Article 1 : La laïcité, principe du vivre ensemble et de la non-discrimination des citoyens de toutes confessions
Le principe de la laïcité fait de la France une République, neutre envers les religions et respectueux de la liberté de conscience.
En conséquence, la France assure à tous les citoyens la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer une religion.
Dans ce cadre, l’apport des concitoyens de confession musulmane se confirme de jour en jour. Cette contribution positive s’illustre dans les domaines économique, politique, scientifique, culturel, sportif, artistique et bien d’autres encore…
Malgré les confusions, la devise de la République demeure : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Les musulmans de France sont attachés à :
• La liberté de croyance pour tous les citoyens,
• L’égalité entre tous les citoyens au-delà de leur origine ou de leur religion,
• La fraternité entre les différentes composantes de la communauté nationale.
Les musulmans de France n’aspirent qu’à vivre sereinement et paisiblement leur spiritualité, en évitant toute provocation et en refusant toute stigmatisation.
Les musulmans ont également besoin d’ouverture. Ils ont besoin de s’ouvrir à la société dans laquelle ils vivent, ainsi qu’à toutes ses composantes religieuses, culturelles, syndicales, politiques, etc. Une telle ouverture à l’autre, rejetant toute forme d’archaïsme, ne peut avoir que des retombées positives sur la société.
Article 2 : Citoyenneté
Les musulmans de France se reconnaissent pleinement dans le concept de citoyenneté, entendu comme le fait pour une personne, d’être reconnue comme membre d’un État, nourrissant un projet commun auquel il souhaite prendre une part active. La citoyenneté comporte des droits civils et politiques et des devoirs civiques définissant le rôle du citoyen de toute confession, au sein d’une société et face aux institutions.
La citoyenneté symbolise le respect des droits et devoirs du citoyen français musulman au sein de la société française. Chaque citoyen musulman se doit de respecter la citoyenneté telle qu’elle est établie par les lois françaises de la République. Celle-ci reconnaît la diversité et la pluralité de la société, ne faisant aucune distinction entre les croyants ou non. Elle prône la solidarité, l’égalité et la tolérance.
Le droit de vote est un outil fondamental et indispensable à l’intégration des musulmans de France. Il véhicule un fort sentiment d’appartenance à une société, à une communauté nationale. Au-delà de ce qu’il représente, ce droit de vote confère une position sociale reconnue au sein de la société. Il favorise également une participation constructive aux différents sujets de société concernant les musulmans français. Les musulmans aspirent à participer aux débats nationaux du pays.
Les musulmans sont en droit de revendiquer que leur citoyenneté ne puisse être assimilée à une citoyenneté de seconde zone ou de faire l’objet d’une quelconque remise en cause. Le musulman est d’abord un citoyen. Il affirme ou non, ensuite, son appartenance religieuse.
Article 3 : La femme musulmane
Au début de l’islam, les femmes ont acquis et mérité une personnalité juridique entière. En effet, le Coran confère une égalité totale aux femmes et aux hommes (2). À rebours des récurrentes accusations non fondées qui pèsent sur l’islam, la femme musulmane jouit d’un rôle primordial dans la société.
En France, l’égalité homme femme ne heurte en rien la conception musulmane. Bien au contraire, depuis l’avènement de l’islam et dans les temps modernes, les principaux défenseurs de la place de la femme musulmane dans la société contemporaine ont toujours favorisé son épanouissement.
Article 4 : La jeunesse musulmane
L’avenir et la réussite des jeunes musulmans font partie intégrante des aspirations des musulmans de France.
La communauté musulmane lutte contre de nombreux handicaps liés aux difficultés rencontrées par sa jeunesse (difficultés, situation précaire des jeunes, travail, discrimination, islamophobie, racisme, fléaux sociaux).
Au-delà de cette difficulté, une composante importante de la communauté réussit de plus en plus à intégrer de Grandes Écoles et obtient à la fin de ses études des diplômes et des postes importants, en tant que cadres au sein de grandes entreprises, dans de grands groupes ou encore même au sein de divers partis politiques.
Quotidiennement, les jeunes musulmans apportent la preuve que l’islam n’est pas le problème de la démocratie. Nourris de leurs références religieuses et culturelles authentiques, ils s’affirment pleinement comme citoyens du troisième millénaire.
Néanmoins, deux obstacles majeurs s’opposent à leur épanouissement. L’école publique peine à faire réussir les enfants issus des milieux les moins privilégiés, particulièrement ceux issus de l’immigration. Par ailleurs, la situation de crise économique dans les banlieues et cités des grandes villes françaises, aggravée par un taux de chômage chronique, constitue un handicap pour l’insertion sociale des jeunes musulmans de France.
Article 5 : Les tenues vestimentaires
Pour la plupart des musulmanes, une tenue vestimentaire adéquate traduit, comme pour les autres religions, la dignité et la conformité à la tradition religieuse.
Le voile est une prescription qui recommande au Prophète de « dire à ses femmes, à ses filles et aux femmes des croyants » (Coran 33-59), de l’arborer pour la réserve qu’il leur impose.
Si nombre de musulmans de France ont pu vivre la loi sur l’interdiction du port du voile à l’école publique comme une injustice, ils respectent les choix de la communauté nationale.
Concernant le port du voile intégral, il convient de rappeler que la France a adopté une loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. À cette occasion, le CFCM a rappelé à plusieurs reprises la position adoptée par la majorité des théologiens musulmans qui stipule que le port du voile intégral n’est pas une obligation religieuse.
Tout au long des débats sur le port du voile intégral, le CFCM a clairement affiché son opposition à cette pratique et sa détermination à continuer d’œuvrer par le dialogue et l’éducation pour qu’elle ne s’installe pas sur le territoire national.
Le CFCM réaffirme que les musulmans de France aspirent comme tous leurs concitoyens, à pratiquer leur culte et vivre leur spiritualité dans le respect des lois et des valeurs de la République auxquelles ils sont profondément attachés.
Article 6 : Le respect d’autrui
L’islam recommande le respect des institutions et des personnes civiles ou morales.
Les dégradations, les incivilités, les impolitesses ou l’agressivité sont condamnables par la morale islamique élémentaire.
Tous les cultes, toutes les croyances et toutes les personnes quelle que soit leur origine ethnique ou religieuse vivent libres et respectés en France.
La loi musulmane est conforme à l’acceptation de la diversité du genre humain. (3)
Article 7 : Bioéthique musulmane
L’islam recommande la science et honore les savants.
Le musulman veille à l’instruction de ses enfants garçons et filles selon la loi. L’enseignement religieux est réservé à des horaires qui n’interfèrent pas sur l’obligation de scolarité.
Combattre l’ignorance, porteur de fanatisme et d’intolérance, est du devoir de tout croyant. La science rapproche de Dieu.
La science médicale se propose comme objectif de guérir, de soulager et surtout de ne pas nuire à l’être humain. Le musulman a le devoir de se soigner et d’espérer consolation et apaisement de Dieu seul.
La bioéthique musulmane a pour principe le respect de la vie (Coran V, 32), la légitimité de donner de soi (sang, organes, tissus) en tant qu’actes méritoires (Hassanates) et d’en recevoir pour se soigner.
La procréation médicalement assistée n’est licite que dans la mesure où la filiation légitime est respectée. Le suicide, l’euthanasie sont interdits.
L’embryon a le même statut que la personne vivante dès la fécondation.
Le médecin, homme ou femme, est pleinement responsable de ses malades et on ne peut récuser ni l’un ni l’autre.
Le clonage est une manipulation contraire à la nature et aux règles de l’islam (perpétuation naturelle de l’espèce humaine).
Dans tous ces domaines, le principe juridique de l’intentionnalité « Al Maqasid » ou fins ultimes d’une action thérapeutique est requis.
De même, la protection de la vie, le principe de la parenté légitime sont retenus comme bases des règles de la bioéthique musulmane.
En matière génétique le principe du génome humain est qu’il appartient à toute l’humanité et qu’il n’est pas brevetable ; c’est ce qui est retenu dans l’islam.
Article 8 : Réforme et revivification
Dans notre époque contemporaine, il incombe aux musulmans de fournir l’effort intellectuel nécessaire en vue de revivifier la pensée islamique selon le terme utilisé par Abû Hâmid al-Ghazâlî (m 1111) ou encore en vue d’un renouveau et d’une reconstitution de la pensée religieuse selon les termes utilisés par Mohamed Iqbâl (1877-1938).
Le Renouveau correspond à une action de « contextualisation » dans le temps et dans l’espace, pour la compréhension de la religion et l’ajustement de son application dans une société et une réalité en perpétuel développement et transformation.
Les musulmans de France doivent s’inspirer des expériences de leurs prédécesseurs et œuvrer dans le sens d’une Réforme qui tient compte des spécificités de leur époque et de la société dans laquelle ils vivent.
Les musulmans de France se rattachent à la tradition des mouvements réformistes unanimement reconnus : Al-Afghânî (1839-1897), Mohamed Abdou (1840-1905), Rachîd Rédhâ (1864-1935), Malek Bennabi qui a traité des conditions de la renaissance en examinant aussi les causes du déclin de la civilisation islamique en s’inspirant de quelques versets coraniques comme : « En vérité, Dieu ne change rien d’une communauté tant que chaque membre qui la compose ait changé en lui-même » Coran, XIII, 11.
Dans cette perspective, Mohamed Abdou affirmait : « L’islam a condamné l’imitation servile et aveugle (taqlîd) en matière de croyance et a sauvé la raison de son engourdissement car l’homme par nature est conduit par la science et la raison sur la voie de la connaissance ».
Cet effort de réflexion en vue d’opérer le changement est lui aussi une sorte d’ijtihâd où effort de réflexion personnel fourni par l’autorité compétente en vue de l’extraction des normes juridiques à partir des textes. Il ne concerne pas la doctrine de l’islam mais est d’ordre politique et social à travers une relecture des textes fondamentaux afin de reconstituer la pensée religieuse de l’islam comme l’affirmait Mohamed Iqbâl.
Au cours de son dernier discours (4) à la communauté musulmane, le prophète (paix sur lui) lui a vivement recommandé le perpétuel souci de se renouveler en permanence et de veiller sur ses propres composantes.
Article 9 : Les musulmans de France face au radicalisme, à l’extrémisme et à la violence
L’islam prône « une communauté du juste milieu » (al wasatiyyaCoran II-143).
Les lieux de culte et les mosquées ne sont dédiés qu’à l’adoration de Dieu et à rien d’autre. (Coran 72-18).
Contrairement à une idée répandue, le mot « Jihâd » signifie notamment la lutte et l’effort sur soi-même, en accomplissant le bien. Cette action a surtout une dimension spirituelle, consistant à œuvrer de son mieux pour accomplir le bien. Dans le Coran, ce mot est employé sous ses différentes formes à 33 reprises.
Les menées politiques, idéologiques ou activistes, instrumentalisant ainsi le religieux, ne peuvent que dénaturer le message et la vie des musulmans de France, soucieux avant tout de s’intégrer à la société française dont ils font pleinement partie.
Les musulmans de France sont inquiets par l’attractivité des thèses radicales auprès d’une fraction de la jeunesse en quête de sens, confrontée à des injustices et inégalités. Cette voie radicale, qui s’apparente à une déviance, profite des fragilités personnelles et recourt souvent à la manipulation et au dévoiement des textes sacrés. Il est impératif que les musulmans dans leur ensemble se mobilisent afin que la jeunesse puisse retrouver le chemin d’un islam apaisé.
Les institutions, les élites et les pouvoirs publics doivent conjuguer leurs efforts avec les familles musulmanes pour juguler ces actions subversives qui ternissent l’image de la religion musulmane.
Les musulmans dans leur totalité récusent la violence et font tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter que leurs jeunes succombent aux messages délétères qui incitent notamment à la violence ou au fanatisme.
Les musulmans de France souhaitent mener une vie paisible et sereine, loin de toutes violences, dans l’intérêt même des générations à venir.
Il est impérieux que cette problématique soit appréhendée dans toutes ses dimensions économiques et sociales.