Ne vous trompez pas : à l’intérieur de notre famille, ce qui nous rassemble est plus fort qu’on ne le pense. Ceux qui voulaient partir sont déjà partis. Pour 2022, je crois en notre capacité à faire venir à nous des Français qui s’étaient détournés de la droite et du centre ces dernières années. À condition de ne pas se tromper sur celle ou celui qui incarnera notre projet. À condition enfin de montrer aux Français que nous les écoutons et que nous les comprenons. Priorité à l’activité et au travail, au respect et à l’autorité républicaine, à la maîtrise de l’immigration et à l’adhésion au récit national, à la réforme des services publics essentiels, de l’école à la santé en passant par la justice : sur toutes ces priorités pour le pays, c’est la droite qui peut répondre le mieux aux attentes des Français.
À l’évidence, l’absence d’ancrage de LREM n’empêche pas Emmanuel Macron de réussir à déstabiliser la droite…
Nous verrons si cela marche. Je souhaite que Renaud Muselier retrouve la confiance des citoyens car il est à la tête d’une collectivité efficace et bien gérée. Les électeurs doivent dire « ça suffit » à ces manœuvres. Le pays est dans un état très sérieux de tension. Les citoyens sont dos à dos. Il y a beaucoup de fractures et de nervosité partout. Il est urgent de remettre du calme, de la hauteur et du collectif dans la manière de se parler. Après les manœuvres constatées aux régionales, le pouvoir actuel aura des responsabilités à assumer pour le deuxième tour. Sauf à vouloir délibérément le succès du RN pour se retrouver seul face à Marine Le Pen pour la présidentielle.
Comment les Républicains peuvent-ils se protéger face aux attaques de la Macronie si celles-ci se poursuivent jusqu’à l’émergence de votre leader ?
La seule réponse possible, c’est l’unité. De manière méthodique et sérieuse, au sein des Républicains, une équipe de très bon niveau a préparé un projet pour la France. Les conventions thématiques, entreprises par Christian Jacob, sont les fruits d’un travail collectif et sérieux. Avec tous ce que nous apportons les uns et les autres, nous avons l’armature d’un projet capable de répondre aux attentes des Français. C’est l’enseignement que je tire du travail que nous menons au sein de « Patriotes et Européens », qui rassemble des souverainistes comme des libéraux autour de débats sur les enjeux d’indépendance pour la France comme pour l’Europe. Dans la même logique, j’ai demandé à Daniel Fasquelle, agrégé de droit et élu du Pas-de-Calais, maire du Touquet, de bien vouloir conduire le travail sur un moratoire en matière d’immigration, que j’ai proposé le mois dernier pour mettre à plat les procédures et réguler les flux migratoires, aux niveaux national et européen. J’ai également demandé à François Cornut-Gentille, député de Haute-Marne, d’alimenter le travail de Jean Leonetti concernant le mode de désignation de notre candidat. Par ailleurs, dès juillet, je vais proposer, au sein de LR, une organisation politique, pour accueillir celles et ceux qui voudront nous rejoindre autour de l’ambition de faire de la France la première puissance économique, écologique et européenne en Europe dans dix ans.
Présidentielle: la «méthode Barnier» pour rassembler la droite
La présidence française de l’UE, prévue dès janvier et durant un semestre, est perçue par certains Marcheurs comme un tremplin pour la présidentielle. Ne risque-t-elle pas d’être une autre source de vulnérabilité pour la droite ?
J’ai la faiblesse de croire que celui ou ceux qui gouvernent doivent rassembler et présenter des projets positifs plutôt que de chercher à diviser, à séparer les autres. Les Français ont fondamentalement envie d’autre chose. Notre responsabilité à nous, Les Républicains et les centristes, c’est de proposer un projet qui entraîne et suscite l’adhésion. C’est ce que nous ferons avec le groupe de travail « Patriotes et Européens » en nous inspirant de ce que Nicolas Sarkozy avait su faire en 2007 et 2009 par la synthèse entre ceux qui ont un engagement plus national et ceux qui sont plus européens. Cette synthèse est nécessaire. Quand nous la réussissons, nous gagnons. Je ne suis pas fédéraliste et je n’ai pas de leçon à recevoir sur l’engagement européen. Je crois au projet européen comme une force qui s’ajoute à notre souveraineté nationale. Qui la prolonge et la renforce, à condition d’élaborer une véritable stratégie d’influence et de conviction en Europe, sans arrogance ni naïveté.
Comment analysez-vous la violence exprimée aujourd’hui à l’égard des élus et du chef de l’État ?
Cette faiblesse démocratique est d’abord le reflet des autres faiblesses françaises qu’il nous faut corriger d’urgence, sur l’activité économique, l’autorité de l’État, l’immigration, les territoires abandonnés ou les services publics essentiels. Cette violence vis-à-vis du chef de l’État est absolument injustifiable, comme elle l’est à l’égard des policiers, des professeurs, des élus locaux… Celles et ceux qui s’engagent pour les autres et participent à la construction de notre société doivent être respectés. C’est une question fondamentale pour notre démocratie qui ne se réglera que par la restauration de l’autorité publique. Il faudra une loi de programmation sur cinq ans pour augmenter à la fois les moyens de la police et de la justice, construire une nouvelle réponse pénale, soutenir le rôle majeur des enseignants face à la montée de la violence et de l’intolérance… Ce sont toutes les raisons de l’affaiblissement de la parole publique en France.
Le président de la République ne montre-t-il pas une ferme volonté d’aller au contact de tous les Français ?
La confiance réciproque exige autre chose que le contact. Dans notre pays, il y a le sentiment d’un exercice solitaire du pouvoir, d’une décision parfois imprévisible qui tombe d’en haut. La crise du Covid aurait dû être l’occasion, au regard de la gravité de la situation, de mettre tout le monde ensemble, de faire appel à toutes les énergies, venant du privé, des associations, des territoires. Or, l’État n’a pas su faire confiance. C’est une occasion manquée. Il faut remettre du collectif, du respect et de la considération entre les différents acteurs qui ont travaillé côte à côte. Je ne crois pas que l’on puisse redresser ce pays sans s’appuyer sur un contrat de confiance avec les collectivités territoriales et, sans doute, une nouvelle grande loi de liberté locale. Nous avons besoin de respecter davantage le parlement qui a un rôle de proposition et de contrôle indispensable à jouer. Il faut aussi que la France retrouve un dialogue social plus sincère et plus régulier. Pour changer ce pays et le faire repartir, il faut le remettre sur le droit chemin, dans le bon sens. Et cela dépasse largement la volonté d’agir seul. Il faut reconstruire « avec ». Au fond, il faudra un projet et une méthode de réconciliation.
Guillaume Tabard: «Des bonnes nouvelles à l’impact politique?»
Bretagne, Grand Est, Occitanie, Centre, Auvergne-Rhône-Alpes jeudi… On vous a vu souvent en soutien aux candidats durant ces régionales. La droite conservera-t-elle ses sept régions ?
Un homme politique n’a pas le droit d’être fataliste. L’extrême droite progresse quand nous sommes faibles et divisés. Oui, nous pouvons garder nos sept régions et même en gagner d’autres comme ont été possibles nos victoires aux municipales. En Bretagne, avec Isabelle Le Callennec, dans le Centre, avec Nicolas Forissier, en Occitanie, avec Aurélien Pradié, nous avons fait le choix de candidats à même de créer l’alternance.
Concernant la présidentielle, vous avez dit que vous préciseriez vos intentions à l’automne. Les sondages estiment votre potentiel entre 6% et 8%. Qu’en pensez-vous ?
J’observe que les sondages progressent alors que je ne suis pas candidat. Au-delà de ce que disent ces sondages aujourd’hui et de ce qu’ils diront demain, je veux voir si je peux être utile pour travailler à l’unité de ma famille politique. Car personne ne s’est imposé! Ce qui compte, c’est donc l’équipe, le collectif, l’unité. J’ajoute que le chef d’équipe qu’il nous faudra désigner devra gouverner ce pays autrement, en retrouvant le fondement du partage des tâches de la Ve République : un président fixe les grandes orientations, garantit l’unité du pays qu’il représente à l’étranger et un gouvernement gouverne. Nous gagnerions, comme dans d’autres grandes démocraties, à clarifier ces rôles avant l’élection car franchement, personne ne peut croire qu’une femme ou un homme seul pourra relever les défis immenses du pays.
En fonction de quels paramètres le projet présidentiel de la droite doit-il être élaboré ?
Il faut faire appel à l’intelligence des Français. Nous sommes le seul continent qui va perdre 50 millions d’habitants dans les prochaines années et l’Afrique aura 2,5 milliards d’habitants en 2050. Le changement climatique est aussi l’un des défis les plus graves. Cela va tout changer, nous devons nous y préparer. Ce ne sont pas des lubies d’écologistes ou de scientifiques. Nous ne devons pas laisser ce sujet aux Verts radicaux. Il nous revient de proposer des réponses écologiques efficaces, qui reposent sur l’innovation, sur la créativité de nos chercheurs, de nos entrepreneurs, de nos agriculteurs. Nous devons également trouver, dans l’Union ou en dehors, le moyen de conjuguer entre Européens nos solidarités nationales, sur l’immigration, l’énergie, l’industrie, le spatial, l’intelligence artificielle. C’est ce que j’appelle les souverainetés nationales solidaires qui nous permettront d’exister face aux États-Unis ou à la Chine.
Régionales en Île-de-France : attractivité, écologie, emploi des jeunes… Ce qu’il faut retenir du grand débat économique
Je ne peux me résigner à ce que mon pays soit sous-traitant ou sous influences. Mais pour cela, la France doit faire résolument le pari de l’activité. J’ai défendu l’idée de supprimer les impôts de production et de réduire le coût du travail qualifié en cinq ans parce qu’il y a là un retour sur investissement très rapide, qui permettrait de mettre nos entreprises à égalité de chances face à l’Allemagne mais aussi de relancer les salaires et le pouvoir d’achat. Nous devons redonner une vraie ambition à notre pays. Cette ambition est à notre portée à condition de corriger nos faiblesses et d’encourager ce qui marche. En organisant les Jeux Olympiques en France avec Jean-Claude Killy en 1992, j’ai retenu cette leçon : on s’améliore en jouant collectif et en partageant un projet commun. Certains acteurs des JO me disent encore aujourd’hui qu’ils avaient eu l’impression de progresser en participant à cette formidable aventure collective. C’est ce qu’il faut pour notre pays. Je sais que c’est possible.
Quand certains vous disent qu’ils souhaitent vous voir porter un tel projet, que leur répondez-vous ?
Que je serai au rendez-vous.