Pour avoir enseigné à ses élèves la liberté d’expression en leur montrant des caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo, Samuel Paty a été décapité , le 16 octobre dernier. Cet assassinat terroriste a provoqué un «déferlement de haine» sur les réseaux sociaux, déplore un policier, sous couvert d’anonymat. «On s’est même retrouvés avec des gens qui appelaient le commissariat après avoir vu des commentaires qu’ils considéraient comme provocants» , ajoute-t-il. En ligne, les internautes ont bien souvent dénoncé l’attaque «ignoble» perpétrée devant le collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) où le professeur d’histoire enseignait. Mais d’autres ont aisément justifié les actes du terroriste, voyant les dessins du prophète comme une véritable provocation.
174 procédures ouvertes en 11 jours
Mais avant de légiférer sur le sujet, il s’agissait de contrer ce torrent de commentaires haineux. Le tout, dans un contexte de menace terroriste plus élevé que jamais en France, avec une nouvelle attaque perpétrée à Nice ce jeudi . Et les chiffres sont pour le moins saisissants. Du 16 au 27 octobre, soit en moins de deux semaines, 174 procédures ont été ouvertes et 109 personnes mises en cause pour des faits commis à la suite de l’attentat. Parmi ces enquêtes, 84 ont été lancées du chef «d’apologie publique d’un acte de terrorisme » ou de «provocation directe à des actes de terrorisme », indique une source judiciaire au Figaro . Aussi, on dénombre 54 enquêtes pour «menaces de mort, de violences ou de dégradation », ajoute la même source.
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Dans 66 de ces procédures, les faits ont été commis au moyen d’un réseau social : 25 sur Facebook, 14 sur Twitter et 6 sur Instagram. Les autres moyens utilisés sont les mails, mais également les courriers manuscrits, ou les appels téléphoniques. Comme nous vous le révélions il y a quelques jours , Charlie Hebdo a été visé à de multiples reprises dans ces récentes procédures. «Et ça va continuer» , confirme notre source, en référence aux récents dessins moqueurs de l’hebdomadaire satirique à l’encontre du président turc , Recep Tayyip Erdogan. Ces chiffres, en hausse par rapport aux procédures habituelles, ont mené pour l’heure à vingt-cinq poursuites et l’ouverture de cinq informations judiciaires, précise notre source.
Autre élément intéressant, les auteurs de ces actes de haine en ligne sont en général assez jeunes. La majorité des 109 personnes mises en cause ont moins de 50 ans, et 57% ont moins de 35 ans. «On a deux types de cas: des jeunes qui n’ont pas conscience de la portée de leurs propos mais qui ne présentent aucun signe de radicalisation, voire qui ne pensent même pas ce qu’ils publient. Et ensuite, on a les véritables radicalisés, qui légitiment les actes en pleine conscience », analyse notre source policière. Comme ce Tchétchène de 22 ans , placé en détention à Blois pour apologie du terrorisme. Lors d’une perquisition à son domicile, les gendarmes ont découvert chez ce récidiviste de nombreuses armes et des couteaux. Interrogé, l’individu a toutefois nié quelconque radicalisation.