Au-delà de la révolte immédiate, voici le parcours d’une âme qui transite par le désespoir pour réintégrer la Patrie, au sens soufi de watan :
« N’est-ce pas parce que nous cultivons la brume ? Nous mangeons la fièvre avec nos légumes aqueux. Et l’ivrognerie ! Et le tabac ! Et l’ignorance ! Et les dévouements ! – Tout cela est-il assez loin de la pensée de la sagesse de l’Orient, la patrie primitive ? Pourquoi un monde moderne, si de pareils poisons s’inventent ! » (Une saison en enfer)
Loin de nier Dieu, c’est dans le creux de la négativité qu’il L’affirme au paroxysme. Et aussi, de façon plus culturelle, dans son rejet de la morale chrétienne qui n’est pas sans rappeler les invectives de Nietzsche. Pour Stéphane Barsacq, le recueil des Illuminations est « moins un Contre-Évangile qu’un nouvel Évangile ». Quant à Une saison en enfer, elle porte les stigmates, les paradoxes, qui saisissent les mystiques dans leur lutte intérieure entre l’ange et le diable :
« J’envoyais au diable les palmes des martyrs, les rayons de l’art, l’orgueil des inventeurs, l’ardeur des pillards; je retournais à l’Orient et à la sagesse première et éternelle – Il paraît que c’est un rêve de paresse grossière !
Pourtant, je ne songeais guère au plaisir d’échapper aux souffrances modernes. Je n’avais pas en vue la sagesse bâtarde du Coran.
Parfois la vision s’apaise :
Nous allons à l’Esprit. C’est très certain, c’est oracle, ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m’expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire (…)
…Dieu fait ma force et je loue Dieu…
Si Dieu m’accordait le calme céleste, aérien, la prière, – comme les anciens saints. – Les saints ! Des forts ! »
Ici, des accents soufis, comme autant d’« allusions » (ishâra) :
« La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde.
Ô pureté ! pureté !
C’est cette minute d’éveil qui m’a donné la vision de la pureté ! – Par l’esprit on va à Dieu !
Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes. » (Une saison en enfer)
Gilberte Maurice, médium malgré elle, m’a envoyé un texte qui lui aurait été dicté par Arthur Rimbaud le 23 novembre 1992 – je ne la connaissais pas avant son courrier du 1er janvier 2017. Je ne fais que transmettre :