Insultés, pistés, harcelés… Mathys Dupuis et Floriane Gouget, deux étudiants à la tête de «Dernier espoir», une jeune association pro-laïcité, ne cessent d’être menacés de mort depuis leur soutien sans équivoque à Mila , cette adolescente qui avait violemment critiqué l’Islam dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
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Dans un double entretien au Figaro , ils dénoncent la montée de l’islam radical dans les établissements scolaires, le concept «mensonger » d’islamophobie, le «communautarisme étatique »… et revendiquent le droit au blasphème.
LE FIGARO. – Les jeunes sont-ils encore laïques ?
Floriane Gouget – Non. C’est malheureux, mais les jeunes sont devenus anti-laïcité. J’y suis quotidiennement confrontée. Certains estiment que je suis «anti-arabe », raciste, «islamophobe ». Sur les réseaux, après ma défense de Mila , ils m’ont menacé de mort, divulgué l’adresse du domicile de mes parents… D’autres, qui ne sont pas musulmans et que j’appelle des «vivre-ensemblistes », m’expliquent yeux dans les yeux que la laïcité est «dégueulasse, car elle empêche les musulmanes de porter le voile » dans les établissements scolaires. Mais c’est faux. La laïcité, c’est justement ce qui permet à chacun de croire ce qu’il veut, sans prosélytisme. Elle promeut l’égalité, la fraternité. Le vivre-ensemble a été vidé de sa substance, remplacé par une soi-disant tolérance dont profitent les leaders communautaires. Cette tolérance chez les jeunes n’est rien d’autre qu’une soumission morale à l’islam politique. On se sent terriblement seuls, au sein de notre génération, dans cette lutte pour la laïcité.
Mathys Dupuis – La jeunesse n’est plus laïque, car elle est perdue. La jeunesse est en perte de symboles et de repères. Je me souviens de Charb, de Charlie Hebdo , qui venait dans les écoles pour parler de laïcité. Moi aussi, je constate chaque jour cette haine contre la laïcité : dans les couloirs de mon lycée, on m’a beaucoup insulté, beaucoup moqué. «Connard, tu soutiens Mila! », «tu vas avoir des problèmes après les cours ». On m’a souvent traité de raciste, d’islamophobe… C’est d’ailleurs pour cela que publiquement, je ne divulgue jamais le lieu de mon établissement – ce pourrait être dangereux.
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Comment expliquer cette chute de la laïcité chez les jeunes ? Qui sont les responsables ?
M.D. – La cause principale, c’est évidemment l’explosion de l’islam politique dans les quartiers, liée au communautarisme qui sévit depuis des dizaines d’années. L’État n’y est pas étranger, car il a sciemment parqué les individus de mêmes origines dans des immeubles en périphérie de ville. C’est du communautarisme étatique. L’Éducation nationale a aussi sa part de responsabilité. Elle envoie en première affectation des jeunes professeurs dans ces quartiers. Ils ne sont pas prêts, pas assez formés. Et avec une pauvre heure d’Éducation Morale et Civique par semaine, comment inculquer aux jeunes les valeurs de la République ? De plus, l’Éducation nationale ne protège pas. Pire, elle se plie. Il y a quelques mois, j’avais demandé à mon professeur de montrer les caricatures de Charlie Hebdo . Il était d’accord, puis a été convoqué dans le bureau de la directrice d’établissement. Il a été contraint de se raviser. On peut aussi pointer du doigt les visions électoralistes de certains élus de gauche, très suivis par les jeunes sur les réseaux sociaux. Quand je vois des Jean-Luc Mélenchon qui prônent la «tolérance » pour récolter les likes et les votes des minorités, je trouve ça aberrant.
« L’islamophobie n’est rien d’autre qu’une accusation de blasphème »
Floriane Gouget, de l’association Dernier espoir.
F.G. – On les appelle des «minorités », mais elles ne sont plus vraiment en minorité… Dans certaines écoles publiques, l’Islam dur est devenu prépondérant chez les élèves. Parce qu’ils ont été bercés dans une idéologie familiale qui écrase les maigres cours qu’on a au collège ou au lycée. Les professeurs – les miens, en tout cas – ont toujours abordé le sujet des discriminations et du racisme en considérant les «minorités » comme des souffre-douleurs. Mais je n’ai jamais entendu parler de l’autre aspect, à savoir les dangers de l’islamisme, de la radicalisation, du communautarisme. Cette omission constitue le point de départ de ce concept mensonger qu’est l’«islamophobie », qui victimise l’islam politique et rend les jeunes anti-laïcité. Dire de quelqu’un qu’il est islamophobe, ce n’est rien d’autre qu’une accusation de blasphème. Blasphème qui n’existe pas dans le droit français… «Islamophobe », c’est d’ailleurs un mot que j’entends souvent à la Fac, qui est un terrain rêvé pour le prosélytisme. L’autorisation du hijab dans les amphithéâtres en est le symbole. Et certains syndicats étudiants, comme l’UNEF , en sont l’ombre. Enfin, comme l’a souligné Mathys, les réseaux sociaux contribuent à cette propagation. J’ai moi-même été temporairement bloquée par Twitter pour «imagerie haineuse », car j’avais publié une photo d’une couverture de Charlie Hebdo . Quand on sait qu’une bonne partie des modérateurs sont basés au Maghreb, ceci explique cela…
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Existe-t-il un problème avec l’Islam en France ?
M.D. – L’Islam de France en lui-même, non. Il a d’ailleurs parfaitement sa place, puisque la République garantit la liberté de conscience. Les musulmans français, comme tous les autres religieux, sont dans leur grande majorité tolérants et laïques. Mais une partie d’entre eux s’est radicalisée à cause du communautarisme. Ils prônent un islam «des origines », importé du Moyen-Orient. L’Islam, dans cette version étrangère, est diamétralement opposé sur certains points avec la République, puisque c’est un islam à visée politique. Il veut imposer sa loi en rejetant les nôtres. Il ne faut donc pas se tromper de combat. Ni nier la réalité. J’ai des camarades qui me disent que Charlie Hebdo n’est pas respectueux des religieux. Je leur réponds que Charlie Hebdo s’est moqué d’un système, et non des individus qui croient en ce système. Les croyants ont le droit d’être dérangés. Mais ils n’ont pas à poser une cible sur la tête des gens, ou traiter les autres d’islamophobes. Ça, c’est de la politique. Et ça se pratique de plus en plus, même dans les cours de collèges et de lycées. D’où la peur qui s’installe… Plus personne n’ose défendre la laïcité.
« Être contre le communautarisme, ce n’est pas être d’extrême-droite »
Mathys Dupuis, président de Dernier espoir
F.G. – Mila le fait, et voyez ce qu’il est advenu de sa vie. Sous protection policière, recevant quotidiennement des menaces de mort… Quand elle clame «l’islam c’est de la merde », elle peut le faire, elle a le droit de le faire, elle a raison de le faire. Elle n’a pas insulté les musulmans, mais la religion. Le problème, c’est que l’islam a une portée politique dans ses origines. Il régit la société. Et je le dis en ayant étudié les textes. L’islam en République, c’est donc lui demander de se passer de certaines règles. Évidemment que ça pose problème aux religieux endurcis, pour qui les textes sont sacrés. Quand Mila, qui est d’ailleurs membre de Dernier espoir, est menacée de mort, elle est menacée sur les bases de la loi islamique. En Arabie saoudite, la peine de mort est applicable aux blasphémateurs. C’est pareil ici.
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Le combat pour la laïcité n’est-il pas déjà perdu au vu des générations à venir, anti-laïques selon vous ?
F.G. – Peut-être. D’où notre nom, «Dernier espoir ». Il reste quelques figures pro-laïcité, comme Zineb El Rhazoui, Caroline Fourest, Marika Bret. Mais elles sont déjà deux voire trois générations au-dessus de la nôtre. Que se passera-t-il quand elles auront disparu ? Que restera-t-il après elles ? Si l’Éducation nationale, qui est la clé de cette lutte, ne met pas le paquet, le combat sera perdu. Et je ne l’accepterai pas. Des gens sont morts pour avoir défendu la laïcité. Et la loi est de notre côté. On me dit que je provoque, mais je ne fais qu’exercer mes droits. Ce n’est pas à moi de lâcher. De toute façon, même quand vous lâchez, eux ne lâchent jamais. Que je me taise ou pas, ils continueront, alors autant aller jusqu’au bout. Je refuse de m’autocensurer.
M.D. – Il reste encore des pistes pour promouvoir la laïcité chez les jeunes : faire de l’Éducation Morale et Civique une matière à part entière au collège et au lycée, et une épreuve notée au Bac ; obliger l’Éducation nationale à protéger nos professeurs, qu’il y ait un mouvement national pour montrer les caricatures de Charlie Hebdo en classe ; contraindre les réseaux sociaux à respecter les chartes des pays européens, sous peine de fermeture totale… Ce tribunal numérique, qui a insulté les familles des victimes de Charlie Hebdo en bloquant des comptes, n’a que trop duré. Mais il est clair que les quelques militants laïques qui restent s’exposent à de fortes représailles. Moi, j’ai peur. Quand je sors dans la rue, le numéro 17 est prêt à être appelé sur mon téléphone. On a besoin de protection, d’un État fort, et de jeunes mobilisés. Ils le sont capables, vu le nombre d’entre eux ayant rendu hommage à Charlie Hebdo , en 2015.