C’est un phénomène qui concerne 7000 à 10.000 adolescents en France, parfois dès 12 ans. Un fléau «en augmentation régulière» . Dix-neuf ans après le vote solennel de la prohibition de la prostitution des mineurs en France, «le phénomène, toujours en expansion, interpelle les pouvoirs publics et plus généralement la communauté des adultes , note le rapport d’un groupe d’experts, remis ce mardi au secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles. Qu’avons-nous manqué?». Affichant une «détermination totale» à en faire «un sujet de société» , Adrien Taquet a annoncé «d’ici à octobre» un plan national de lutte contre la prostitution des mineurs.
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Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a recensé 400 mineurs victimes de proxénétisme en 2020 – contre 206 en 2019, 116 en 2016. «En cinq ans, la progression a été de 70 % , s’émeut Catherine Champrenault, procureur générale près la cour d’appel de Paris et présidente du groupe de travail. Ce sont très majoritairement des jeunes filles, de 15 à 17 ans en moyenne, vulnérables, provenant de tous les milieux sociaux et qui peinent à prendre conscience de leur statut de victimes.» C’est une des raisons de la difficulté à combattre ce fléau: une grande partie d’entre elles affirment agir par choix, parlent de «michetonnage» ou d’«escorting» , évoquent l’attrait de «l’argent rapide». «Ce qui est nouveau , témoigne Catherine Champrenault, c’est que ce n’est plus une activité de survie – à part pour les mineurs non accompagnés -, mais presque une activité de promotion sociale.»
Stratégies de recrutement
La Fondation Scelles met en avant deux éléments d’explication: «l’effet Zahia» , cette mineure offerte dans les années 2000 en cadeau d’anniversaire à des footballeurs de l’équipe de France, reconvertie en créatrice de mode. Symbole d’une prostitution glamour et modèle d’ascension sociale, Zahia a fait des émules, dans un contexte de banalisation du commerce du corps. Et puis le mécanisme du «lover boy» , des stratégies de recrutement largement répandues, par lesquelles de jeunes hommes séduisent des filles afin de les prostituer. Une étude du département du Nord fait par ailleurs apparaître qu’un mineur sur deux reconnaît des aspects positifs à la prostitution, le premier étant l’autonomie financière…
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Une réalité «difficile à intégrer pour les professionnels» , notent les experts, pour qui il faut «renforcer substantiellement la formation» des enseignants et des soignants. Les parents, eux, ne sont pas assez informés des «risques liés aux mauvais usages du numérique» . Les experts préconisent en outre un meilleur pilotage de la politique publique au niveau de chaque département et l’amélioration du traitement judiciaire et de l’accompagnement éducatif des mineurs: cela devrait passer, selon eux, par la désignation d’un référent spécialisé dans les parquets, et par des moyens renforcés pour les services de police et de gendarmerie qui luttent contre le «cyberproxénétisme» .
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