De notre envoyée spéciale à Chambéry
Le moment était très attendu. Mais n’a pas permis d’avancer d’un pouce. Ce vendredi 7 mai, la cour d’assises de la Savoie a interrogé Nordahl Lelandais sur les faits qui lui sont reprochés, en l’occurrence le meurtre du caporal Arthur Noyer. «Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous avez déclaré jusqu’ici?» , a demandé le président en préambule. Le trentenaire a secoué la tête. Dès cet instant, le pli était pris : on n’en saurait pas plus sur la mort d’Arthur Noyer au cours de cet interrogatoire long de presque quatre heures.
Au premier jour de l’audience, l’ancien maître-chien avait lancé : «Oui, j’ai donné la mort à Arthur Noyer, sans vouloir lui donner. Je n’ai jamais voulu lui donner la mort.» Il était resté campé sur cette position lorsque le président de la cour d’assises lui avait donné la parole pour qu’il expose un peu plus longuement sa version, lors du troisième jour. Complètement verrouillé, il a continué sur cette voie en ce cinquième jour, malgré les contradictions relevées dans son récit.
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Derrière son attitude polie et respectueuse, celui qui portait ce vendredi une chemise blanche à boutons noirs a semblé particulièrement irrité par les questions portant sur les autres affaires dans lequel il est mis en examen – le meurtre de la petite Maëlys , les agressions sexuelles sur plusieurs petites-cousines. «On est dans quel procès M. le président en fait?» , s’est-il notamment agacé alors qu’il était interrogé par Me Bernard Boulloud, le conseil des parties civiles.
Aux assises de Chambéry, Nordahl Lelandais dément avoir voulu tuer Arthur Noyer
Questionné sur la soirée du 11 avril 2017, Nordahl Lelandais a reconnu avoir écrit ce soir-là à deux de ses connaissances, Richard et Camille, «pour des relations sexuelles» . Après leur refus, il a déambulé dans Chambéry, à vitesse réduite. «J’avais l’habitude de venir sur Chambéry, je connaissais énormément de monde, notamment dans le monde de la nuit. Ça m’est déjà arrivé de croiser des personnes et de leur dire “Viens, on va boire un verre” sans aucune autre pensée» , a-t-il laborieusement expliqué.
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«Est-ce que ce soir-là vous cherchiez la possibilité d’avoir une relation sexuelle avec quelqu’un, fille ou garçon?» , a insisté le président. «A ce moment-là, non, je ne cherchais pas une relation sexuelle. Ce n’était pas mon but. Mon but, c’était de trouver des amis» , a répondu l’accusé. Ce dernier a ensuite pris Arthur Noyer en stop vers trois heures du matin. «Il n’y a jamais eu quoi que ce soit de sexuel avec M. Noyer», a-t-il persisté.
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Nordahl Lelandais a continué à affirmer avoir déposé le jeune homme sur un parking de Saint-Baldoph, à sa demande – alors que le militaire avait exprimé son intention de rentrer à son bataillon auprès de plusieurs personnes. Arthur Noyer aurait ensuite déclenché une bagarre. Ce vendredi, l’accusé a admis avoir «gonflé l’attaque [du caporal] envers [lui]» en déclarant dans une de ses versions avoir été blessé à l’arcade sourcilière.
«C’était de la lâcheté»
Lors de la bagarre, Arthur Noyer aurait chuté. Face à son corps sans vie, Nordahl Lelandais «ne sait vraiment pas quoi faire». «Je suis dans la panique… Je sais qu’il aurait fallu appeler les secours, bien sûr» , a-t-il souligné. L’accusé a tout de même eu «la présence d’esprit d’éteindre [ses] téléphones» quelques minutes après la mort du caporal, a noté le président, visiblement peu convaincu.
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Le trentenaire a enfin expliqué qu’après la mort d’Arthur Noyer, il n’avait «pas eu le courage» de se dénoncer auprès de la police et de la gendarmerie. «C’était compliqué d’arriver à dire ‘Oui, j’ai tué un homme’. C’était de la lâcheté, je le reconnais. […] J’aimerais retourner en arrière. Bien sûr, j’ai tout gâché, j’en suis bien conscient et j’en étais d’autant plus conscient cette semaine.»
«C’est le moment»
Il a fallu attendre février 2018 pour que Nordahl Lelandais admette avoir pris le caporal en stop, puis le mois de mars suivant pour qu’il reconnaisse avoir causé la mort du jeune homme . Trois ans plus tard, sa version n’a pas évolué, au grand dam des parties civiles, qui n’ont cessé de l’implorer de «dire la vérité» pendant le procès et ont semblé exaspérées tout au long de son interrogatoire.
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En fin de matinée, Me Alain Jakubowicz, l’avocat de la défense, a tendu à son client une dernière perche. «Si cette version n’est pas la bonne, c’est le moment. Est-ce que les choses se sont passées comme tu l’as dit? […] S’il y a un mobile sexuel, ça ne change rien à la qualification pénale. On sait que tu as tué Arthur Noyer, c’est acté. Ensuite, c’est le pourquoi.» Ultime réponse de Nordahl Lelandais : «Ce que j’ai dit, c’est ce qui s’est passé. Et il n’y a rien de sexuel.»
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