L’annonce a été faite mercredi 30 décembre par le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, Ammar Belhimer, à l’issue d’une réunion gouvernementale consacrée aux modalités d’acquisition du vaccin, et au lendemain d’un entretien téléphonique entre le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, et son homologue russe, Mikhaïl Michoustine.
Une première enveloppe de 9,2 millions d’euros
L’Institut Pasteur d’Algérie a également initié une « série de discussions avec la société russe qui produit le vaccin Spoutnik-V, alors que des pourparlers se poursuivent avec d’autres parties étrangères ». Ce qui laisse la porte ouverte à l’acquisition, plus tard, d’autres vaccins.
Le Spoutnik-V, le premier vaccin anti-Covid-19 au monde, a été homologué en Russie en août dernier. Le directeur du Fonds russe d’investissements directs (RFPI), Kirill Dmitriev, avait déclaré, mi-décembre, que la troisième phase des essais permettait d’évaluer son efficacité à 91,4 %.
Ce même mercredi, le directeur général du budget au ministère des Finances, Abdelaziz Fayed, a révélé qu’une enveloppe de 1,5 milliard de dinars (environ 9,2 millions d’euros) a été dégagée pour l’acquisition d’une première tranche de 500 000 doses de vaccin. Les autorités, selon lui, mobiliseront en tout près de 20 milliards de dinars (soit 122 millions d’euros) pour la poursuite des acquisitions de vaccin. Les catégories prioritaires à vacciner n’ont pas été, encore, précisées par les autorités.
Ces annonces interviennent dix jours après l’injonction faite par le président Abdelmadjid Tebboune qui exigea, depuis son lieu de convalescence à Berlin, de son Premier ministre Abdelaziz Djerad, d’accélérer le processus de choix et d’achat du vaccin pour un début de campagne de vaccination en janvier.
Des « retards » dénoncés
Cette semaine, le président de l’ordre des médecins et membre du comité scientifique de suivi et d’évaluation de la propagation du coronavirus, Bekkat Berkani, a accusé le ministère de la Santé d’avoir « beaucoup tergiversé pour prendre la décision concernant le choix du vaccin au moment où plusieurs pays se précipitaient pour soumettre leurs commandes aux laboratoires ».
Pour le spécialiste, « il viendra le jour où il faut définir la responsabilité de chaque partie dans l’échec enregistré dans la gestion de ce dossier », estimant que ces « retards » ont limité le choix de l’Algérie aux deux vaccins disponibles et accessibles sur le marché mondial qui connaît une course effrénée : les vaccins russe et chinois.
« Aucun vaccin n’a été à ce jour préqualifié par l’OMS, mais nous ne pouvons plus attendre », s’est inquiété, mercredi, quelques heures avant l’annonce du gouvernement, le Pr Djamel-Eddine Nibouche, chef du service cardiologie au CHU Nafissa Hamoud d’Alger. « Notre personnel de santé est très fatigué, notre économie a subi un grand coup et nos moyens de lutte s’épuisent rapidement. Les conditions sociales risquent de se détériorer rapidement. Par conséquent, il ne faut pas mettre notre pays en danger. Car un retour à la normale est plus qu’une nécessité », a-t-il averti.
Un transfert de technologie qui intéresse Alger
« Personnellement, j’aurais opté pour le vaccin russe, nous avait confié un haut cadre de l’État la semaine écoulée, pour la simple raison que nous avons confiance dans les capacités industrielles et de transfert de technologie des Russes. »
Car, au-delà du fait que Spoutnik-V ne nécessite pas des lourdeurs logistiques pour un stockage sous très basse température, et au-delà de son prix relativement bas (environs 10 dollars la dose) alors que l’Algérie a décidé de la gratuité du vaccin, c’est la possibilité d’intégrer en Algérie sa production qui intéresse les autorités algériennes.
Le 8 décembre dernier, l’ambassadeur russe à Alger, Igor Beliaev, avait déclaré que son pays est « prêt à coopérer avec l’Algérie pour lancer la production au niveau local » du vaccin Spoutnik-V « Le Fonds russe d’investissements directs propose diverses formes de coopération, à savoir l’acquisition directe, le transfert de technologie, la production conjointe et la participation à la phase III des tests cliniques », a développé le diplomate, précisant : « Ce sont ces formules [de coopération] que nous avons proposées à la partie algérienne. »
Lors de la session de l’ONU, début décembre, consacré à la présentation de Spoutnik-V, le ministre russe de la Santé, Mikhaïl Mourachko, avait exprimé le souhait de son pays de produire ce vaccin dans 55 pays, dont l’Algérie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Corée du Nord, l’Égypte, l’Inde, l’Ouzbékistan, le Qatar, Singapour, la Syrie, le Tadjikistan et la Thaïlande.
Un défi pour le système de vaccination algérien
Moscou avait annoncé, fin novembre, avoir commencé à livrer le Spoutnik-V à plusieurs pays africains, sans en préciser la destination exacte. « Nous ne voudrions offenser personne. Nous aimerions que tous les appels que nous avons reçus de nos amis africains soient satisfaits », avait précisé le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov.
Avant l’Algérie, c’est la Guinée qui a commencé à vacciner avec le Spoutnik-V dès ce mercredi 30 décembre. Conakry a commandé deux millions de doses du vaccin russe. « Je préfère largement les vaccins russe et chinois aux autres, explique un médecin algérois, parce que je me méfie des technologies inédites sur lesquelles nous n’avons pas assez de recul ».
Mais le même praticien s’inquiète de l’efficacité du système de vaccination en Algérie, malgré les assurances des autorités. « Notre pays a beaucoup perdu de sa culture de vaccination qui était florissante durant les années 1960-1970. Les zones sahariennes, très vastes, restent peu desservies, par exemple, en termes de couverture sanitaire, et la méfiance envers les vaccinations ont causé la réémergence de maladies qu’on avait vaincues par le passé, comme la rougeole », poursuit le médecin.