J’ai rencontré Axel Kahn au salon du livre de Brive, début novembre 2017. Nous étions tous deux invités à dédicacer nos livres respectifs. Devant son stand, une file de fans s’étirait. Il avait un mot pour chacun, contait ses pérégrinations dans la France avec verve, se souvenait du suicide de son père, Jean Kahn, avec émotion.
Puis, il se levait, sautillant et joyeux, retrouvait des lecteurs rencontrés dans d’autres festivals ou sur les routes, serrait des mains, faisait la bise aux dames. Il ne manquait pas de se tourner vers moi pour recommander ma prose à ses aficionados, en leur mettant mes livres entre les mains.
« Il n’y a pas de vie sans virus »
Il était ainsi, Axel Kahn, tendre et généreux. Au fil des années, j’ai eu la chance de discuter avec lui, notamment de bioéthique. Ancien membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), il avait été commissaire du gouvernement, au début des années 1990, pour l’examen de la première loi de bioéthique.
Sur ces questions, ce scientifique de haut vol était incontestable. Je me souviens d’un long échange, dans un café parisien, à Odéon, pour un article sur l’anonymat du don de gamètes. L’entretien s’était transformé en un cours d’une limpidité extrême sur la génétique et l’épigénétique.
Au cours de la pandémie, je lui ai téléphoné à plusieurs reprises pour tenter de comprendre ce que nous traversions collectivement. « Il n’y a pas de vie sans virus », m’avait-il dit. Cette phrase toute simple, titre d’une longue interview dans le journal, avait curieusement suffi à m’apaiser.
« Ce qui existe, c’est la vie qui s’interrompt »
Durant toute la crise sanitaire, il a été sur le pont, porte-voix des personnes atteintes de cancers, en tant que président de la Ligue nationale contre le cancer. Il se démultipliait pour porter un message : n’oublions pas les plus vulnérables fragilisés par la pandémie. Fin février, je l’ai interviewé pour une couverture du journal quelques jours avant la publication de « Et le bien dans tout ça ? » (Stock), livre testament, rempli d’humanisme, dont il m’avait dit, avec un grand rire plein de joie, qu’il l’avait écrit pour les lecteurs de La Vie.
De sa maladie, alors, il n’avait rien laissé paraître. Et pourtant, déjà, il savait sa fin proche. Sur France 5, dans la Grande librairie, ces jours-ci, il est apparu amaigri et épuisé pour dire encore une fois son goût de la vie, pied de nez final à la camarde : « Ce qui existe, c’est la vie qui s’interrompt (…). La mort en tant que telle pour un agnostique comme moi ce n’est pas plus que la fin de la vie. » Digne et courageux jusqu’au bout.