Marie Curie (1867-1934) est la première femme à avoir reçu le prix Nobel, et la seule femme à en avoir reçu deux. Devenue mondialement célèbre pour ses travaux sur le radium – qui finiront par lui coûter la vie -, elle sera également la première femme à entrer au Panthéon. Par Marine Jeannin
“L’histoire de Marie Curie fascine, écrit Hélène Merle-Béral dans un numéro des Grands Dossiers des Sciences Humaines consacré aux “Pionnières qui ont fait l’histoire”. Armée d’une volonté farouche et d’une intelligence extrême, elle a mené sans relâche un combat passionné pour la science et pour le bienfait de l’humanité.”
Sa découverte majeure ? La radioactivité. On doit à Marie Curie et à son époux Pierre Curie d’avoir éclairé la structure de l’atome, pour le meilleur et pour le pire : car leur découverte a permis le développement de la bombe atomique, mais aussi de la radiothérapie, premier traitement du cancer.
La découverte du polonium et du radium
Maria Salomea Skłodowska naît à Varsovie en 1867. Fille d’un professeur de mathématiques et physique et d’une institutrice, elle excelle à l’école et obtient son diplôme de fin d’études secondaires avec la médaille d’or en 1883. La jeune fille souhaite entamer des études supérieures pour pouvoir enseigner, mais de telles ambitions sont interdites aux femmes polonaises. Elle travaille quelques années, le temps de mettre des économies de côté, et s’envole en 1891 pour Paris, où elle s’inscrit pour des études de physique à la faculté des sciences de Paris. Elle n’a alors que 26 consœurs sur les 776 étudiants de la faculté. En l’espace de trois ans, elle obtient brillamment une licence en sciences physiques et une autre en mathématiques.
Elle rencontre alors Pierre Curie, chef des travaux de physique à l’École municipale de physique et de chimie industrielles. Les deux jeunes gens étudient ensemble les propriétés magnétiques de l’acier. La collaboration évolue bien vite, et le 26 juillet 1895, le couple se marie : la jeune femme devient Marie Skłodowska-Curie. Une première fille, Irène, naîtra en 1897.
En 1896, Marie Curie est reçue première à l’agrégation de mathématiques, et se lance dans une thèse de doctorat. Elle se consacre alors, avec son époux, à l’étude des rayons X, découverts par Wilhelm Röntgen en 1895. Le couple vit modestement, mais parvient à aménager un laboratoire pour travailler sur les rayons produits par l’uranium – sans aucune protection, les dangers des radiations n’étant pas encore connus. Les Curie découvrent deux nouveaux éléments radioactifs : le polonium et le radium.
Le prix Nobel de physique
“Ensemble, écrit encore Hélène Merle-Béral, [Marie et Pierre Curie] réaliseront leurs expériences avec une extrême modestie et un total désintéressement, déclinant toute proposition de décoration, refusant de protéger leurs travaux par un brevet, créant ainsi le mythe du couple romantique de chercheurs de génie.” En 1903, c’est la consécration : ils partagent le prix Nobel de physique pour leurs découvertes sur les radiations. “Initialement, [le prix] ne devait être accordé qu’à Pierre, “oubli” que Pierre avait lui-même fait rectifier par ces messieurs du comité Nobel.” La même année, Marie Curie est la première femme lauréate de la Médaille Davy. Elle donne naissance en 1906 à sa seconde fille, Eve.
Malheureusement, l’enfant naît orpheline de père : le 19 avril 1906, Pierre Curie est victime d’un accident de la route, et meurt sur le coup. Marie Curie, dévastée par sa perte, accepte tout de même de remplacer son mari à la tête de la chaire de physique de la faculté des sciences de l’université de Paris. Le 5 novembre 1906, elle donne sa leçon inaugurale à la Sorbonne. Le Tout-Paris se presse sur les bancs de la faculté. Les journalistes aussi sont présents. “C’est une grande victoire féministe que nous célébrons en ce jour, écrit le reporter du Journal. Car, si la femme est admise à donner l’enseignement supérieur aux étudiants des deux sexes, où sera désormais la prétendue supériorité de l’homme mâle ? En vérité, je vous le dis : le temps est proche où les femmes deviendront des êtres humains.”
En 1909, le professeur Émile Roux, directeur de l’Institut Pasteur, lance la création d’un Institut du Radium. Celui-ci sera consacré à la recherche médicale contre le cancer et à son traitement par radiothérapie. Marie Curie y dirige le laboratoire de physique et de chimie. Elle reçoit un second prix Nobel, en chimie cette fois-ci, en 1911, malgré une campagne de dénigrement orchestrée par la presse nationaliste à la suite de sa liaison réelle ou supposée avec le physicien (marié) Paul Langevin.
Les “petites Curies”
Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, Marie Curie est une femme de science mondialement connue. Avec l’aide de la Croix-Rouge, elle met en place des unités chirurgicales mobiles, surnommées plus tard les “petites Curies”. En 1916, la physicienne passe son permis pour conduire elle-même ses ambulances au front. Sa fille Irène, qui n’a que 17 ans au début de la guerre, lui tient lieu d’assistante. Les radiographies prises dans les “petites Curies” permettent de situer précisément les éclats d’obus et de balles, facilitant ainsi les opérations chirurgicales – et sauvant la vie de nombreux blessés.
Après la Guerre, la situation financière de l’Institut du Radium n’est guère brillante. Il faut attendre le début des années 1920, et la découverte des vertus thérapeutiques du radium pour la lutte contre le cancer, pour que les dons commencent à affluer. En 1921, la journaliste américaine Marie Mattingly Meloney lance un appel aux dons auprès des Américaines, et parvient à réunir 100 000 dollars pour Marie Curie. La physicienne se rend à l’usine du radium de Pittsburgh, où sont utilisés de manière industrielle les procédés qu’elle a développés, et y achète avec les fonds réunis un gramme de radium pour l’institut.
Méconnaissant encore les effets du radium, mal protégée lors de ses expériences, Marie Curie paye le prix de ses recherches. Dès les années 1920, elle souffre de problèmes de santé récurrents. On finit par lui diagnostiquer une leucémie radio-induite, c’est-à-dire provoquée par une exposition prolongée aux radiations. Elle meurt le 4 juillet 1934, à l’âge de 66 ans. Sa dépouille et celle de son mari seront transférées, dans un cercueil recouvert de plomb, au Panthéon le 20 avril 1995, sur décision du président François Mitterrand. Elle est la première Française à recevoir cette haute distinction, et restera la seule pendant près de 20 ans.