L’école est depuis toujours une cible du terrorisme islamiste. À l’étranger, avec des attaques depuis de longues années en Afrique, en Afghanistan, au Pakistan et ailleurs. Et en France avec deux attentats, combinant l’antisémitisme et la haine du savoir, contre des écoles juives en 1995 (14 blessés) et 2012 (4 victimes de Mohamed Merah, dont trois enfants et un professeur). Ou encore un projet en 2019 contre une maternelle par un homme se voulant le «fils spirituel» de Merah.
Ce constat donne tout son sens au sommet européen de la lutte contre la radicalisation islamiste et le terrorisme organisé lundi, six ans après la manifestation pour Charlie Hebdo. Un événement organisé par le think-tank European Leadership Network pour le dialogue stratégique entre l’Europe et le Moyen-Orient, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation pour l’innovation politique. Avec la participation des anciens premiers ministres français et britannique Manuel Valls, coconcepteur de la manifestation, et David Cameron ainsi que des ministres Gérald Darmanin, Marlène Schiappa et Sarah El Haïry.
Le but était de partager les expertises avec la participation de politiques, d’intellectuels français et étrangers venus d’Europe, du Maghreb et du Machrek. Les questions de la jeunesse, de l’éducation, de l’école ont occupé une place significative dans les échanges.
«Il ne faut plus mettre la poussière sous le tapis»
Ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a souligné qu’avec la décapitation de Samuel Paty, «l’école et le savoir ont été attaqués» rappelant que «l’esprit critique et la raison» étaient les «ennemis de l’islamisme qui se fonde sur l’ignorance».
Interrogé sur un sondage récent, où 57 % des jeunes musulmans interrogés déclarent que la charia est plus importante que la loi de la République, Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de l’Engagement auprès du ministre de l’Éducation nationale, a précisé qu’un autre chiffre la préoccupait également: «Six ans après l’abominable attentat, un jeune sur cinq dit ne pas se sentir Charlie.» Pour elle, la riposte «passe avant tout par l’école» et par un renforcement «de la chaîne éducative». «Il ne faut plus accepter des petites concessions, mettre la poussière sous le tapis.»
Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie en Seine-Saint-Denis et directeur de l’Observatoire de la laïcité de la Fondation Jean-Jaurès, rappelle que «l’école n’est pas étanche» et note que «si (l’Éducation nationale) ne fait pas bloc avec les enseignants pour lutter de manière cohérente, cela sera considéré comme une marque de faiblesse par les ennemis de la République». Il rappelle la récente étude pour la fondation et Charlie Hebdo : seuls 56 % des enseignants interrogés se tournent vers leur direction en cas de problème (16 % ne signalant pas les incidents).
Voilà qui explique peut-être pourquoi, alors que 19 % des enseignants interrogés (34 % en réseau d’éducation prioritaire) ont connu ou ont été témoins d’un incident lors de l’hommage à Samuel Paty, l’Éducation nationale a seulement comptabilisé un peu plus de 793 incidents (après une première évaluation à 400). En 2015, le ministère avait officiellement recensé 200 incidents pendant la minute de silence pour les morts de Charlie Hebdo.