Si, de son propre aveu, la rencontre de l’islam fut décisive à l’origine de sa conversion, elle se poursuivit tout au long de sa vie. Durant les dernières années, immergé au milieu des Touaregs, il franchit une nouvelle étape. Il entretint avec eux de profondes relations : « Oui c’est vrai j’ai des consolations avec les Touaregs ; de plus en plus je trouve parmi eux de braves gens avec lesquels de véritables et sérieuses relations d’amitié s’établissent ».
Il noue une relation particulièrement forte avec l’aménokal Moussa. Il nourrit l’espoir avoué de le convertir à la religion chrétienne et, par lui, le peuple des Kel Ahaggar mais Charles de Foucauld doit se rendre à l’évidence : Moussa « est vraiment, sincèrement, fermement musulman ». Auparavant, il ne l’était pas vraiment. Il l’est devenu durant cette période d’échanges avec Charles de Foucauld et sous la conduite de son maitre spirituel, le Cheikh Baye.
Ce fut encore dans la rencontre des Touaregs qu’il vécut ce que l’on appelle souvent sa seconde conversion. En 1908, Il connaît un burn out physique, psychique, spirituel, missionnaire. A ses yeux, il a échoué dans sa mission. Aucun disciple n’est venu le rejoindre ; il est épuisé par le travail et, surtout, il n’a converti personne ! C’est la famine dans le pays. Il est aux portes de la mort. Il a la vie sauve grâce aux femmes Touaregs et à l’une d’entre elles, Dassine. Nouvelle expérience d’hospitalité en situation de crise ! Elles recueillent le peu de lait qu’elles trouvent dans la région, le lui portent et le sauvent, non sans que Dassine lui rappelle que, s’il a son Dieu et sa religion, elle aussi a la sienne… Beaucoup de changements s’opèrent pour lui à partir de là, particulièrement dans sa compréhension de la mission.
On peut affirmer que Charles de Foucauld a construit sa réponse de foi à l’amour de Dieu pour lui, sous le regard et dans la confrontation constante à d’autres croyants et à une autre religion irréductible aux simplifications qu’il pouvait en avoir. Le mot de dialogue serait probablement anachronique. Charles de Foucauld n’est pas dans une démarche de dialogue interreligieux au sens où nous l’entendons aujourd’hui avec ce qu’il suppose de gratuité – il doit être « sans calculs » disait Paul VI –, de parité et de réciprocité, et avec une dimension théologique que traduit l’expression de « dialogue de salut ». Mais comment ne pas reconnaître en Charles de Foucauld que la rencontre des croyants d’une autre religion est un facteur décisif de conversion, lorsqu’en fidélité à sa propre foi, on ne se dérobe pas aux appels reçus de ces autres. Ce fut le cas aussi bien pour l’aménokal Moussa que pour Charles de Foucauld.