espérance de vie va donc baisser en 2020 ?
Oui, c’est sûr. Je ne sais pas exactement de combien, peut être d’une demi-année. Ces dernières années elle continuait de progresser. On avait gagné environ deux ans chez les hommes ces dix dernières années, un peu moins chez les femmes. Cette espérance de vie devrait réduire plus fortement chez les hommes apparemment, puisqu’ils ont été plus touchés par les cas graves de Covid.
Y-a-t-il un risque que ces tendances conjoncturelles aient des effets de long-terme ?
Le premier effet c’est que les gens qui sont décédé cette année à cause du Covid et qui n’auraient pas dû décéder, par définition, ne décéderont pas l’année prochaine ou dans deux ans. Si le Covid venait à ne plus être mortel, on pourrait s’attendre à ce qu’il y ait une sous-mortalité dans les prochaines années, plutôt en 2022. Cela n’est vrai que si l’on parvient à stopper la pandémie. Tant qu’elle sera là, on aura une surmortalité plus ou moins importante. Toutefois, le Covid a tué des personnes qui seraient décédées dans les dix-huit mois qui suivaient, même sans la pandémie, mais il tue aussi des gens qui ne seraient peut-être décédés que dix ans plus tard donc on peut penser que même si la situation améliore, ce pic restera et ne sera pas entièrement lissé. Il sera peut-être atténué en partie.
Par ailleurs, le nombre de décès se rapproche dangereusement du solde de naissance, ça a un impact sur le solde naturel. La croissance démographique de la France est tirée par l’excédent des croissances sur les décès. Un pic de mortalité, parallèlement à une baisse des naissances, sous-entend que la croissance démographique sera en berne en 2020. Toutefois, pour les prochaines années, la tendance à la baisse de la natalité est moins assurée que la hausse des décès, parce que les enfants des années 2000 vont commencer à avoir des enfants. Mais la hausse des décès est portée par les baby-boomers car ils n’ont pas encore atteint l’âge moyen des décès, à 80 ans. On devrait approcher 700.000 bientôt. 2020 va nous paraître exceptionnel en terme de nombre de décès, mais ce nombre sera courant d’ici une dizaine d’années.
L’Algérie à couteaux tirés contre l’accord Maroc-Israël
Normalisation Maroc-Israël : des heureux, des mécontents et des déçus
Au cœur du rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, la question du Sahara côtoie désormais la question palestinienne. Par Marlène Panara
L’ annonce, qui « survient un mois après le début de la dégradation de la situation au Sahara occidental », nous apprend le média algérien TSA [des violences ayant éclaté dans la zone tampon de Guerguerat lors d’une manifestation, le Front Polisario s’était retiré de l’accord de cessez-le-feu en vigueur depuis 1991, NDLR] fait du Maroc « le quatrième pays arabe à mettre de côté l’hostilité avec Israël au cours des quatre derniers mois », affirme le quotidien égyptien Al Ahram, après le Soudan, Bahreïn et les Émirats arabes unis.
Si pour le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, « l’accord est historique », le site du Centre d’études et de consultations mauritanien Essahra rappelle tout de même que « la question de la normalisation des relations entre Rabat et Israël avait été relancée en février dernier à l’occasion d’une visite officielle au Maroc du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo ». « À l’époque, des médias israéliens assuraient que le Maroc serait prêt à faire un geste en contrepartie d’un soutien américain à la position du Maroc sur le Sahara occidental », assure l’article.
« Des bureaux de liaison ont fonctionné par le passé, pendant six ans, rappelle en effet Le 360. En 1994, le roi Hassan II avait rétabli des relations diplomatiques à un niveau subalterne (comprenez sans ambassadeur). En prenant cette décision, le Maroc était devenu à l’époque le troisième pays – après l’Égypte et la Jordanie — à établir des relations formelles avec l’État hébreu. » Mohammed V les a finalement rompus le 21 octobre 2000, à la suite du déclenchement de la seconde Intifada, « en signe de soutien aux Palestiniens ».
Toujours selon le média marocain, un lien spécial unit tout de même les deux pays, qui repose en grande partie sur la communauté juive marocaine avec laquelle « le Maroc n’a jamais rompu ». « La Constitution de 2011 consacre d’ailleurs par son préambule la richesse et la diversité des composantes spirituelles et culturelles (y compris l’affluent hébraïque) qui forgent l’identité des Marocains », rappelle le média, qui ajoute : « Les Israéliens d’origine marocaine restent, de leur côté, attachés à leur pays et ne s’en cachent pas. » « Certains parmi eux occupent des postes de haut rang dans l’administration israélienne : pas moins de dix ministres du gouvernement de Benyamin Netanyahou, installé en mai dernier, sont d’origine marocaine », précise-t-on. Depuis une vingtaine d’années, c’est également via « des échanges culturels » que s’inscrivent les relations entre le Maroc et Israël.
Au-delà des liens culturels, des ouvertures économiques
Avec la reconnaissance marocaine, des échanges pourraient bien désormais se concrétiser aussi sur le plan économique. Car, hier, « le Royaume a accédé à une vieille demande israélienne : l’établissement d’une liaison aérienne pour le transport des membres de la communauté juive marocaine et des touristes israéliens en provenance et à destination du Maroc », indique Le 360. Mais c’est surtout la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les États-Unis – en contrepartie de la normalisation des liens diplomatiques entre le Maroc et Israël – qui promet les plus fortes retombées économiques.
Pour le site d’informations marocain, le Sahara est même un « futur eldorado des investisseurs américains ». Car « malgré sa faible densité de population, la région est riche de ses multiples ressources en poissons et en bétail, en minéraux et en pétrole », explique le journal égyptien Al Shourouk. « La ville de Laâyoune est l’une des villes industrielles les plus importantes de la région, précise-t-on. Les Émirats arabes unis et la Jordanie y ont d’ailleurs récemment annoncé l’ouverture de leurs propres consulats, [pour faciliter] les activités industrielles, de pêche et d’exportation. »
Transformer des opportunités pour le Maroc
Pour Omar Belmamoun, qui dirige les activités de Total Eren au Maroc, l’initiative permettra à de grands projets américains de se concrétiser sur le sol marocain. Par exemple, « le vaste plan d’électrification de l’Afrique, Power Africa, doté de 16 milliards de dollars, lancé par l’ancien président Barack Obama ». « En l’absence de projets structurants en Afrique dans le domaine des énergies, le Maroc est mieux placé pour se positionner en tant que hub énergétique entre l’Europe et l’Afrique, explique le haut responsable au site d’informations. L’expertise marocaine et le cadre réglementaire énergétique marocain permettront de combler le manque de projets énergétiques structurants bancables en Afrique subsaharienne. » Avec la reconnaissance américaine du Sahara occidentale, « le Maroc n’est donc plus seulement l’allié géostratégique, mais un sérieux et potentiel allié géo-économique des entreprises américaines qui veulent conquérir des marchés africains et sud-est méditerranéens », affirme pour sa part, au même média, l’économiste Abdelghani Youmni.
L’Algérie « groggy »…
De l’autre côté de la frontière, en revanche, les conséquences pourraient être beaucoup moins heureuses. Pour le quotidien algérien El Khabar, « la décision de Trump menace les relations algéro-américaines ». Sarah Yerkes, membre du programme Moyen-Orient du Carnegie Endowment for International Peace, et dont les propos ont été initialement publiés dans le New York Times, soutient que « la décision du président américain Donald Trump de soutenir la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental est susceptible de provoquer des frictions avec l’Algérie et de compromettre gravement les relations » entre les deux pays.
« Ce que l’Algérie craignait le plus au monde est finalement arrivé », renchérit Le 360 dans son article « Reconnaissance de la marocanité du Sahara par les USA : le tandem Algérie-Polisario groggy ». « Comme on peut l’imaginer, la stupeur et le désespoir du régime algérien sont à leur comble », affirme le média pour qui « l’homme malade du Maghreb doit prendre le train en marche, et faire définitivement le deuil d’un État fantôme qui lui aurait servi de marchepied vers l’Atlantique ».
Algérie patriotique pour sa part s’inquiète davantage de « l’officialisation du couple Maroc-Israël », une décision par laquelle « l’ennemi s’approche de l’Algérie ». « Israël s’est donc définitivement implanté au Maghreb et rien ne dit que la Mauritanie n’emboîtera pas le pas au Maroc dans les semaines ou les mois à venir ». Pour le média, le constat est préoccupant : « l’Algérie se verra ainsi coincée entre un voisin à l’ouest qui offre à Tel-Aviv l’opportunité d’officialiser sa présence en Afrique du Nord et de s’y enraciner, une Libye morcelée et en proie aux convoitises de puissances étrangères qui se livrent une guerre par procuration, et un Sahel pris en étau entre les groupes terroristes et l’armée française », écrit-il.
… et la Palestine « déçue »
Au Proche Orient, aussi, la décision marocaine inquiète, bien que Mohammed VI ait assuré dans un communiqué relayé par Le Matin d’Algérie que « ces mesures n’affectaient en aucune manière l’engagement permanent et soutenu du Maroc en faveur de la cause palestinienne juste ». Ainsi, d’après le quotidien palestinien Al Ayyam, « les factions palestiniennes condamnent la décision du Maroc ». Pour le Front populaire de libération de la Palestine, ce 10 décembre est « un jour noir dans l’histoire du peuple palestinien ». Pour le Hamas, qui s’exprime par la voix de son porte-parole Hazem Qassem, « la normalisation encourage l’occupant à continuer de nier les droits de notre peuple ».
Et selon Palestine Chronicle, « la nouvelle est arrivée comme une autre déception pour les Palestiniens qui regardent leurs anciens alliés arabes rejoindre le camp israélien alors que les Palestiniens restent sous occupation militaire israélienne ». « Jusque récemment, la stratégie politique arabe officielle à l’égard de la Palestine reposait sur l’idée qu’aucune normalisation ou reconnaissance d’Israël ne précéderait jamais la fin de l’occupation israélienne de la Palestine et l’établissement d’un État palestinien, explique le site. À en juger par les nombreuses décisions en faveur de la normalisation, cette maxime ne semble plus en vigueur. » Dans la lignée de la position officielle, Le 360 assure que la décision du Maroc « ne remet nullement en cause l’engagement du Maroc pour la défense de la cause palestinienne, si chère à tous les Marocains ». Pour le média en ligne, la normalisation des relations avec Israël « ne fait que refléter le soutien du Maroc à une solution fondée sur deux États vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité ».
Pour certains médias algériens, le départ de Donald Trump en janvier prochain, et l’arrivée au pouvoir du démocrate Joe Biden, pourrait bien changer la donne, et mettre des bâtons dans les roues à cette relation naissante. « La décision de Trump n’est à ce stade qu’une déclaration sur laquelle Biden peut facilement revenir, et soutenir un règlement négocié par les Nations unies », écrit El Khabar. Pour le journal, « la décision de Trump met les États-Unis en désaccord avec l’opinion publique mondiale et menace de transformer le conflit en guerre ouverte […], voire en conflit régional, qui pourrait ouvrir des portes à des groupes terroristes d’Afrique de l’Ouest ». Dans une moindre mesure, le journal en ligne marocain Le Desk le reconnaît : l’initiative américaine est « une patate chaude pour les démocrates ». « En signant une proclamation présidentielle reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara, Donald Trump met la future administration démocrate dans une situation difficile », admet-il. L’équipe de Joe Biden reviendra-t-elle sur la décision de son prédécesseur ? « Il n’y a rien d’irréversible », pense le média algérien TSA.