Correspondant à Jérusalem
Pour sa première visite au Proche-Orient compliqué, le secrétaire d’État américain Antony Blinken est venu avec des idées simples et des ambitions restreintes. Il n’est pas question de tenter d’établir la paix, mais, plus prosaïquement, de renforcer le fragile cessez-le-feu entre Israël et les factions armées de la bande de Gaza après 11 jours de combats à distance. Il compte pour y parvenir sur l’acheminement d’une aide humanitaire internationale à Gaza et sur un effort massif en faveur de la reconstruction de l’enclave palestinienne.
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L’envoyé spécial américain a débarqué en Israël au lendemain d’une guerre entre l’État hébreu et le Hamas qui ne ressemble pas aux précédentes, celles de 2008 ou celle de 2014 par exemple. Les missiles palestiniens ont atteint des civils au centre du pays, à Tel-Aviv notamment. Et surtout, l’équation palestinienne a changé. Le gouvernement israélien est confronté dans les villes mixtes à des émeutes et des affrontements sans précédent entre Juifs et Arabes. Ils ébranlent la coexistence pacifique entre communautés.
Fin de la politique anti-palestinienne
À Jérusalem-Est, occupée depuis la guerre de 1967, les jeunes résidents palestiniens se soulèvent pour s’opposer à l’expulsion d’habitants au profit de colons, et afin de «défendre l’esplanade des Mosquées». «Il faut absolument restaurer le dialogue intérieur», a commenté Antony Blinken à l’issue de son entretien avec le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.
Après quatre mois de désintérêt pour la question israélo-palestinienne, le secrétaire d’État américain tourne la page de l’ère Trump. Le soutien des États-Unis à Israël reste inflexible mais il n’est plus aveugle. Antony Blinken réaffirme le droit d’Israël de se défendre contre toute agression. Il presse L’État hébreu d’accepter de laisser entrer régulièrement dans la bande de Gaza, soumise à un blocus depuis quatorze ans, une aide d’urgence via le point de passage des marchandises de Kerem Shalom. Cette aide comprend du matériel médical, de la nourriture, des médicaments et du carburant pour le secteur privé.
Israël conditionne l’ouverture à la restitution par le Hamas des dépouilles de soldats et à la libération de deux prisonniers de nationalité israélienne. Au-delà de ces revendications anciennes et formelles, des mécanismes sont créés pour acheminer les secours aux habitants sans qu’ils soient détournés à son profit par le mouvement islamo-nationaliste. La tâche devrait être confiée aux organisations internationales avec un contrôle en amont exercé par les Israéliens. Les deux parties sont en accord sur ce point.
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La tournée régionale du chef de la diplomatie américaine entérine aussi la fin de la politique anti-palestinienne promue sous la précédente administration de Washington. Les ponts sont rétablis avec Ramallah, capitale de l’Autorité palestinienne (AP). Le consulat américain à Jérusalem-Est va rouvrir, le soutien financier à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) rétablit, et le boycott des responsables palestiniens mis sous cloche.
Au cours d’un crochet par Ramallah, ville distance d’environ quinze kilomètres de Jérusalem, Antony Blinken a rencontré Mahmoud Abbas, le vieux chef de l’AP. Le secrétaire américain remet ainsi en selle le pensionnaire de la Mouqata’a, le siège présidentiel de l’AP, mais rien ne dit que son pouvoir va en sortir renforcé.
Mahmoud Abbas a perdu encore un peu plus de crédit en Cisjordanie avec la «guerre pour al-Aqsa». Ses compatriotes l’accusent de pactiser avec Israël, de ne servir que ses intérêts, ceux de son clan, et d’être inerte. L’unité apparue entre les Palestiniens des divers territoires de la région, autour du thème porteur de la sacralité du troisième lieu saint de l’islam ressoude l’identité palestinienne, mais cela s’est fait sur son dos.
L’influence de l’Égypte
La stratégie d’Antony Blinken vise à réintégrer l’Autorité palestinienne à Gaza d’où elle a été chassée en 2007 afin de marginaliser l’emprise du Hamas sur l’enclave et ainsi stabiliser la zone. Elle se heurte à un Hamas qui, bien qu’affaibli militairement, se sent le vent en poupe après ce qu’il considère comme une victoire.
Washington n’a aucun contact avec les maîtres de Gaza dont le mouvement figure en bonne place dans la liste noire des organisations terroristes. Antony Blinken ne peut s’appuyer que sur l’Égypte pour jouer le rôle de modérateur. Le Caire, qui exerce une influence grandissante dans le petit territoire palestinien, est sa prochaine étape.