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Les programmes de prise en charge de la radicalisation ont été mis en place en 2009 en Grande Bretagne, en 2012 en Allemagne et en 2014 au Danemark. Ce n’est qu’au mois d’avril 2014 qu’un premier programme de lutte contre la déradicalisation violente et les filières terroristes, était adopté par le Conseil des Ministres.
Le 29 avril 2014, le Ministre de l’Intérieur a créé un centre national d’assistance et de prévention et de la radicalisation (CNAPR) auquel a été confiée la gestion d’un numéro vert. Rattaché à l’unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), il permet de recueillir les signalements d’individus présentant des signes de radicalisation et offre aux familles, une écoute, des conseils sur les démarches à entreprendre et un soutien psychologique.
Les préfectures ont, ainsi, été invitées à créer de nouvelles structures. Les états-majors de sécurité départementaux et les cellules d’écoute d’accompagnement des familles.
La mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et la radicalisation a connu une accélération certaine au lendemain des attentats qui ont frappé la France en janvier puis novembre 2015.
Afin d’améliorer la connaissance du phénomène de radicalisation, le plan prévoyait la création d’une mission nationale de veille et d’information au sein de l’administration de la PJJ ainsi que la mise en place d’un fichier national recensant les personnes prévenues ou condamnées pour des faits de terrorisme.
Dans ce domaine, l’humilité doit rester de mise car il n’existe pas, en la matière, de « recette miracle ». La radicalisation se présente comme un phénomène multi facettes recouvrant de multiples schémas : par exemple un sentiment d’exclusion, de discrimination ou d’injustice, associé à la recherche d’une reconnaissance sociale se traduisant, chez l’individu, par une quête spirituelle des facteurs psychologiques où s’observent des expériences de rupture au sein de la cellule familiale. Au vu de cette forte hétérogénéité des profils de radicalisation, toute tentative de définition de programmes génériques de prise en charge ne peut se révéler qu’illusoire.
Pour autant, il apparaît possible de formuler une série de propositions concernant aussi bien les dispositifs de prévention que les programmes de prise en charge des individus radicalisés.
La mission inter ministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) présente les éléments-clé du processus de radicalisation. L’unité de coordination et de lutte anti-terroriste (UCLAT) apporte un éclairage sur les origines de la déradicalisation avec une attention particulière sur les filières djihadistes et le conflit en Syrie ainsi que le fonctionnement du CNAPR[1], les profils des personnes signalées et les indicateurs de basculement dans l’action violente.
L’expérience de la plateforme universitaire de Toulouse : plateforme d’expertises « radicalités et régulation » offre des perspectives de coopération entre chercheurs universitaires et professionnels de terrain sur la question de la radicalisation, notamment dans l’objectif de perfectionner la connaissance du phénomène et de produire des contenus en vue d’enrichir les programmes de prise en charge.
Le temps de la resocialisation et de l’insertion des personnes radicalisées est très long. Si ce paramètre n’est pas pris en considération, il paraît vain d’espérer une déradicalisation d’état qui puisse diffuser sur l’ensemble du territoire.
Avec la Belgique et le Danemark, on a pu mesurer les différences institutionnelles et sociales, la coopération avec les services sociaux et les forces de l’ordre, les secrets partagés entre les différents acteurs, priorité donnée à la socialisation, à la réinsertion plutôt qu’à la répression.
Afin d’améliorer le recensement du phénomène de radicalisation, la PJJ a décidé de mettre en place un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à recenser l’ensemble des situations de radicalisation des mineurs au sein des établissements et des services de la PJJ. Seuls les référents laïcité et citoyenneté y auront accès ; ce logiciel ne constituera pas un outil de signalement ou de renseignement. (utilisable uniquement à des fins de statistiques).
Le terme de déradicalisation est un mirage de l’esprit car il est faut de penser que l’on peut changer aisément la personnalité et les croyances d’autrui. Cela ne peut fonctionner que dans les états non démocratiques, habitués au « lavage de cerveau ». Il est, néanmoins, possible de suivre ces personnes, les accompagner, les aider à se réinsérer et à se resocialiser.
Dans ce domaine de déradicalisation, on parle aussi de psychiatrie ou même de secte. La radicalisation ne concerne pas toujours de cas psychiatriques ou ceux qui s’embrigadent dans une secte. Nos individus non pas, forcément, une personnalité vulnérable ; ils cherchent un idéal et le trouvent en Daesh. Il n’existe donc pas de typologie établie des personnes radicalisées, même si leur parcours passe souvent par la délinquance et la vie dans une famille monoparentale.
Une évaluation complète, par les préfectures, est nécessaire assortie de l’obligation d’établir un cahier des charges précis et de prouver un savoir faire.
Aider quelqu’un de cette idéologie très forte de Daesh et à s’insérer dans la société ne peut être réalisée que sur la durée.
Une jeunesse saisie par la déradicalisation ! C’est notre interrogation aujourd’hui.
Le mot est à la mode ! D’autres sont passés de mode comme : extrémisme, intégrisme, fanatisme que l’on retrouve dans cette définition d’Edgar Morin : « le fanatisme porte en lui, la certitude de vérité absolue, la conviction d’agir vers la plus juste cause et la volonté de détruire ce qui s’oppose à lui .. ».
Le mot radicalisé apparait en 1845. Il signifie rendre plus fondamental et plus extrême. Par radicalisation extrême, nous pouvons désigner le processus « par lequel un individu adopte une forme d’action violente directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux. Elle contexte l’ordre établi sur le plan politique, social et culturel ».
La radicalisation n’est pas seulement constituée par leur passage à l’acte violent mais qu’elle est constituée, aussi, par une violence extrême portant atteinte aux valeurs de la République comme la laïcité ou aux valeurs sociales comme la tolérance et la fraternité.
En France, les débuts de la radicalisation semblent liés à l’expansion de l’islamophobie après les attentats du Word Trade Center le 11 septembre 2001. On avait bien observé, au milieu des années 1980, quelques radicalisations mais elles ne concernaient que quelques individus et puis, en 1996, il y a eu, certes, l’équipée meurtrière du gang de Roubaix menée par le converti Lionel Dumont ; le phénomène est resté marginal.
Fin 2003, on estimait à plus de 1100 convertis à l’islam radical confirmant une progression sensible de la radicalisation dans un grand nombre de pays européens (Allemagne, Grande Bretagne, Espagne). Cet engagement radical donne une structure à un certain nombre de jeunes paumés qui sont, potentiellement, dangereux. En 2004, après voir enquêté dans plus de 50 collèges et lycées, on note la montée en puissance du phénomène religieux dans les quartiers, notamment chez les jeunes[2].
Où en est-on aujourd’hui ? Selon des sources officielles du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de la Justice, plus de 8000 personnes seraient radicalisées. Plus de 800 auraient moins de 18 ans, 40 % serait des femmes et 38 % des convertis à l’Islam.
Il y aurait, en mai 2016[3] quelques 12000 combattants étrangers en Syrie et en Irak. Plus de la moitié serait originaire du Moyen-Orient ou du Maghreb et 4000 seraient russophones, le reste étant composé d’européens.
On ne peut, en effet, parler d’un islam tant l’offre religieuse est diverse variant selon les interprétations du Coran ou selon la formation des prédicateurs et leur origine. Il existe, mais ici en schématisant beaucoup, un islam traditionnaliste qui développe une vision bipolaire du monde avec d’un côté le Dar El Islam, ce qui veut dire la maison de l’islam et de l’autre le Dar El Kufr qui veut dire le territoire de l’impiété appelé aussi, Dar El Harb, le territoire de la guerre.
L’islamisme désigne une conception radicale de l’islam ; Pour faire court, disons que l’islam est à la fois une foi, une pratique religieuse et une civilisation. Les islamistes utilisent cette religion à des fins politiques et d’expansion territoriale. Les fondamentalistes s’appuyant sur l’enseignement du Prophète, au contraire des traditionnalistes prônent un retour aux vraies sources de l’islam mais ils ne se considèrent pas comme des intégristes. Au sein de l’église catholique, les intégristes sont ceux qui refusent les adaptations de l’église au monde moderne (Vatican II – Mgr Lefèvre). Pour l’islam radical, l’Occident première cible, c’est l’impérialisme, la colonisation. L’islam et l’Occident ont été faussés par l’aventure coloniale mais aussi par l’affichage des valeurs jugées supérieures comme les Droits de l’Homme et le rejet de toutes les autres valeurs et croyances.
L’Europe conduirait méthodiquement contre l’âme des orientaux et des musulmans en particulier, une guerre spirituelle.
Pour Daesh, la chose est entendue. Le coupable c’est l’Occident. Un Occident marchand et sans valeur. Un Occident caractérisé par des actions violentes. Il dit ne faire que se défendre. On se souvient du combat mené par Seyyed Qoth, l’un des premiers théoriciens du Djihad qui sera exécuté en 1966, en Egypte, par le régime de Nasser.
L’intégrisme islamique vise à établir, partout, la foi du prophète, se moquant des frontières géographiques, des états institués par les états mécréants. L’état islamique est ainsi constitué, aujourd’hui, à cheval sur la Syrie et l’Irak et a des vues expansionnistes sur la Libye.
Pour les islamistes radicaux, il n’existe, en effet, qu’une seule patrie : la patrie islamique ; Ce sont les frères musulmans, sous l’égide d’Al Banna, le fondateur du mouvement qui, les premiers, ont défendu cette idée de patrie universelle devant conduire à la création d’un grand état islamique et universel, englobant d’abord tous les pays musulmans.
Aujourd’hui, avec djihadistes, ces jeunes – en mal de repère et d’avenir dans la société française – trouvent une sécurité. Ils vantent l’obéissance, apprécient des principes clairs comme la soumission de la femme, la domination de l’homme, un cas rigoureux et d’actions.
L’offre islamiste propose à ces jeunes un paquet assez complet qui répond aux besoins d’ordre et de rébellion, de cadres de sécurité et d’aventure, de soumission et de domination en leur permettant de trouver des sens et des liens, de se draper dans une appartenance, de se faire reconnaître, d’en finir avec les frustrations et l’humiliation, de s’engager dans une aventure héroïsant et de prendre le pouvoir. Ces groupes leur promettent un destin fabuleux : celui de mourir « en martyr », armes à la main. Ces jeunes partent donc de tous les coins du monde pour prendre les fusils et tuer l’occident impie et les régimes musulmans traites à leur idéologie.
Avec le califat, Daesh veut retrouver, par les armes et la terreur, la domination sur le monde que l’islam a exercé entre le VII et XIIe siècle de notre ère. Cette nostalgie de l’origine et celle du mouvement panislamiste créé dans les dernières années du XXe siècle, incarnée par Af-Ghâni 1838-1897) pour Af Ghâni, le panislamisme impose une unité dans la foi.
Toute doctrine politico-religieuse s’appuie sur les mêmes ressorts pour se faire entendre. Les croyances sont acceptées en bloc, sans discussion. Elles envahissement, progressivement, l’entendement, finissent par dominer entièrement les pensées. Les intérêts personnels s’évanouissent. L’homme est prêt de se sacrifier au triomphe de sa croyance comme le font ces jeunes pour tuer les innocents sans défense.
Ne parle-t-on pas, du reste, de « fous de Dieu » ? On se souvient du norvégien Anders Breivik, abattant des dizaines de jeunes. Introverti, esseulé, atteint de graves déficiences psychiques, il se donnait en spectacle. Ces troubles psychologiques s’expriment un manque d’estime de soi et une grande incapacité à gérer les frustrations – ce que les jeunes nomment eux mêmes : « les pétages de plomb » et Daesh, c’est sûr, aime les jeunes démoralisés, qui sont pour lui, des proies faciles.
Le philosophe Edgar Morin livre son analyse d’un accident qui n’est pas sans tache : « nous ne voulons voir que la cruauté et la monstruosité de l’organisation Etat Islamique, mais eux voient la cruauté et l’inhumanité de la guerre des drones et des missiles. Il voit la continuation, par nos interventions militaires au Moyen-Orient, de notre colonialisme. Il voit le pouvoir de l’argent et le vide moral d’une civilisation qu’ils veulent fuir et détruire pour un monde nouveau.
Le risque est là, qu’aveuglés par notre horreur de l’horreur, nous tombions nous-mêmes dans le manichéisme et que nous soyons capables de voir dans l’autre, que le mal absolu, nous déchargeant, ainsi, de nos responsabilités dans l’émergence de ce vide moral, de cet appât du gain, moteur de nos vies individuelles d’occidentaux. Nos sociétés doivent, cependant, c’est même un impératif catégorique, pour parler comme Kant, avoir le courage de s’auto critiquer et de comprendre qu’il y a, chez les jeunes, un besoin d’espoir, d’exaltation, d’aventure qu’il faut satisfaire. Ces carences sont incontestables dans notre société.
Frustrés, les jeunes expriment leur mécontentement de différente façon : le découragement, le dégoût, la colère. L’humiliation est vivement ressentie. L’injustice d’une société où la redistribution des richesses est mal faites où les uns, finalement, s’enrichissent à pousser un ballon et bénéficient de tant d’argent. Le sentiment d’humiliation de soi bloque tout processus de valorisation de soi.
Humiliés par tant d’accablement, dans leur vie, alors ils se mettent en colère ; C’est une manière de se venger d’une société qui ne veut pas les accueillir. La conséquence est que tous ces jeunes souffrent d’un déficit de reconnaissance sociale.
Le sentiment d’abandon nourrit les sentiments les plus négatifs, notamment la haine. Une aide des juifs jusqu’à vouloir leur mort quelquefois.
Faute de perspective d’avenir, des couches considérables de jeunes se sont avérées particulièrement sensibles à la démagogie fasciste qui leur dessinait un avenir lors de la victoire du fascisme[4].
Force est de reconnaître que le parti d’extrême droite, en France, use des mêmes arguments pour séduire une jeunesse en difficulté.
Les jeunes filles qui s’engagent pour Daesh, voient en lui, un état idéal au sein duquel elles feront le lien de l’humanité. Les recruteurs islamistes parviennent, en effet, à leur faire croire qu’elles serviront dans une mission humanitaire.
Ils leur promettent, aussi, un avenir familial épanouissant aux côtés de maris qui sont de vrais guerriers et dont la foi est inébranlable ; Mais, on sait que la véritable mission de Daesh à l’égard des jeunes françaises est d’en faire des mères porteuses pour assurer une pure descendance aux soldats djihadistes.
[1] CNAPR qui a en charge la centralisation de toutes les informations : 51429 appels et 4850 formulaires entre le 29 avril 2014 et le 30 juin 2017. Il a enregistré 5023 signalements, 4059 via un appel du numéro vert.
[2] Rapport de Jean-Pierre Obin, Ministre de l’Education Nationale et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
[3] Communiqué par Emmanuel Valls
[4] Rapport du 7e congrès mondial de l’international communiste du 2 août 1935.