En France, l’islam turc s’organise autour de deux fédérations principales – Ditib et Millî Görüs – auxquelles s’ajoute la Fédération de l’union des alévis de France (FUAF), qui représente une branche mystique de l’islam aujourd’hui marginalisée par Ankara et pesant 20% à peine des 500 à 700 000 Français d’origine turque.
Au sein de cette communauté, Millî Görüs gère 71 lieux de culte à Paris, Lyon, Annecy, Strasbourg, Orléans, Avignon. Pour la seule Île-de-France, elle revendique gérer officiellement neuf établissements — école, centre culturel ou mosquée — à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Corbeil-Essonnes, Grigny, Ris-Orangis (Essonne), Poissy, Mantes-la-Jolie (Yvelines), Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), Sarcelles (Val-d’Oise) et Paris.
Sans doute pour plaisanter, le secrétaire général de la branche française ne cesse de clamer qu’il aime la laïcité à la française, qu’il veut que l’État traite l’Islam comme le catholicisme, que son mouvement n’obéit à aucun État étranger, fût-il turc, et que le renvoyer à ses origines est du racisme
Cela rappelle que Millî Görüs France est une confédération. Elle appartient elle-même à Millî Görüs Europe, qui revendique 100 000 adhérents sur le continent. Sans doute pour plaisanter, le secrétaire général de la branche française ne cesse de clamer qu’il aime la laïcité à la française, qu’il veut que l’État traite l’Islam comme le catholicisme, que son mouvement n’obéit à aucun État étranger, fût-il turc, et que le renvoyer à ses origines est du racisme. Millï Görüs France n’est soumis qu’à Millî Görüs Europe, c’est juré. Cela étant dit, il suffit de préciser que la branche européenne est noyautée par le parti du président Turc pour que la petite plaisanterie soit évacuée.
La branche française a pour but l’organisation de ses 6 fédérations régionales qui organisent ses 60 associations lesquelles assurent la gestion quotidienne des bâtiments et activités. L’association ne publie pas ses comptes. Mais on sait que, côté fidèles, l’assemblée générale 2020 du mouvement a compté 63 776 personnes dans ses lieux de culte. C’est 10 à 15% des Franco Turcs. La même assemblée a dénombré 19 333 adhérents à jour de cotisation, en croissance de 28% par rapport à 2014. Point notable : les recettes se sont élevées à 1 054 726 euros en 2019. Or, le montant des cotisations, indexé sur l’âge, est de 10, 15 ou 20 €. Si vous multipliez les nombre des cotisants par 20 €, vous n’arrivez pas aux recettes annoncées. Quel est le truc ? Les Turcs en ont deux.
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En premier lieu, les cotisants ne le sont pas tous. A proprement parler, l’association ne compte que 3 000 adhérents. Les 16 000 autres forment une catégorie à part. C’est ce que vous dira un des sites web de l’association, consacré à son fonds obsèques. Si vous voulez être enterré dans votre pays d’origine et ne souhaitez pas laisser la charge financière du rapatriement de votre dépouille à votre famille, vous pouvez cotiser chaque année à ce fonds. C’est lui qui se chargera de tout. L’Incorrect a parcouru les conditions générales, et il est peu de dire qu’elles sont amusantes. Le fonds précise qu’il n’est pas une assurance et qu’il n’y a pas de reconnaissance de droit. Les cotisations ne sont pas une épargne. Le fonds peut donc aider votre famille, ou pas. C’est du genre risqué. Et puis le montant peut varier chaque année. D’ailleurs, il y a bien eu une augmentation de 26% entre 2020 et 2021, pour arriver à 59 €. Millî Görüs a l’air d’avoir eu besoin de monnaie.
L’autre truc, ce sont les voyages. Initialement, l’association a été fondée en 1968 pour organiser le Hadj, le pèlerinage à la Mecque des travailleurs turcs en France. Millî Görüs possède sa propre structure, dotée de toutes les assurances voyages et autres tampons réglementaires, pour emmener ses troupes en territoire saoudien. Évidemment, il y a des faux frais, avec des équipes permanentes à la Mecque, Médine et Jeddah.
Réconciliez adhésions, obsèques et voyages, et vous arrivez au chiffre annoncé, largement de quoi financer plusieurs dizaines d’employés.