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L’ancien président de l’Observatoire de la laïcité, dissous par le gouvernement, Jean-Louis Bianco, a annoncé mercredi 9 juin 2021, la création de la Vigie de la laïcité. L’organisme « indépendant et citoyen », regroupe des philosophes, des historiens, des anthropologues mobilisés qui estiment que les « relectures de la loi de 1905 rompent son équilibre et menacent le consensus nécessaire autour de la laïcité ». Les travaux de ces « personnalités font référence » indique l’ancien ministre socialiste.
Quel sera le rôle de cette « vigie » ?
Elle se donne la mission d’être un outil citoyen, apportant les bases d’un raisonnement rigoureux, une information vérifiée non partisane, indépendante.
À propos de la laïcité, le débat public en France est trop caricatural. On cherche le buzz, les positions s’affirment avec dogmatisme. Alors que nos concitoyens expriment un besoin d’apaisement. Ce besoin, je l’ai ressenti au travers de mon travail au sein de l’Observatoire de la laïcité.
Observatoire qui sera remplacé par un comité ministériel sous l’autorité du Premier ministre. Une erreur selon vous ?
C’est une grosse erreur. Et l’aboutissement d’une offensive orchestrée depuis plusieurs années. Pour une raison simple, l’Observatoire de la laïcité était une voix indépendante. Il échappait à cette caricature.
Des institutions, des personnalités de presque toutes les formations politiques ont eu recours à ses avis. Il réunissait des experts de tous horizons, des parlementaires de la majorité et de l’opposition ainsi que les sept ministères les plus concernés. Nous avons toujours veillé à rendre des avis à l’unanimité, permettant d’avancer sur un terrain balisé, éclairé.
L’observatoire a été accusé de complaisance envers l’islamisme…
C’est moralement, politiquement et humainement scandaleux. Comme si nous avions été complices de l’assassinat du professeur Samuel Paty. Avec ses bénévoles, ses deux assistantes, un stagiaire une apprentie et son juriste, comment ces cinq personnes auraient-elles pu prévenir cet attentat ? À force de répéter un mensonge, il devient une vérité acquise. J’ai demandé qu’on me cite une seule déclaration de l’Observatoire attestant d’une supposée faiblesse. J’attends toujours…
Que répondez-vous à ces critiques ?
Nous avons toujours affirmé qu’il ne fallait rien laisser passer face aux atteintes concernant l’égalité entre les hommes, les discriminations générales. Quand on refuse de servir une femme à une table parce qu’elle est une femme, on désobéit aux lois de la République, on doit être sanctionné.
L’observatoire a demandé que les procureurs se saisissent de tout manquement aux lois de la République. Cette mesure de fermeté, nous l’avons obtenue. Et nous avons soutenu toutes les décisions sanctionnant des prêches, des comportements troublant l’ordre public, tentant de faire pression ou exaltant des valeurs incompatibles. Dans tous les cas où des lieux de culte ont été fermés, l’État est sorti victorieux des tribunaux.
Qu’est-ce qui menace le modèle français de laïcité ?
Qu’elle soit manipulée, dévoyée. Qu’on lui substitue un modèle qui s’oppose aux grands textes de notre histoire. La laïcité repose sur un équilibre précieux, permettant à chacun d’exercer sa liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer, de s’exprimer sans porter atteinte à la liberté des autres ni troubler l’ordre public.
La tentation aujourd’hui, est de lui opposer une vision bureaucratique, un contrôle des pouvoirs publics. Le débat parlementaire autour de la loi confortant les principes de la République, avec la série d’amendements qui ont été introduits, a pris la forme d’une sorte de concours général de fermeté verbale.
Cette menace est-elle surestimée ?
Il y a des tentatives de séparatisme, c’est vrai, mais ce n’est pas la France entière. Nous voulons montrer aussi qu’il existe des bonnes pratiques, que des communes, des collectivités, des administrations, des entreprises, des syndicats trouvent des solutions en respectant le droit.
Comment faire vivre la laïcité en France ?
En étant juste. En appliquant non pas l’humeur, le ressenti mais le droit. Rien que le droit. C’est la seule règle commune dans une société démocratique. Elle a prouvé qu’elle a su traverser l’histoire et qu’elle est plébiscitée par un grand nombre de Français. Elle préserve la liberté de chacun. Et nos sondages ont montré que les citoyens la comprenaient de plus en plus. Cela se fait hors des plateaux télé, dans la discussion.
Sur quoi travaillera « la Vigie » ?
D’abord sur le droit, un sujet d’actualité, débattu et interrogé. Nous poursuivrons les recherches sur les manifestations des atteintes à la laïcité, pour comprendre comment et pour quoi elles se manifestent et apaiser le climat.
On ne peut condamner avant d’avoir compris. Nous ouvrions également les yeux sur les autres pays confrontés aux mêmes problèmes.
Vous serez candidat pour présider cet organisme indépendant. Qui s’engage à vos côtés ?
Philosophes, juristes, sociologues anthropologues… Ces hommes et ces femmes partagent tous cette même conviction de base : la loi 1905 n’est pas intangible mais son esprit doit être préservé car on peut l’adapter aux défis du temps présents.
Nous accueillons trois des plus grands connaisseurs de la laïcité : l’historien Jean Baubérot, le politologue Philippe Portier, l’historienne Valentine Zuber, l’anthropologue Dounia Bouzar, spécialiste du fait religieux et de la radicalisation, Olivier Abel, philosophe et professeur de philosophie éthique, ainsi que Jean-Marc Schiappa, historien et président de l’Institut de recherches et d’études de la libre-pensée (Irelp). Leurs écrits font référence.
Quel regard portez-vous sur l’organisation du culte musulman et la crise que traverse son instance représentative ?
Il s’agit de la deuxième religion de France, donc d’un sujet important. Le Conseil français du culte musulman (CCFCM) a été créé sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy. Il n’est pas parfait, tous n’y sont pas représentés. Mais son président Mohammed Moussaoui a pris des positions très courageuses.
Présidentielle 2022. Et vous, quelles sont vos idées pour la France ?
me l’attentat contre Samuel Paty, il a publié une tribune affirmant : « Nous devons nous habituer à ce que nous soyons critiqués, caricaturés. C’est extrêmement douloureux, mais c’est la loi en France ». C’est un texte formidable, dans l’esprit de la République. L’action est conduite au niveau local, autour des préfets qui ont ouvert des conférences départementales. L’opinion veut des progrès rapides mais cela prendra du temps avant d’aboutir à la création d’une fédération, comme l’ont fait les protestants