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… nous trouverons bien quelqu’un pour se plaindre de la chaleur.
On se plaignait du mauvais temps, maintenant que le soleil est de retour, nous trouverons bien quelqu’un pour se plaindre de la chaleur. Mais si le thermomètre monte depuis hier à Paris, nous – Français du XXIe siècle -, ne sommes pas forcément les premiers à en faire les frais. Il y a un siècle de cela, Paris s’est vue balayer par un sirocco, ce vent chaud et sec qui traumatisa apparemment un journaliste du Figaro. Lisez plutôt ce qu’il en dit.
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Dès 1921, Le Figaro s’inquiète des effets de la canicule. 21550982/Tilio & Paolo – stock.adobe.com |
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Un Sirocco à Paris |
On ne sait pas bien ce qui se passe -présentement dans le ciel, mais il faut penser que Lénine y a délégué un de ses suppôts, qui a détrôné le Père Éternel, et affolé la Rosé des Vents. Jusqu’ici, les météorologues, se targuaient de prédire le temps vingt-quatre heures à l’avance. Pas plus de vingt-quatre heures, mais vingt-quatre heures. Aujourd’hui, quoi ? Que se passe-t-il ? Les voici qui regardent vainement leur baromètre. Annoncent-ils de la pluie ? Elle ne tombe point. Des orages? Le firmament reste pur. Et pas un seul d’entre eux n’avait prévu le sirocco qui a soufflé hier sur Paris.
Nous étions bien tranquilles. Il faisait chaud, c’est entendu. Il faisait même extrêmement chaud. Mais nous commençons à nous résigner, et la canicule, si j’osais employer cette expression mensongère, nous laisse froids. Nous savons que nous inspirons aux riverains du golfe Persique une jalousie légitime. Nous n’en concevons aucune fierté la France est un grand pays. Donc, nous étions bien tranquilles tenant dans toutes nos poches des linges mouillés, et à notre cou, un autre linge mouillé, et sur notre torse, une chemise mouillée.
Soudain, vers deux heures, voilà un horrible mugissement dans les cheminées. Voilà tous les volets qui battent, voilà tous les chapeaux qui s’envolent. Les chapeaux des hommes, bien entendu, car aucune tempête n’a jamais pu remuer d’un pouce un chapeau de femme, fut-il orné des plumes les plus altières ou des fleurs les plus fragiles, et voire de quelques oiseaux. Voilà qu’un vent formidable souffle dans les rues, et que les ménagères, se ruant sur les fenêtres, les ferment en disant : «II va y avoir de l’orage.»
De l’orage? Aucun orage. Pas le moindre nuage n’apparut. Une haleine de forge brûlait les visages. C’était le vent ,oui, mais un vent qu’on n’a jamais senti à Paris, un vent d’Afrique, un vent… qui terrifie l’Arabe sous sa tente. Enfin, le sirocco, ou bien le simoun. Car nous ne savons pas encore quelle différence le simoun du sirocco, et même s’il y a une différence. Mais, pour peu que le bolchevisme céleste continue, nous nous instruirons.
Allah ! O Mahomet Vers toi je tends les bras. C’est le Simoun qui s’avance là-bas.
Ainsi chantaient nos grands-pères. Mais nous n’avions pas envie de chanter. Rien ne donne moins envie de chanter que le simoun, même s’il -est un sirocco. À peine a-t-on ouvert la bouche qu’une coulée de feu descend dans votre larynx. Ce n’est pas le moment de dire Allah! ni même, IIlih! à la manière des ténors.
Au bout de deux heures, ce vent a bien voulu se calmer. Nous avions la peau sèche, les yeux brûlés, et une soif qu’il vaut mieux ne pas décrire, pour ne pas chagriner les quelques tempérants qui peuvent survivre aux caprices du ciel. Attendons quelques heures encore. À minuit, le thermomètre ne marque guère que vingt-quatre degrés, de quoi inspirer la quiétude aux vers à soie. On pense que les météorologistes vont pouvoir, à la faveur de la nuit, imaginer une explication, dont nous rirons. Le vrai, c’est que Lénine est au ciel. Puisse-t-il y demeurer toute l’éternité. Ainsi soit-il!
Bridaine