C’est une inquiétude qui monte au fur et à mesure que s’égrènent les informations sur les variants, leur prolifération, les risques qu’ils font peser sur l’efficacité des vaccins… Et tout à coup, cette idée que nous nous berçons peut-être d’illusions en nous imaginant que nous allons tous finir par nous vacciner, que cette fameuse « immunité collective » sera atteinte (« au mois d’août » nous promet Olivier Véran) et qu’enfin la parenthèse cauchemardesque se refermera. Ne serait-il pas temps de sortir du déni ? Le risque est non négligeable que nous vivions, dans les deux ans, les trois ans, les cinq ans à venir, avec des résurgences de cette épidémie, des nouveaux variants incontrôlables. La stratégie des reconfinements à intervalle régulier est-elle tenable ?
APPRENDRE À VIVRE AVEC
Déjà, nous nous apercevons que nous sommes en train de basculer dans une autre époque. Celle où des démocraties décrètent la fermeture complète de leurs frontières pour se protéger des autres, celle qui voit s’effondrer la figure emblématique de la modernité : « l’homo touristicus ». Mais il faudra aller plus loin. Si cette épidémie doit durer, nous devons faire ce que nous n’avons aucunement fait depuis maintenant un an : apprendre à vivre avec, plutôt que de nous figer à intervalles réguliers en espérant en finir rapidement. Nous donner enfin les moyens de développer un système de santé qui ne risque pas la saturation. Penser la production de façon à bâtir petit à petit une véritable indépendance. Nous préserver de la concurrence déloyale d’une Chine qui n’a visiblement pas les mêmes difficultés que nous à concilier vie économique et contrainte sanitaire. Les choix qui sont devant nous sont forcément aléatoires, forcément risqués, potentiellement douloureux. Mais ne pas choisir, c’est en fait choisir la mort. Celle d’une civilisation occidentale incapable de gérer ses contradictions.
Adrien Quatennens, Roland Lescure, Olivier Marleix. © Christophe Morin / IP3 / Maxppp
La crise va durer : que faut-il changer à l’organisation de l’État ? Trois députés en débattent
Et si ça durait ? Longtemps ? Très longtemps ? Que faudrait-il changer à l’organisation des pouvoirs publics ? Prolonger le “quoi qu’il en coûte” ? Aller vers plus d’interventionnisme ? Trois parlementaires LREM, LR et LFI livrent leurs pistes de réflexion pour “Marianne”.
Roland Lescure, député LREM, président de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale
Intégrez-vous déjà à votre réflexion politique l’idée d’une crise sanitaire durable ?
Ce dont nous sommes à peu près convaincus, c’est que le point final n’est pas pour demain. Cette idée est d’ailleurs déjà présente dans la réflexion stratégique autour du plan de relance. Nous nous sommes demandé comment nous pouvions prendre en compte les conséquences d’un monde forcément différent dans l’intervention économique de l’État. Nous y avons répondu par l’investissement dans la transition écologique, mais aussi dans la réindustrialisation de la France, car il est très probable que la globalisation sorte durablement transformée de cette pandémie. La leçon majeure de cette crise, c’est finalement le choc intergénérationnel inédit qu’elle produit. Nous avons sacrifié les 15-45 ans pour sauver nos aînés, avec de fortes conséquences économiques, sociales et psychologiques de court terme. Nous avons également gonflé la dette, qui elle aussi relève du transfert intergénérationnel, de manière extraordinaire. Rétablir l’équité est l’un des principaux défis à venir.