C’est le temps de déchausser les crampons. Après huit ans à la tête de l’Observatoire de la laïcité, respectivement comme président et rapporteur général, le duo Jean-Louis Bianco-Nicolas Cadène rend les clés ce 4 avril, leur deuxième mandat arrivant à son terme. Mais la maison est en ruines. Comme l’a indiqué Marlène Schiappa au Sénat le 31 mars, l’instance consultative pourrait disparaître dans les prochaines semaines.
Il faut dire que depuis 2013 les deux compères se sont surtout illustrés par leurs sorties plutôt accommodantes vis-à-vis des intégrismes religieux. À défaut d’en pleurer, on s’est quand même bien amusés. Alors pour leur pot de départ, Marianne en a fait un florilège (non exhaustif).
15 NOVEMBRE 2015 : UNIS AVEC LE CCIF
Prophètes en leur pays, Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène pratiquent l’inclusivité jusqu’aux cercles pas franchement copains avec la laïcité. “L’heure est à la Fraternité” scande la tribune intitulée “Nous sommes unis” que le duo signe le 15 novembre 2015 dans Libération, deux jours après les attentats qui ont frappé la capitale. Mais petit couac : parmi les signataires figure le président du controversé Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF), dissous au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty. Étonnant de la part d’un Observatoire censé défendre la laïcité. “Concernant la tribune Nous sommes unis, qui date de 2015 : il suffit d’aller sur son site Internet pour constater que cette tribune n’émane pas de l’Observatoire de la laïcité” rappelle Bianco dans un communiqué d’octobre 2020. N’attend-on pas d’un organe public, censé être spécialiste de la lutte contre le fanatisme, qu’il s’enquiert de qui a signé un texte avant de s’y joindre ?
6 JANVIER 2016 : CADÈNE, LE TWITTOS QUI CHOISIT SES CIBLES
“La vraie vie, ce n’est pas Twitter ou Facebook.” Voilà ce qu’écrit le communiqué mentionné plus haut. Peut-être aurait-il fallu le dire plus tôt à Nicolas Cadène, utilisateur effréné du réseau social à l’oiseau bleu, n’hésitant pas à tapoter sur son clavier pour s’en prendre à Élisabeth Badinter. Le haut fonctionnaire n’hésite pas à charger frontalement la philosophe, engagée dans la lutte contre l’islamisme depuis plusieurs décennies. Invitée de France Inter le 6 janvier 2016, celle-ci avait notamment alerté des risques que font peser les accusations d'”islamophobie” sur la libre critique des religions : “Il faut s’accrocher et il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe, qui a été pendant pas mal d’années le stop absolu, l’interdiction de parler et presque la suspicion sur la laïcité. À partir du moment où les gens auront compris que c’est une arme contre la laïcité, peut-être qu’ils pourront laisser leur peur de côté pour dire les choses.“
Tweet de Nicolas Cadène : “Quand 1 travail de pédagogie de 3 ans sur la #laïcité est détruit par 1 interview à @franceinter d’1 personne. À quand 1 vrai débat clair ?“
On avait bien compris que le rapporteur général n’était pas très sensible à la vision universaliste de la laïcité incarnée par Élisabeth Badinter. Il aurait au moins pu mettre les formes. Résultat : quelques jours plus tard, une pétition appelle à la démission de Jean-Louis Bianco.
2017 : PERDRE LA FACE DANS UNE PRÉFACE
Dans leur compagnonnage, Bianco et Cadène savent surprendre. Ce fut le cas en 2017 en préfaçant l’ouvrage Outils pour maîtriser la laïcité de l’avocat Asif Arif. Or, comme nous l’expliquions dans un précédent article, celui-ci s’est distingué au cours d’une émission sur internet en 2015 en demandant à l’un de ses invités “comment expliquer à sa fille les bienfaits du voile“. Une vision plutôt très ouverte de la laïcité.
AOÛT 2018 : LA LOI RIEN QUE LA LOI
À l’été 2018, une campagne publicitaire de la marque Gap importée des États-Unis fait polémique : elle met en scène une enfant voilée. Une pétition intitulée “Le voile n’est pas un jeu d’enfant !” recueille plusieurs milliers de signatures. Mais Nicolas Cadène, adepte d’une lecture strictement juridique de la laïcité, se contente dans Le Parisien d’indiquer que la campagne n’est pas contraire à loi. La loi rien que la loi. Qui de la lutte contre la promotion du voile en tant qu’étendard des musulmans, plébiscité par les tenants de l’islam politique ? Ou de la protection des enfants contre le prosélytisme ? Sans doute avait-il alors perdu le mot de passe de son compte Twitter.
2019 : SIGNES RELIGIEUX OSTENTATOIRES, LA SUITE
En 2019 rebelote sur les signes religieux. Bianco et Cadène savent formuler des propositions détonantes. Consulté en 2019 sur le futur service national universel (SNU) par Gabriel Attal, alors secrétaire d’État, l’Observatoire, usant d’arguties juridiques suggère que le principe d’interdiction des signes religieux ostensibles valable à l’école publique ne s’applique pas tel quel aux jeunes de 14 à 16 ans lors des quinze jours en internat que prévoit le projet de SNU. Alors même que la mesure, en vigueur à l’école depuis la loi de 2004, est censée protéger les enfants de tout prosélytisme.
Observatoire de la laïcité : mais qui protège le duo Bianco-Cadène ?