Vues:
147
L’ambition de comprendre un pays, une époque, une société inspire un projet tel celui-ci : “Contes et légendes de la cité de Tlemcen. Le temps d’une vie”. C’est à la fois un journal de voyage des Abbassides à nos jours, un journal intime, le récit autobiographique d’un enfant de Tlemcen, un essai sur le paysage, une célébration de la promenade, un éloge de l’inspiration, des narrations d’une grand-mère à la manière d’une Schéhérazade.
L’auteur ne nous raconte pas que son vécu en Algérie, mais aussi en France. Il se plait à s’égarer sur des chemins de traverse, à se laisser guider au gré de son bonheur, des caprices du temps, des événements, des lieux, de la littérature comme de l’histoire de sa ville de Tlemcen.
De la guerre d’Algérie, il nous parle sans idée préconçue, passant des Almoravides aux Almohades, des Beni-Zianes aux Mérinides, des Juifs aux Pieds-Noirs, des grands hommes de l’Histoire à ceux du présent. Que voilà une entreprise périlleuse, mais qui est tentée ici ! Le lecteur s’embarquera pour une odyssée insolite, jalonnée de découvertes et d’émotions fortes. Le plaisir du souvenir, la grandeur du rêve et des illusions peuvent nous permettre d’accéder à la beauté de l’art et à la découverte d’une culture authentique, qu’il s’agisse d’ères antiques, médiévales ou de celles, fastueuses, d’Andalousie. Anecdotes, récits, extraits d’écrits d’historiens et de géographes “pré et post islamiques” mettant en scène des personnages ayant joué un rôle clé dans l’histoire de l’Algérie aussi et plus particulièrement dans celle – 12 – de la cité de Tlemcen, au riche patrimoine intellectuel et artistique. Le conte, quel moyen pédagogique par excellence ! Il n’y a pas de civilisation qui ait cultivé avec plus de passion que la musulmane, l’art de la fiction. Ses auteurs racontent pour divertir, instruire et émerveiller et pour, quelquefois, livrer un message, délivrer un enseignement. Ce sont paroles d’animaux à la morale bien établie quand bien même le faible y triompherait du plus fort, contes qui ne connaissent pas les frontières. L’imaginaire maghrébin en a fécondé sans nombre. Ceux de Tlemcen et de sa région ont été transmis à l’auteur par sa grand-mère qu’il appelle affectueusement : “Ma Khiti”, expression intraduisible qui associe “mère” et “soeur”. Ces pages fourmillent de faits divers au propre et au figuré. Il a été témoin des uns, il a imaginé ou entendu conter les autres. Fugitives, passagères ou, imprévisibles, des péripéties qui ont frappé, voire troublé son imagination. Aussi a-t-il mêlé visions et souvenirs vécus à ses joies, à ses peines et ce, justement, pour aider à une bonne connaissance des cultures. L’auteur laisse, en un mot parler son coeur tout en poursuivant son cheminement, ses recherches, son retour aux sources, jusqu’aux racines de l’enfance. « Ce que je raconte ne se réfère pas toujours à une date précise, j’ai vu, entendu, cela ne suffit-il pas ? J’oublie ce que je suis pour n’être plus qu’un homme à la recherche de soi »…nous précise-t-il en exergue. Voyage en somme initiatique d’une vie.
Préambule. Quand je confronte ma manière de vivre à celle de mon père, le contraste a de quoi me remplir d’étonnement et de trouble. La constatation de ce processus m’amène à réfléchir au style de vie des générations d’alors et tenter d’en relater quelques aspects. Tout ce qu’a pu enregistrer ma mémoire tente d’émerger, avec les mille détails rapportés tels qu’ils ont pu s’y graver. N’existaient, en ce temps-là, ni la minijupe, ni le blue-jean collant, ni la chevelure en broussaille, ni les produits surgelés, pas plus que la radio, la télévision, l’ordinateur ou les vols interplanétaires. Nos “anciens” trouvaient refuge, entre autres, dans la foi et la morale. La vie était rude, on ne gaspillait pas, on ne jetait pas le pain dans les poubelles. Exposés aux affres du quotidien et victimes de l’ignorance, nos pères luttaient les poings nus contre les rigueurs conjuguées de la nature et des hommes. La référence à mon passé et à celui de la Cité de Tlemcen, avec le souci constant de m’y rattacher pour maintenir vivaces les bonnes traditions, demeure l’objectif de ma démarche. Cette dernière aidera à mieux connaître et redéfinir les contours de mon enfance dont la silhouette s’est quelque peu estompée depuis que je réside en France. La guerre d’Algérie ajoutée aux deux conflagrations mondiales en l’espace d’une génération, les extraordinaires progrès techniques, la société de – 14 – consommation ont cassé les anciennes structures, bouleversé les conceptions de la vie. Cet essai consiste à présenter une suite de situations, de tableaux, pris sur le vif et emmagasinés dans mes souvenirs. La plupart du temps, je crée ces situations. Mi-espiègle, misérieux, j’anime quelques scènes. Il ne s’agit donc pas d’une oeuvre d’imagination, hormis quelques touches légères pour donner du relief aux gestes de la vie. Inspiré de faits vécus dans l’Ouest algérien : Oran, Tlemcen, Sidi Bel Abbès, Mostaganem et Descartes, aujourd’hui Ben Badis, le contexte peut refléter la réalité de n’importe quelle région de l’Algérie et même du Maroc ou de la Tunisie. Celui qui connaît la région identifiera aisément les descriptions qu’il trouvera dans les pages qui suivent. Cela, non sans faire preuve, à l’égard des indications qu’elles contiennent, de la prudence et de l’esprit critique qui sont de mise en pareille circonstance. N’oublions pas non plus qu’une autobiographie est elle-même par endroits une fiction. Ce n’est pas à proprement parler, mon journal, c’est celui de mon pays (bladi) : l’Algérie et cette région de l’Ouest algérien : Lamtar, Boukanéfis, Nédromah, Aïn Témouchent, Marnia, Oran…et Tlemcen. C’est une manière de vivre, peut-être oubliée des uns, inconnue des autres. Une vie jalonnée de faits et d’événements tragiques vécus par le pays. J’ai vécu ces épisodes, les sensations qui les accompagnent avec intensité. Les phrases entendues, leurs intonations, revivent avec précision, avec force. Les souvenirs, imprimés de façon indélébile, remontent en se bousculant des profondeurs du passé. C’est aider à cette remontée que tend ce livre, en s’appliquant à trier, à ordonner ces tendres images du passé fuyant de la petite enfance, à reconstituer, le plus fidèlement possible, ce puzzle. J’ai vécu ma prime enfance, comme un petit campagnard, amoureux de la nature, de tout ce qu’elle apporte, de tout ce qu’elle nourrit. « Cheï ma doumche, ma idoume kene faâle el khîr!. Rien ne dure, ne dure que le fait d’avoir fait du bien ! » Voilà la formule de ma grand-mère.