L’instabilité du Sahara occidental où le plus grand danger est incarné par Adnane Abou Walid al-Sahraoui et son groupe État islamique au Grand Sahara (EIGS), adossé à l’instabilité régionale, a d’ailleurs encouragé la « jihadisation » d’une partie de la jeunesse sahraouie. Une escalade des tensions entre le Front Polisario et le Maroc bénéficierait donc, en premier lieu, aux organisations terroristes agissant dans la région.
Sur ce sujet comme d’autres, Algérie et Maroc ne parviennent pas à s’entendre
Le problème est qu’au contexte explosif du Sahara occidental s’ajoute le poids des relations conflictuelles entre Rabat et Alger qui reste l’un des principaux soutiens du Polisario. Bien que l’Algérie avance des arguments idéologiques de lutte anticoloniale pour justifier ce soutien, le pays semble surtout engagé avec le Polisario pour des intérêts politiques et stratégiques inavoués. En effet, ne souhaitant pas revenir sur la question de ses frontières avec le Maroc, le maintien d’une tension de basse intensité autour du Sahara occidental lui permet d’éviter les potentielles velléités du Royaume à ce sujet. L’opposition entre les deux puissances du Maghreb demeure donc un frein à la résolution du dossier sahraoui ainsi qu’aux échanges régionaux en matière de préservation de la paix, de libre-circulation et d’économie.
Face au terrorisme islamiste, le Maroc met en place une réponse globale
Pourtant une coopération à l’intérieur du Maghreb ainsi qu’entre le Maghreb et les pays du Sahel seraient la clé d’une meilleure appréhension des menaces sécuritaires pesant sur la région et qui sont, de facto, interconnectées. Alors que le sommet du G5 Sahel vient de se tenir à N’Djamena (Tchad), l’implication du Maroc autour de la région sahélo-saharienne (caractérisée par une collaboration sud-sud et nord-sud) se démarque. Après avoir fait face à un grand nombre d’attaques terroristes dès 2003, le gouvernement marocain a su détecter les foyers extrémistes et mettre en place une restructuration de la sphère religieuse par l’État (notamment avec la formation de ses imams), et des procédures pénales plus sévères en matière de terrorisme.
L’Algérie est déjà très occupée par ses troubles internes
Ces différentes initiatives lui ont permis de s’impliquer de façon proactive sur la scène internationale. Le royaume chérifien est désormais un partenaire clé de la coopération euro-méditerranéenne et continentale en matière d’anti-terrorisme et d’immigration. Il s’est également impliqué au niveau régional par son entrée au sein de l’Union africaine en 2017, suivie de sa demande d’intégration, la même année, au sein de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). L’ensemble de ces éléments font du Maroc un partenaire de premier plan pour les pays de la région, l’Europe et les États-Unis.
Quant à l’Algérie, le bilan de sa collaboration avec les pays du Sahel reste mitigé. Pourtant, le pays dispose de l’armée la plus puissante du continent qui lui permet, notamment, d’appuyer la Tunisie dans la sécurisation de ses frontières. Ce facteur décisif adossé à la fiabilité de l’Algérie dans la lutte anti-terroriste, pourrait permettre d’aider à faire face aux défis sécuritaires de la région. Paris aurait donc souhaité, en complément de la constitution du G5 Sahel, obtenir un appui du pays. Les accords d’Alger, signés à Bamako en 2015, allaient dans le sens de cette implication algérienne. Mais Alger semble en retrait depuis. En réalité, le pays doit faire face à d’immenses défis internes et la collaboration régionale en matière de lutte anti-terroriste ne semble pas être une priorité de ses généraux. Dans ce contexte, si Alger offrait à nouveau un appui militaire au Front Polisario (au moment même où le principe de non-ingérence de son armée a été abandonné), elle ferait une erreur stratégique de taille et provoquerait un conflit de plus dans la région. Le pays aurait davantage intérêt à sortir de sa logique insulaire pour mettre à profit ses nombreux atouts et favoriser une paix durable dans la région.
Pour faire face aux défis sécuritaires de la région, les pays du Maghreb et du Sahel doivent plus que jamais parvenir à une coordination au niveau du renseignement et des actions. Or cette collaboration se trouve limitée par le dossier du Sahara occidental et les divisions au sein du Maghreb. Clore ces conflits doit pourtant demeurer un objectif qui éviterait, notamment, de donner l’occasion à certains sahraouis maîtrisant la zone, de grossir le rang des jihadistes. À cet égard, si la résolution du conflit devait être comprise dans une perspective anti-terroriste, des renégociations autour de la proposition d’autonomie sous contrôle marocaine entre l’ONU, les puissances étrangères et les pays voisins, pourrait être une option sérieuse permettant la pacification de la région et la résolution de ce dossier vieux de quarante ans.