Le grand ayatollah Ali Sistani, référence religieuse de la plupart des chiites d’Irak et du monde, a affirmé ce samedi 6 mars au pape François que les chrétiens d’Irak devaient «vivre en paix et en sécurité » et bénéficier de «tous les droits constitutionnels ».
Pour la première fois de l’histoire, le pape était reçu à Ndajaf par Sistani en personne, un homme frêle de 90 ans jamais apparu en public. Avec cette rencontre religieuse au sommet, l’une des plus importantes de l’histoire, le pape argentin voulait tendre la main à l’islam chiite mais aussi porter la cause des chrétiens d’Irak -1% de la population dans ce pays musulman – qui se disent régulièrement victimes de discriminations .
Mais de cette rencontre au sommet n’ont filtré que deux choses. Une photo des deux hommes: le grand ayatollah, turban noir des descendants du prophète Mahomet et tenue assortie, et à sa gauche le pape, tout de blanc vêtu et flanqué de cardinaux en chapes rouges et noires. Et, surtout, un communiqué du bureau du grand ayatollah.
Le pape François et l’ayatollah Sistani, à Najaf en Irak, le 6 mars 2021. HANDOUT / REUTERS
Après avoir rencontré le clergé catholique à son arrivée vendredi 5 mars à Bagdad , le pape argentin de 84 ans voulait tendre la main à l’islam chiite, deux ans après avoir signé avec le grand imam d’Al-Azhar, institution de l’islam sunnite en Egypte, un «document sur la fraternité humaine ». L’ajout de cette étape au programme papal est une source de fierté pour de nombreux chiites dans un pays qui va depuis 40 ans de conflits en crises, en passant par une guerre civile meurtrière entre musulmans chiites et sunnites.
« Nous sommes fiers de ce que représente cette visite (…) elle va donner une autre dimension à la ville sainte »
Le dignitaire chiite Mohammed Ali Bahr al-Ouloum
«Nous sommes fiers de ce que représente cette visite (…) elle va donner une autre dimension à la ville sainte », se félicite auprès de l’AFP le dignitaire chiite Mohammed Ali Bahr al-Ouloum.
Le grand ayatollah Ali Sistani est la plus haute autorité pour la majorité des 200 millions de chiites du monde – minoritaires parmi les 1,8 milliard de musulmans. Son unique rival religieux est le Guide suprême iranien, le grand ayatollah Ali Khamenei. De nationalité iranienne, le grand ayatollah se pose depuis des décennies en garant de l’indépendance de l’Irak et dirige une école théologique qui prône le retrait des religieux de la politique – ils doivent seulement conseiller – au contraire de l’école de Qom en Iran. «L’école théologique de Nadjaf est plus laïque que celle de Qom, davantage religieuse », rappelle le cardinal espagnol Miguel Angel Ayuso, président du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux. Nadjaf, ajoute-t-il encore, «accorde plus de poids à l’aspect social ».
« Intérêts extérieurs »
Le grand ayatollah a d’ailleurs pesé de tout son poids pour faire tomber le gouvernement qu’ont conspué durant des mois en 2019 de jeunes manifestants fatigués de voir leur pays s’enfoncer dans la corruption et la gabegie. Le pape, comme le grand ayatollah, sont deux personnalités religieuses qui font régulièrement des commentaires politiques. Mais tous deux soupèsent savamment leurs mots.
Une nouvelle fois, le pape a parsemé son discours aux autorités irakiennes d’allusions à la situation du pays, pris en étau entre ses deux grands alliés américain et iranien. «Que cessent les intérêts partisans, ces intérêts extérieurs qui se désintéressent de la population locale », a ainsi lancé François.
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La visite du pape, sous très haute sécurité, se déroule aussi sur fond de confinement total avec plus de 5000 contaminations par le Covid-19 chaque jour. Après Nadjaf, François doit continuer son parcours vers le sud, à Ur , ville antique où selon la tradition est né le patriarche Abraham. Là, il priera avec des dignitaires chiites, sunnites, yazidis, zoroastriens, bahaïs et sabéens.
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