À New York
Vengeur, sans regrets et volontiers révisionniste, le secrétaire à la Défense déchu de l’Administration Bush, Donald Rumsfeld, revient pour la première fois sur le devant de la scène depuis 2006, avec ses Mémoires publiés mardi aux États-Unis. Dans Choses connues et choses inconnues, titre effronté évoquant l’une de ses fameuses expressions sur Saddam Hussein et les armes de destruction massive – «Il y a ce qu’on sait et ce que l’on ne sait pas. Il y a ce que l’on sait ignorer et ce que l’on ne sait pas qu’on ignore» -, l’ancien chef du Pentagone justifie avec force la guerre en Irak.
Dans son livre de 870 pages, Rumsfeld écrit: «Je ne passe pas beaucoup de temps à réexaminer les décisions que j’ai prises.» Il reconnaît bien, à contrecœur, quelques erreurs, entre le fiasco des armes de destruction massive (ADM) introuvables, le relâchement dans la traque d’Oussama Ben Laden et la diminution hâtive des troupes après l’invasion de l’Irak. Mais il fait surtout porter le blâme aux autres, en particulier à Condoleezza Rice et à Colin Powell.
Rumsfeld jette ainsi une lumière nouvelle sur les dysfonctionnements de l’Administration Bush et les profondes dissensions entre le Pentagone et le département d’État à l’époque. «Il y avait trop de mains aux commandes», écrit-il. Selon lui, Condoleezza Rice, conseillère à la Sécurité nationale à l’époque, personnalité «académique», a-t-il rappelé avec condescendance dans une interview télévisée lundi, manquait de compétences et était trop loyale envers le président. Les réunions, raconte «Rumstud» – comme le surnommait George Bush en référence à son côté macho -, étaient désorganisées. «Le Conseil de sécurité nationale ne faisait pas du bon boulot», écrit-il, livrant moult détails sur sa rivalité avec «Condi» dans la gestion de l’occupation.
«Une erreur de langage»
Il n’est pas moins piquant sur l’ancien secrétaire d’État Colin Powell, bien qu’il prenne sa défense à propos de la fameuse «leçon» sur les armes de destruction massives à l’ONU. «Il y avait beaucoup de fuites et le président le savait. Cela n’aidait personne. Cela donnait une bonne image du département d’État, mais nous n’avions pas ce genre de méthode au Pentagone, j’y tenais», a-t-il lâché sur la chaîne ABC.
L’ancien chef du Pentagone tient pour seuls responsables des mensonges sur l’existence d’ADM la CIA et son ancien patron, George Tenet. Il est aussi remonté contre l’administrateur civil de l’Irak Paul Bremer, qui le contournait pour rendre compte directement au président. Même les généraux sont épinglés, et jusqu’à George W. Bush lui-même, «qui n’a jamais demandé pendant les préparatifs si la guerre était une bonne décision». «Rummy» regrette certes une ou deux expressions maladroites comme «ces choses-là arrivent», à propos du pillage du musée de Bagdad, et «nous savons où elles sont», en parlant des ADM. «Une erreur de langage», dit-il aujourd’hui pour qualifier la justification d’une guerre qui a déjà coûté plus de 700 milliards de dollars, fait 4000 morts chez les militaires américains et des centaines de milliers de victimes en Irak.
A posteriori, le personnage le plus emblématique de l’arrogance de l’Administration Bush estime aussi qu’il aurait dû démissionner après le scandale des tortures dans la prison d’Abou Ghraïb.