Au début, c’est juste une petite voix. Elle suggère l’appel du large, de l’aventure, de l’expatriation, une fois tournée la page de la vie professionnelle. Elle se fait entêtante, à mesure que la fin de la période pandémique – espérons-le – approche. Mais comment être sûr de choisir le bon pays? Le Figaro a élaboré douze classements thématiques, permettant de bâtir un palmarès qui apporte des réponses concrètes aux retraités français. Il est question de l’aspect financier, bien sûr, mais aussi de la santé, de la sécurité, de la possibilité de se divertir, de s’insérer dans le tissu social, de rester en forme, d’avoir un quotidien enrichissant…
Nous avons sélectionné un panel de dix-sept pays. Exit les choix irrationnels et les destinations irréalistes parfois évoquées. Nous avons décidé de ne retenir que des destinations éprouvées, celles qui comptent :
Avec au moins 1000 retraités français vivent déjà sur place, selon les chiffres de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
Avec au moins 1 million d’habitants.
La sécurité et la stabilité du système politique sont les premières conditions pour une expatriation réussie. Nous avons choisi des pays sans risque particulier :
Avec au moins une zone verte dans le pays (vigilance normale) sur la carte de sécurité du ministère des Affaires étrangères.
Aucune guerre sur son sol dans les 20 dernières années.
Le classement général
C’est l’Espagne qui s’impose au regard de nos douze thèmes. Le pays n’a aucun réel défaut. Le coût de la vie et du logement y est bas. Le climat y est agréable. Peu de chances d’avoir le mal du pays. Sa gastronomie et sa scène culturelle sont reconnues. Enfin, le risque d’y adopter un mode de vie sédentaire y est faible. «On ne s’ennuie jamais. Il y a toujours des fêtes, des activités culturelles» , note Huguette Fourès, professeur de danse retraitée qui vit à Denia, entre Valence et Alicante, depuis quatre ans. «Les gens dans les petits villages se connaissent tous et vivent dehors. Ça crée une convivialité », pointe Guy, son époux, retraité de l’Éducation nationale. «L’intégration est facile au niveau de la langue », renchérit Huguette. Sans compter que les contingences administratives sont d’une simplicité enfantine.
Dans la suite du classement, la Grèce est talonnée par le Maroc. Deux pays aux conditions fiscales avantageuses pour les retraités. On a l’habitude de citer le Portugal en éternel Eldorado ; mais la fiscalité pour les retraités français n’y est plus si attractive depuis une loi promulguée en avril dernier. La qualité des soins est aussi un peu en deçà de nos attentes pour une place sur le podium. L’Île Maurice, ensuite, destination bon marché et paradisiaque, pâtit d’un système de santé perfectible, de son éloignement et d’une vie culturelle limitée.
Les classements intermédiaires
Pour calculer le coût réel de la vie, adapté à un expatrié, nous nous sommes basés sur l’index qui sert à calculer les émoluments des fonctionnaires de l’ONU. Il en ressort que la Pologne, le Maroc et l’Île Maurice sont les destinations où le retraité français aura le moins à puiser dans ses économies pour les dépenses courantes. Sans surprise, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, le Japon, et surtout la Suisse sont les pays les plus chers. Ces destinations doivent être réservées aux plus fortunés.
Bonus fiscalité. Évidemment, c’est important. Sans encourager à l’exil fiscal, nous avons valorisé (+5%) les deux destinations qui offrent les conditions les plus avantageuses aux retraités expatriés. Si l’exemption de CSG-CRDS vaut pour tous, il existe des cas bien spécifiques. À noter qu’au Portugal, depuis quelques semaines, la carotte fiscale est moins incitative. Les Français résidents sur les rives du Douro ne bénéficient plus de l’exemption totale pendant 10 ans, mais d’un taux forfaitaire de 10%. Le pays du fado n’obtient donc pas notre bonus, contrairement aux destinations suivantes, qui ont les dispositions les plus intéressantes :
La Grèce qui accorde aux retraités français un taux d’imposition de 7% sur les revenus.
Le Maroc, qui propose – si les revenus sont convertis en Dirham non convertibles – un abattement de 80% sur l’imposition.
La dépense liée à un logement ne se réduit pas au prix du foncier. L’Index des comparaisons internationales la Banque mondiale permet de se rendre compte des coûts réels d’un appartement ou d’une maison au quotidien, en incluant donc le tarif du m2 , mais aussi la facture d’électricité, de gaz, d’eau…
À ce jeu-là, c’est à l’Île Maurice que le retraité français aura le plus beau cocon. «S’il touche plus de 2200 euros par mois, seul ou en couple, il aura le permis de résidence et donc le droit de louer un logement sur le marché réservé aux Mauriciens. Il faut compter 400 à 500 euros par mois pour une villa d’environ 100m2 avec piscine, et une femme de ménage pour pas trop cher. La location est très abordable, explique Franck Maglott, créateur du site «Immobilier Île Maurice». Pour l’achat, c’est un peu plus compliqué, il faut compter au minimum 350.000 euros pour avoir le permis de résidence» .
L’étude du «Global Burden of Disease» publiée dans The Lancet , réalisée avant le Covid-19, permet de constater que sur le thème de la santé, les pays du nord de l’Europe – Pays-Bas, Suisse et Suède – se partagent les premières places avec l’Australie.
Le système médical hollandais est souvent mis à l’honneur dans les enquêtes internationales . Attention, car il est très différent de ce que l’on peut connaître en France et peut être déroutant. Le médecin généraliste a une importance capitale. Il est l’interlocuteur absolument obligatoire avant toute hospitalisation. Dans leur ensemble, les praticiens essayent souvent de ne pas avoir un recours systématique aux médicaments. «Les médecins néerlandais ont tendance à faire confiance aux capacités du corps humain, là où en France on automatise la prescription», explique Zeina, une habitante de La Haye. «Le système est plus égalitaire et plus humain que celui de la France, moins clientéliste, même si bien sûr il n’est pas parfait» , ajoute Anne-Laure, une habitante d’Utrecht qui a été bénévole dans une association de patients.
Sans surprise, c’est dans les pays méditerranéens que l’on a le plus de ciel bleu. À noter que l’Île Maurice, pays paradisiaque, doit quand même composer avec un hiver austral, entre mai et août, où les journées sont un peu plus grises. Les idées reçues ont la peau dure : le Canada n’est pas si loin derrière l’Italie.
Quand on s’expatrie, il y a toujours le risque de devoir rentrer en urgence en France. Nous avons donc comparé l’éloignement en avion de la capitale du pays d’expatriation, vers Paris. Même pour ceux qui ne vivraient pas dans ces régions-là, les hubs internationaux sont souvent des passages obligés.
À ce jeu-là évidemment, on ne fait pas mieux que Bruxelles (sans compter que le train est tout aussi pratique). À l’inverse, un déménagement en Australie, au Japon ou à l’Île Maurice ne se décide pas à la légère. Il faut prévoir de ne pas pouvoir rentrer en France sur un coup de tête.
«J’irai revoir ma Normandie …» Le mal du pays peut s’inviter et gâcher la fête. D’où l’importance d’avoir une communauté française établie, pour partager un morceau de camembert et une bouteille de Bourgogne. Nous avons calculé la part d’expatriés français officiellement recensés dans le pays, rapportée au nombre total d’habitants. Forcément, la Suisse et la Belgique, nos voisins, sont en tête. Mais on a la confirmation qu’à l’Île Maurice, au Royaume-Uni ou au Canada, on peut trouver des compatriotes (presque) à tous les coins de rue.
Tout le monde n’a pas la chance de maîtriser la langue de Shakespeare, sésame pour se faire comprendre dans le monde entier. Alors nous avons décidé d’offrir un bonus de 3% aux pays francophones ou francophiles. C’est-à-dire membres de l’organisation internationale de la francophonie (OIF). Ainsi, sont récompensés : le Maroc, l’Île Maurice, le Canada, la Suisse, la Belgique et… la Grèce. Ce dernier a lancé une politique de «re-francisation», via l’école. On estime que 4% des Grecs sont francophones.
Le plus grand danger pour un retraité ? La sédentarité et l’inactivité, qui ont un effet sur l’espérance et la qualité de vie . Nous avons donc comparé les chiffres en la matière, pour les différents pays de notre panel. Si les habitudes personnelles en la matière jouent, l’expatrié sera aussi influencé par le contexte global. Si les pays de nord de l’Europe dominent ce classement, on remarque que l’Espagne et la Maroc sont des pays où le risque de se laisser aller à lézarder à longueur de journée est réduit.
Ce n’est un secret pour personne. Nous, Français, aimons bien la bonne chère. Notre mère patrie regorge de lieux où l’art de la gastronomie tutoie des sommets. Le retraité Français peut vouloir découvrir son pays d’accueil par ses grands restaurants, histoire d’améliorer l’ordinaire, de fêter petits et grands moments. Nous avons calculé un ratio pour un million d’habitants de tables d’exception, recensées sur le classement La Liste. Il s’agit d’une sélection des 1100 meilleurs restaurants du monde, calculée sur la base d’avis de 600 guides gastronomiques et de milliers d’avis de clients. Globalement, c’est chez nos voisins (Suisse, Belgique, Espagne), que les épicuriens français se sentiront le plus à l’aise. L’Asador Etxebarri (à Atxondo, au Pays basque), le Mugaritz, à San Sebastian, et surtout le mythique «El Celler de Can Roca» à Gérone, figurent parmi les plus grands restaurants de la planète. Chez nos voisins Helvètes, le «Restaurant de l’hôtel de ville» de Crissier, trois étoiles au Michelin et noté 19/20 au Gault et Millau, est chaudement recommandé.
N’assiste pas à La traviata qui veut. Une touche de frustration peut poindre, chez certains, au regard de la vie culturelle et musicale de leur nouvelle destination. L’envie de lyrique doit pouvoir être rassasiée. Ainsi, nous avons calculé le nombre d’organisations professionnelles d’opéras et de musique classique pour un million d’habitants, dans chaque pays. Il s’agit des orchestres et des troupes reconnues à l’international, mais aussi des festivals. Bien sûr, Suisse, Italie, Allemagne mais aussi Pays-Bas sont bien représentés. Au Japon, à Maurice, ou au Maroc, il faudra s’ouvrir à d’autres genres musicaux. Ce qui – somme toute – est envisageable.
Enfin, une petite toile. Nous ne garantissons pas le nombre de films français, mais en Suède, en Grèce ou en Suisse, en Australie ou en Italie, il sera facile de trouver une salle. En Belgique, au Japon ou au Maroc, le 7e art est moins accessible. Et à Maurice, il faudra tabler sur les héros de Bollywood, extrêmement populaires sur l’île. Et puis sinon, il y a toujours Netflix !
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