Léon Ier (440-461)
Saint et docteur de l’Église catholique, le plus grand pape de l’Antiquité est un pourfendeur d’hérésies, un avocat de l’Incarnation et un habile politique, négociant avec Attila, qu’il convainc de faire demi-tour, puis avec les Vandales, dont il obtient qu’ils limitent leurs exactions lors du pillage de Rome. Surtout, il développe l’autorité de la papauté pétrinienne en organisant l’Église autour du pape à Rome – un pape qui se substitue au pouvoir impérial défaillant et parvient à sauver l’unité en pleine décadence romaine.
Grégoire Ier (590-604)
Père et docteur de l’Église, il rêve d’être moine, mais les Romains le placent sur le trône de Pierre pour lutter contre la décadence des mœurs ecclésiales. Pur produit de la civilisation romaine de son temps (c’est un érudit, qui a été préfet de la ville et baigne dans un climat de renouveau culturel), il fait la transition entre l’Antiquité et le Moyen Âge, ouvrant le monde romain du VIe siècle vers l’Angleterre et l’Europe du Nord, où il envoie des missions. En pensant vivre la fin d’un monde, il en prépare un autre.
Grégoire VII (1073-1085)
Ancien moine de Cluny, il est connu comme l’auteur de la « réforme grégorienne », qui crée la papauté impériale. Il veut moraliser les mœurs ecclésiastiques et renforcer l’indépendance de l’institution face aux souverains : il a la main sur les nominations des évêques et les abbés, ce qui lui vaut la « querelle des investitures », contre Henri IV. Il condamne la simonie (trafic des biens d’Église) et impose le célibat aux prêtres, avec un succès relatif : la féodalisation du clergé encourage en effet la création de dynasties cléricales.
Innocent III (1198-1216)
Il porte la revendication d’une papauté impériale, moins vassale du pouvoir politique, à son apogée : le pape n’est pas un évêque qui aurait un statut un peu plus clinquant que les autres, mais un représentant du Christ, là où les évêques sont des représentants des apôtres. Pour bien marquer les esprits, il ne se dit plus « vicaire de Pierre » mais « vicaire du Christ ». Ainsi, il impose son autorité sur l’épiscopat, mais aussi sur les souverains, affirmant la supériorité du spirituel sur le temporel, dans la foulée de Grégoire VII.
Boniface VIII (1294-1303)
Boniface VIII (1294-1303)
À travers son violent affrontement avec Philippe le Bel, il est le symbole d’une papauté mise en échec. Arrivé après Célestin V, qui a renoncé à être pape, il est accusé de l’avoir poussé à la démission par des cardinaux et des partisans du roi. La tension monte quand ce dernier veut prélever une nouvelle taxe sur les biens du clergé et qu’il s’oppose à la nomination d’un évêque par le pape… Boniface VIII finit par être arrêté dans sa chambre. C’est le début d’une nouvelle ère, marquée par le renforcement des royaumes face au pouvoir pontifical.
Jean XXII (1316-1334)
Grand pape de l’époque avignonnaise, dont l’élection est ardue, après deux années sans pape. Très politique, Jean XXII n’a pas toujours une bonne réputation – il imite la politique de Charles IV le Bel en spoliant les Juifs d’Avignon. Au même moment, il fait de la ville provençale la résidence permanente des papes, bâtit sans relâche et met en place une administration et un pouvoir capables de se connecter à l’ensemble de l’Europe, créant les rouages d’un gouvernement central.
Jules II (1503-1513)
Il est l’incarnation de la Renaissance dans tous ses aspects : il pose la première pierre de la basilique Saint-Pierre de Rome, protège les artistes et surtout Michel Ange, crée la garde suisse pontificale… mais il est aussi associé à une certaine forme de népotisme et de corruption. Pape soldat (on le surnomme Jules César II), il n’hésite pas à éliminer César Borgia, les Vénitiens puis les Français de la Romagne et du Milanais, réussissant à accroître le territoire des États pontificaux.
Pie V (1566-1572)
En réponse aux dérives de la Renaissance et aux défis protestants, ce dominicain, qui a été grand inquisiteur – son pontificat sera en grande partie occupé à la lutte contre les hérésies, et c’est lui qui crée l’Index, liste des œuvres jugées hérétiques –, participe avec le concile de Trente à la refondation de l’Église. Il jette les bases d’un modèle de pape pasteur, qui veut restaurer la piété et fait traduire le catéchisme officiel en plusieurs langues, qui n’est plus tout à fait celui de prince de la Renaissance.
Pie VII (1800-1823)
Pape de l’après-Révolution (son prédécesseur Pie VI est mort en captivité à Valence et a été enterré civilement), mais surtout un des principaux opposants à Napoléon, avec qui il négocie, esquive. L’Empereur le somme de venir pour son couronnement, fait occuper Rome et annexer les États pontificaux à l’Empire, le fait arrêter (en pleine nuit, avec son Secrétaire d’État-, puis emprisonner à Fontainebleau. Il rentre à Rome et récupère les États pontificaux, une fois Napoléon défait.
Pie X (1903-1914)
Il incarne la difficile transition vers la modernité. Réformant le droit canonique (l’Église lui doit son Code de droit canonique), la curie et la liturgie, il participe à un mouvement de centralisation crucial. Cette dimension réformatrice est souvent occultée par sa réputation de conservateur, due à la lutte acharnée qu’il mène contre « l’hérésie moderniste », dans le contexte mouvementé du début du XXe siècle, et ce, bien que le poète Apollinaire ait pu écrire de lui qu’il était « l’Européen le plus moderne ».
Jean XXIII (1958-1963)
Après le hiératique Pie XII, qui arborait encore une posture monarchique à l’ancienne – le grand vaticaniste de l’époque, Robert Serrou, lui avait consacré une biographie intitulée Pie XII. Le pape roi (Perrin, 1992) –, Jean XXIII, « le bon pape Jean », est le premier pape de l’ère contemporaine. Le lancement du concile Vatican II, dont il ne voit pas la fin, en 1965, le fait définitivement entrer dans l’Histoire comme pasteur universel, réconciliant l’Église avec la modernité.