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Il faudrait humblement admettre que, parmi les critiques adressées au monde musulman, celles concernant le statut de la femme reste des plus vraies. Son instrumentalisation politique est cependant outrageuse et la vision, qu’en fait l’Occident, est réductrice. Les règles de la société islamique apparaissent, à la femme musulmane, comme un des moments forts du rituel social qui l’entoure. Les traditions, en Islam, sont respectées depuis des décennies, ce qui peut freiner leur épanouissement.
La femme musulmane structure sa famille autour de la religion, de la vision qu’elle en a, dans l’interprétation qu’elle en fait et surtout dans le respect de la tradition. Elle est, dans la famille, le « gardien du Temple » et de l’éducation des enfants. Elle conserve, intacte, l’organisation sociale telle qu’elle se perpétue encore de nos jours. La famille est si jalousement accrochée à ses habitudes, des règles (kanounes) continuent à être appliquées comme des lois internes. Il faut rappeler que la force de la tradition est grande, au point d’être montrée du doigt pour tous ceux qui y contreviennent.
Les coutumes musulmanes, différent selon les pays musulmans. Intangibles, intactes, sacrées, inviolables, elles sont respectées. On ne peut pas y toucher sans s’attirer les foudres de ses proches. Ces traditions paraissant, aujourd’hui, d’un autre âge ne semblent pas totalement rejetées. Les femmes musulmanes contemporaines restent à la maison, s’invitent volontiers, se reçoivent les unes les autres pour s’occuper. Le plaisir des rencontres est grand et la plupart des femmes se disent satisfaites. Parfois, mes belles-sœurs et nièces m’interpellent en riant : « Dites-leur qu’en France, nous ne sommes pas si malheureuses …! » .
Il faut reconnaître que leur statut juridique, en Algérie, reste déprécié, dévalorisé. Il n’est toutefois pas le plus rétrograde au monde. Selon le dernier rapport des Nations Unies (juillet 2006) « les schémas éducatifs traditionnels, les discriminations du droit de la famille, perpétuent, de façon flagrante, les inégalités et les subordinations des femmes !»
Les taux d’”analphabétisation”, dans les pays arabes, sont les plus élevés du monde (70 millions d’analphabètes dont 45% de femmes). Les statuts de ‘femme mineure à vie’, ou l’absence d’autonomie, leur manque de participation dans la vie politique, leurs mariages forcés parfois, font que ces abus demeurent l’apanage quotidien des femmes musulmanes.
Les hommes, pour leur part, occupés par leur travail s’en remette généralement à leur épouse. Mais ils sont les premiers concernés et les premiers responsables. Pendant ce temps là, les femmes perpétuent les traditions et tout recommence.
Cela explique, en partie, le refus du monde musulman de débattre sur ce sujet de la femme en islam. Les critiques, même si elles sont parfois fondées, sont perçues comme une ingérence intolérables dans le vécu des musulmans. Extrêmement équivoque dans la forme, elles sont perçues comme irrespectueuses vis-à-vis des valeurs islamiques et touchent un vrai problème de société dans les pays où les Musulmans vivent avec d’autres religions, Chrétiens, Juifs, etc. Ce type de réquisitoire exacerbe des tensions au sein des populations déjà minées par une double fracture : celle du sous-développement économique et celui intellectuel.
Cette « hostilité » déclarée contre l’Islam, intensifie l’attachement des musulmans à la religion. Elle devient, alors, une sorte de forteresse identitaire. Cela peut mener à la radicalisation du discours religieux islamique qui devient une réponse réactionnelle à cette dialectique «dominants-dominés». Ce qui explique l’immobilisme, pour certains, et le refus de toute politique de réforme religieuse considérée comme un déracinement et un gommage de ses propres racines…ce qui est une souffrance.
De nombreuses femmes musulmanes, intellectuelles, universitaires, jeunes de terrain tentent aujourd’hui de prendre la parole et de se réapproprier ce qui a toujours été entre les mains des hommes.
La fracture Occident – Islam qui semble se matérialiser un peu plus, peut être réhabilitée, si de part et d’autre, l’on fait un effort de se « décentrer » en d’autres termes, de se reconnaître en l’autre, dans son humanité. Les musulmans doivent revoir leur approche du monde occidental et reconnaître sa richesse et sa diversité, sa dimension humaniste et universaliste.
Pour la question de la femme musulmane : être moderne et libre ne veut pas dire « être déracinée » mais plutôt s’élever dans son humanité à partir de ses propres racines. Et dialoguer ne veut pas dire gommer ses propres différences et renier ses propres convictions, mais plutôt les enrichir avec l’apport de l’autre.
C’est dans l’humilité que nous devons dialoguer afin de déconstruire cette idéologie de la peur qui nous domine. Le choc des injustices, des amalgames, des discriminations et des violences peut-être évité si la rencontre se fait dans la dignité et la reconnaissance.
Les familles, ici, ne dérogent pas facilement aux coutumes. L’avènement des temps modernes change toutefois terriblement les choses, encourage une conception, une vision différente, plus souple des manières de vivre. Hommes et femmes vont et viennent aujourd’hui, se croisent et travaillent côte à côte dans les administrations. Les jeunes filles exercent un métier dans les magasins, les fabriques et les ateliers, et ce qui n’a que trop tardé. La femme proclame, maintenant, ses droits dans tous les domaines tandis que de nombreuses étudiantes fréquentent les facultés de Médecine et de Droit. Ainsi évoluent les mentalités.
Foudil Benabadji.