Les recteurs Azzedine Gaci et Kamel Kabtane ont refusé de signer la « charte des principes pour l’islam de France ».

Les recteurs Azzedine Gaci et Kamel Kabtane ont refusé de signer la « charte des principes pour l’islam de France ». En cause, le manque de concertation qui a abouti à un texte dont ils critiquent certaines dispositions.

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Azzedine Gaci (à gauche), recteur de la mosquée de Villeurbanne, et Kamel Kabtane, recteurde la Grande Mosquée de Lyon, à l’Institut français de la civilisation musulmane, à Lyon, le 6 février.

Ils sont bien lyonnais. Empêchés par le jacobinisme, donc rebelles à la capitale : le 25 janvier, Kamel Kabtane et Azzedine Gaci, recteurs, respectivement, de la Grande Mosquée de Lyon et de celle de Villeurbanne, ont dit, au nom d’une trentaine d’imams du Rhône, leur refus de la « charte des principes pour l’islam de France » réclamée par Emmanuel Macron et Gérald Darmanin puis signée le 18 janvier en grande pompe à l’Elysée par 5 des 8 fédérations qui composent le Conseil français du culte musulman (CFCM).

« Personne ne nous a consultés, ce texte concerne les imams français et on les ignore au profit de l’islam consulaire des étrangers. » Azzedine Gaci

Mais, cette fois, personne ne peut accuser ces réfractaires d’intégrisme, de séparatisme ou de soumission à un pays étranger : cela fait des années que les deux hommes tentent d’organiser ­l’islam hors des influences extérieures et prônent des rapports apaisés avec son ­environnement local.

Deux personnalités aux profils distincts et aux convictions différentes qui ont mis de côté leurs désaccords pour élaborer le consensus : cela aussi est très lyonnais. Kamel Kabtane, 77 ans, c’est le politique débonnaire. Plus de quarante ans que cet ancien employé de la Communauté urbaine de Lyon est engagé dans la construction et la gestion de la Grande Mosquée inaugurée en 1994. Il lui a fallu affronter l’opposition des riverains, les insultes de l’extrême droite, les polémiques sur le financement, les dissensions entre musulmans, les velléités de contrôle des financeurs saoudiens, koweïtiens ou algériens.

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« Au début, dans les quartiers, on disait que c’était la mosquée des harkis, celle des notables », sourit le recteur, qui reçoit dans les bureaux rutilants de l’Institut français de civilisation musulmane (IFCM) adossé à la mosquée. Christophe Castaner, alors ministre de l’intérieur, et Gérard Collomb, son prédécesseur, étaient là en 2019 pour inaugurer ce centre culturel témoignant d’« un islam ouvert qui s’inscrit pleinement dans la République », selon les mots duministre. « Kamel Kabtane a d’abord eu l’image du légaliste, parfois trop lisse. Mais il a su conjuguer les demandes des musulmans et les réalités politiques, dialoguer avec les autorités locales ; aujourd’hui, tout le monde reconnaît son action et sa légitimité », estime Haoues Séniguer, maître de conférences à Sciences Po Lyon.

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Azzedine Gaci, 58 ans, c’est le religieux nourri d’un islam conservateur. Venu d’Algérie dans les années 1980 pour suivre des études de physique, matière qu’il enseigne dans une école d’ingénieurs, il était membre de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans. Recteur et imam de la mosquée de Villeurbanne, inaugurée en 2006, il fut d’abord rival de Kamel Kabtane, contre lequel il fut élu à la tête de l’instance régionale du CFCM, de 2005 à 2011. Mais il a le même souci « d’accommodements raisonnables » pour un islam du quotidien.