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et se projette dans la présidentielle
ANALYSE – Après la déroute de son camp aux élections, le chef de l’État prépare la dernière année de son mandat.Par François-Xavier Bourmaud et Arthur BerdahPublié hier à 19:29, mis à jour hier à 21:01
Il se voyait acteur incontournable, il ne sera que spectateur passif. Dimanche soir, c’est depuis le premier rang qu’Emmanuel Macron assistera au second tour des élections régionales. Impuissant. Laminée au soir du premier tour, la majorité présidentielle n’a plus aucun espoir d’emporter une région, encore moins de peser dans l’élection. Pour le président de la République c’est un revers.À découvrir
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Il espérait a minima jouer les faiseurs de roi en apportant son soutien aux listes, ici de droite, là de gauche, confrontées à la menace du Rassemblement national ; personne n’a finalement besoin de lui. À commencer par ceux qui espèrent l’affronter l’année prochaine à l’élection présidentielle: Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez. Arrivés tous les trois largement en tête dans leur région respective, ils comptent sur leur réélection pour se lancer à l’assaut de l’Élysée en 2022. C’est bien l’un des rares motifs de satisfaction pour Emmanuel Macron: dès dimanche soir, la bataille va s’engager à droite pour tenter de départager les trois prétendants. Avec une éventuelle guerre des chefs à la clé. À défaut d’avoir affaibli la droite comme il l’espérait, le chef de l’État gagne donc du temps.
Quant à la gauche, c’est d’un œil dubitatif qu’il observe les tentatives d’union entre les socialistes, les écologistes et les Insoumis. Dans les régions où ces trois composantes se sont rassemblées dès le premier tour, elles n’ont pas permis de faire de différence notable. Et entre les deux tours, les appels en faveur de Valérie Pécresse lancés par l’ancien premier ministre Manuel Valls et l’ex-président PS de la région Île-de-France, Jean-Paul Huchon, sont venus surligner l’existence de deux gauches irréconciliables.
Au titre du «barrage»
Reste le Rassemblement national. La vraie préoccupation du chef de l’État. Sorti très affaibli du premier tour, le parti de Marine Le Pen garde toujours l’espoir d’inverser la tendance au soir du second. Que son candidat Thierry Mariani l’emporte en Provence-Alpes-Côte d’Azuret le RN pourra alors se prévaloir d’avoir réalisé un exploit électoral: remporter une région pour la première fois de son histoire. Et renouer avec la dynamique qui le portait jusqu’au soir du premier tour, avant sa contre-performance sur l’ensemble du pays. Idem en Bourgogne-Franche-Comté, où Julien Odoul ne désespère pas de réussir à créer la surprise. Ironie de l’histoire: s’il parvient à déjouer les pronostics et à détrôner la socialiste sortante, Marie-Guite Dufay, arrivée en tête au premier tour, ce sera grâce – ou à cause, c’est selon – du maintien de la liste LREM, dont le candidat macroniste, Denis Thuriot, a refusé de se retirer au titre du «barrage». Une décision encouragée par l’état-major parisien du mouvement présidentiel, qui trahit les doutes et les hésitations de la majorité dans ce scrutin.
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Il faut dire que la déroute des Marcheurs aux élections régionales s’inscrit dans la continuité de celle enregistrée l’année dernière lors des municipales. Perturbées elles aussi par la crise sanitaire, ces élections avaient souligné la persistance dans le pays de la droite et de la gauche, malgré la tentative d’Emmanuel Macron de mettre en place un nouveau clivage entre progressistes et nationalistes. Comme aux municipales de l’année dernière, les présidents de région en place ont bénéficié cette fois d’une «prime aux sortants». Et comme aux municipales de l’année dernière, les partis en place ont bénéficié de leur ancrage local. Mais au bout du compte, la lecture du scrutin est brouillée.
L’abstention massive des électeurs laisse planer le doute sur leurs intentions pour l’élection présidentielle de 2022. Colère? Rejet? Désintérêt? Emmanuel Macron, qui a promis en Conseil des ministres de tirer les enseignements de cette sécession démocratique, observera de près les chiffres de la participation dimanche soir. Puis il s’efforcera de tourner au plus vite la page de ce mauvais scrutin pour lui.Le chef de l’État veut redonner de la profondeur de champ à son mandat. Et se replacer au centre des débats
Dès lundi, il veut enclencher la suite en renouant avec ses fondamentaux: les réformes au pas de charge. Il se donne jusqu’à la fin de son tour de France, cet été, pour procéder aux derniers arbitrages sur les chantiers à lancer dès la rentrée. D’ici là, le président de la République veut esquisser, par touches impressionnistes, le cap qui guidera la fin de son quinquennat et le projettera directement dans la campagne présidentielle.
Visite sur le site de la future usine de batteries électriques d’un grand groupe chinois à Douai (Nord), dans les Hauts-de-France, sur les terres de Xavier Bertrand qui est invité. Réception de 150 grands patrons français et internationaux à Versailles pour une nouvelle rencontre Choose France. Inauguration des nouveaux locaux parisiens de la banque américaine JPMorgan… Le chef de l’État veut redonner de la profondeur de champ à son mandat. Et se replacer au centre des débats.
«Une piste de travail parmi d’autres»
La preuve? Emmanuel Macron réfléchit à réunir de nouveau le Parlement en Congrès à Versailles, au mois de juillet. «C’est toujours une piste de travail parmi d’autres», indique un proche. Après son élection, il s’était engagé à convoquer ce rendez-vous une fois par an. Mais cette éphémère tradition du début du quinquennat a fait long feu, sacrifiée en 2019 sur l’autel de la crise des «gilets jaunes», du grand débat, puis du Covid-19. Le chef de l’État en avait pourtant fait un événement majeur dans son calendrier. Au point que les conseillers chargés de rédiger ses discours en parlaient à l’époque comme de «l’exercice le plus difficile». Et pour cause, cela implique d’avoir des choses à dire et à annoncer. Comme une sorte de «bilan et perspectives», selon la formule consacrée, à moins d’un an de l’élection présidentielle. Avec peut-être un remaniement en parallèle? Comme une dernière occasion, aussi, de planter le décor sur le fond avant la dernière ligne droite. Et sans doute de réinstaller son face-à-face avec Marine Le Pen.
Car si les élections régionales ont permis à la droite de faire émerger des candidats susceptibles de perturber le duel annoncé entre les deux finalistes de 2017, la marche reste haute. Comme si un autre clivage était progressivement apparu à la faveur des élections intermédiaires: le local, où les partis traditionnels résistent ; et le national, où la recomposition semble plus avancée.
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