L’événement a des allures de chant du cygne pour une institution à la fois très soutenue et très critiquée. Jeudi, Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur chargée de la Citoyenneté, recevait Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, président et rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, pour la présentation de leur rapport annuel et pour «leur avis sur le projet de loi confortant les principes de la République». Des «échanges riches et intéressants», a précisé la ministre sur les réseaux sociaux. Des échanges aussi sans lendemain puisque, dans quelques semaines, et sauf retournement de situation, Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène ne devraient plus être en charge de cette structure qui, sans doute, va changer de forme.
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Le 13 décembre, Marlène Schiappa précisait avoir «fait des propositions au premier ministre pour faire évoluer l’Observatoire, pour renforcer le rôle d’une structure qui ne serait pas forcément un observatoire mais une structure qui porterait la parole de l’État.» Elle avait noté que les deux responsables finiraient leur mandat le 2 avril et ne seraient pas reconduits. Ces propos intervenaient après une polémique née dans les jours suivant la décapitation de Samuel Paty. Veillant bien à ne pas personnaliser le débat, les services de Jean Castex avaient fait connaître, en «off», «la volonté du premier ministre de renouveler [l’Observatoire] afin qu’il soit davantage en phase avec la stratégie de lutte contre les séparatismes». Jean-Louis Bianco avait dénoncé une «chasse aux sorcières dans les médias». Accusé de longue date d’être partisan d’une laïcité «apaisée», et arrangeante ajoutent ses adversaires, l’ancien ministre de François Mitterrand précisait que l’Observatoire «n’adjective jamais la laïcité et rappelle très strictement le droit».
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De facto, la décision du gouvernement sonne comme un désaveu d’une ligne jugée trop conciliatrice et trop centrée sur des explications sociales de l’islamisme. La première des 20 actions proposées dans le rapport annuel 2019-2020 est ainsi de «renforcer la mixité sociale et la mixité scolaire». Une autre vise à «ne pas occulter le passé colonial et prendre en compte toutes les cultures présentes sur le territoire de la République dans leur contribution à l’affirmation de la citoyenneté commune».
Deux priorités
D’autres propositions épousent en revanche des sujets au cœur du projet de loi «confortant les principes républicains» (transparence et contrôle de l’origine des financements, contrôle financier effectif des associations loi 1905 et 1901, contrôle de l’enseignement à domicile…). Mais, auditionné le 6 janvier par la commission spéciale de l’Assemblée nationale sur le projet de loi, Jean-Louis Bianco avait insisté sur deux priorités: une meilleure formation à la laïcité, notamment des enseignants, et une meilleure «mixité sociale, scolaire et l’intégration». «Tant qu’il y aura un développement séparé, avait-il estimé, il y aura une pression sociale et même politique de ceux qui veulent utiliser leur vision d’une religion pour prendre le pouvoir sur la loi démocratique.» Le président de l’Observatoire n’avait fait aucune allusion à son futur départ et aux derniers jours de l’institution.