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Un tribunal de Riyad a annulé ce lundi 7 septembre les peines capitales prononcées pour l’assassinat en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi. Par Julien Vittoz
Pas de peine capitale. Un tribunal de Riyad a annulé ce lundi 7 septembre les peines capitales prononcées pour l’assassinat en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi. Selon les informations de l’agence officielle Saudi Press Agency (SPA), citant les services du procureur général, les “cinq prévenus ont été condamnés à vingt ans de prison et trois autres à des peines allant de sept à dix ans de prison”. Le verdict a aussitôt été dénoncé par une experte de l’ONU, la Turquie et la fiancée turque du collaborateur du Washington Post, ancien critique du régime saoudien.
En décembre, à l’issue d’un procès très opaque, cinq Saoudiens avaient été condamnés à mort et trois autres à des peines de prison, sur un total de 11 personnes inculpées. Les trois autres personnes avaient été “blanchies”.
La Turquie, théâtre de l’assassinat de Jamal Khashoggi au sein de l’ambassade saoudienne, a ainsi fait connaître son mécontentement par la voix du porte-parole de la présidence turque Fahrettin Altun. Ce dernier a déclaré que le verdict était “loin de satisfaire” les attentes de la communauté internationale. Hatice Cengiz, fiancée du journaliste défunt, a également pris la plume, dénonçant sur Twitterune “farce” : “Les autorités saoudiennes ont clos ce dossier sans que le monde sache la vérité sur qui est responsable du meurtre de Jamal.”
“Le procureur saoudien a joué un nouvel acte dans cette parodie de justice”, a réagi sur Twitter la rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions sommaires, Agnès Callamard, selon qui “ces verdicts n’ont aucune légitimité juridique ou morale”. D’autant que, explique-t-elle, les condamnés sont loin d’être les seuls responsables de l’assassinat du journaliste. “Les 5 tueurs à gages sont condamnés à 20 ans de prison mais les hauts responsables qui ont organisé et saluent l’exécution de #JamalKhashoggisont libres. Quant à la responsabilité du prince héritier Mohammed Ben Salman, elle n’a même pas été abordée”, souligne-t-elle.
Craignant une arrestation après avoir critiqué plusieurs décisions de Mohammed ben Salmane et l’intervention militaire de Riyad au Yémen, Khashoggi s’était exilé en 2017 aux Etats-Unis. Après avoir été rayé des colonnes d’Al-Hayat, l’un des principaux quotidiens saoudiens, le journaliste avait commencé à écrire pour le Washington Post. L’année suivante, il avait été assassiné et son corps découpé en morceaux dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, où il s’était rendu pour récupérer un document. Ses restes n’ont jamais été retrouvés.
Le prince héritier Mohammed ben Salmane, dit “MBS”, avait par la suite été désigné par des responsables turcs et américains comme le commanditaire du meurtre. Après avoir nié l’assassinat, puis avancé plusieurs versions, Ryad a affirmé qu’il avait été commis par des agents saoudiens qui auraient agi seuls et sans recevoir d’ordres de leurs dirigeants. La justice saoudienne, qui s’est elle-même saisie de l’affaire, a ensuite innocenté le prince héritier.
En mai, les fils de Jamal Khashoggi ont annoncé “avoir pardonné” ses tueurs. Par le passé, Salah Khashoggi, son fils ainé, avait assuré avoir “pleinement confiance” dans le système judiciaire saoudien.
Des déclarations dont la franchise a été mise en doute en avril 2019. À l’époque, le Washington Post avait affirmé que les quatre enfants du journaliste, y compris Salah, avaient reçu des maisons d’une valeur de plusieurs millions de dollars et étaient payés des milliers de dollars par mois par les autorités. La famille avait alors démenti.