La subvention par la mairie de Strasbourg, à hauteur de 2,5 millions d’euros, de la mosquée Eyyub Sultan – deux minarets à 40 mètres de haut, a suscité une levée de boucliers qui a conduit l’édile alsacienne à rétro-pédaler. Vendredi 16 avril, elle s’est fendue d’un communiqué pour expliquer qu’elle avait notamment conditionné cette subvention à la présentation d’un plan de financement « transparent et consolidé ». Une seconde condition qui n’était semble-t-il pas remplie. Les « porteurs du projet » ont donc retiré le 15 avril leur demande?de?subvention, a-t-elle expliqué. Et pan sur le bec de son adjoint chargé des cultes, l’écologiste Jean Werlen. En mars 2020, ce dernier félicitait dans Rue89 cette mosquée qui avait « fait de gros efforts pour entrer dans une rigueur administrative ». Après tout, ils avaient « déjà un comptable extérieur ». Ce n’était pas suffisant, semble-t-il.
Une quinzaine de gens ont donné 5 000 €. Vous trouvez ensuite une centaine de dons de 1 000 €. L’essentiel se situe entre 50 et 100 €. On distingue de nombreuses entreprises actives dans les travaux publics et le commerce de proximité
Il faut savoir que les projets de grandes mosquées sont doubles. Aux côtés de la salle de prière proprement dite, la partie cultuelle, vous trouvez des locaux pour que les fidèles se rencontrent, la partie culturelle. Le projet global de Millî Görüs s’élève à 32 millions d’euros, dont 25 635 998 pour la mosquée. L’association a demandé une aide de 10% à la mairie pour la partie cultuelle mais aussi 8% à la région et autant à la collectivité européenne d’Alsace (la CEA, issue de la fusion des deux départements). Vous avez calculé que Millî Görüs a donc demandé 26% d’argent public, comme il en a parfaitement le droit dans un territoire encore régi par le Concordat, soit 6,5 millions. Le reste (74%) doit être apporté par les dons des fidèles.
En octobre 2017, c’est la pose de la première pierre. La préfète est là. La maire est là. Tout le monde est content. Le chantier démarre. En juin 2019, les Dernières Nouvelles d’Alsace rapportent l’inquiétude des dirigeants de la future plus grande mosquée d’Europe. Ils n’ont reçu que 2 millions de dons. Il manque 16,5 millions pour la seule mosquée. En août 2019 l’édifice est construit à 50% mais le chantier s’arrête en plein été. L’association parle d’« un besoin de souffler avant de reprendre les travaux en octobre. » Plus rien ne se passe jusqu’au 20 janvier, quand trois fédérations du Conseil Français du Culte Musulman, dont Millî Görü, annoncent publiquement qu’elles refusent de signer la « charte des principes » de l’Islam de France, dont elles refusent même de prononcer le nom. Ce refus était déjà connu de Darmanin.
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Dès le 15 janvier, le ministre de l’Intérieur mettait en garde le président de la CEA contre l’association. Le 22 mars, la mairie de Strasbourg passait outre les avertissements de l’Intérieur et votait sa subvention. Le 26, les deux autres collectivités annonçaient qu’elles ne subventionneront pas les Franco-Turcs. La mairie les a rejoints le 16 avril. En attendant, l’affaire a fait du bruit, et les dons ont afflué. Ils sont passés de 1 600 euros en 2019 à plus d’un million au 16 avril. L’Incotidien s’est procuré la liste des donateurs. Il y en a 5 080. Quelqu’un a carrément donné un appartement d’une valeur de 35 000 €. Une quinzaine de gens ont donné 5 000 €. Vous trouvez ensuite une centaine de dons de 1 000 €. L’essentiel se situe entre 50 et 100 €. On distingue de nombreuses entreprises actives dans les travaux publics et le commerce de proximité.
Moralité, il faut maintenant que l’association trouve 31 millions, dont 24 pour la mosquée. En a-t-elle les moyens ? Non. En 2019, elle a réalisé un million d’euros de recette. Elle n’a pas les moyens. Ou alors il faut que quelqu’un de très riche mette plusieurs dizaines de millions d’euros, comme le Golfe ou un État peuvent le faire. Sauf que c’est devenu compliqué.