Grand entretien avec le maire de Cannes (LR) David Lisnard

David Lisnard est l’homme qui monte à droite. Mieux, il est celui dont on écoute les analyses. Sa tribune musclée sur l’obésité et l’inefficacité de l’État a impressionné les barons LR, de Sarkozy à Fillon. Car Lisnard ne se contente pas de critiquer, il propose et ne manque ni d’idées ni de convictions. Très confortablement réélu maire de Cannes (88% au premier tour), David Lisnard coche toutes les cases pour attirer l’attention. Et contrairement à d’autres figures à droite, difficile d’accuser cet épicurien non conformiste, fan des Ramones ou des Clash, du délit de « veste matelassée »… Et si David Lisnard, outsider improbable, refaisait le coup de Macron en 2022 ? Nous lui avons posé franchement la question.

David Angevin. La folie bureaucratique française que vous avez dénoncée dans le FigaroVox ne date pas d’hier. S’est-elle amplifiée sous Emmanuel Macron?

David Lisnard. Avec la crise sanitaire, la réponse de l’État a confirmé jusqu’à l’absurde les excès de la bureaucratie. Il y a eu pénurie de ce qui est essentiel (masques, tests, vaccins…) et une spirale administrative infernale de normes, de contraintes, et de privations de liberté. L’État obèse a entravé et ralentit les initiatives, quand les circonstances exigeaient rapidité et simplicité. Tout semble fait pour infantiliser les Français, empêcher les initiatives, et enkyster la société. L’État doit s’alléger, se concentrer sur le régalien pour plus d’efficacité, mais l’inverse se produit : on ajoute sans cesse des couches au mille-feuille. Jean Castex a annoncé l’invention de « sous-préfets à la relance » qui seront déployés sur les territoires, pour expliquer aux entrepreneurs comment faire leur boulot… Des sous-préfets à la relance qui seront eux-mêmes en concurrence avec les préfets et sous-préfets déjà en place, qui apprennent souvent les décisions du gouvernement par la presse… Nous avons besoin exactement du contraire : un État fort sur le régalien, léger, efficace, agile.

Lisnard candidat de la droite aux présidentielles, est-ce envisageable ?

Je ne me pose pas la question. Il serait ridicule d’afficher cette ambition, car je ne suis pas très connu. En revanche l’écho de cette tribune, et les réactions positives aux idées que je défends me poussent à continuer. Je vais le faire en proposant dans les prochains mois une plateforme programmatique sur quelques thèmes prioritaires. Et nous sortons mi-avril avec Christophe Tardieu un livre, La culture nous sauvera, sujet qui prend une résonnance particulière dans le contexte actuel.

Vous avez fait de Cannes un laboratoire en matière d’EAC — éducation artistique et culturelle— , et vous multipliez les initiatives pour combler les lacunes de l’Education nationale. Cela marche-t-il ?

L’éducation et la culture sont les clés de la réussite et de l’intégration dans la société. Quand Najat Vallaud-Belkacem a supprimé l’enseignement du grec et latin, en 2015 — énorme bêtise — je suis allé chercher deux profs pour faire de l’initiation en grec et latin (l’éducation nationale interdit d’utiliser le mot cours) de la maternelle jusqu’au CM2. Elles font le tour des établissements sur le temps périscolaire, et ça rencontre un large succès. Nous avons financé la même chose avec la philosophie dans nos écoles primaires. Un professeur passe une heure avec une classe, et travaille sur un thème. Pendant 20 minutes il explique un concept, par exemple le bonheur, la vérité ou la mort. Suivent 20 minutes de débat, de questions. Puis il termine par 20 minutes de bilan avec les enfants. J’ai assisté à certains modules, c’est formidable, y compris avec les plus jeunes. Il faut apprendre dès le plus jeune âge à exercer la raison critique, à décoder le monde, et non pas à coder de l’informatique !  L’intelligence artificielle fera cela mieux que nous dans un futur très proche.

« L’éducation artistique et culturelle, arme de liberté, d’égalité et de fraternité massive » est le slogan de cette politique. On pourrait vous taxer de naïf !

Avec la culture, chacun peut se créer un capital qui lui appartient et lui sert toute la vie. Ce projet est un vecteur de développement personnel, mais il s’agit aussi d’un ciment social.

Je suis inquiet et exaspéré par le rapport des enfants au smartphone et aux écrans

Découvrir la musique classique, apprendre une discipline, jouer dans une pièce de théâtre, d’un instrument en groupe… c’est une émancipation qui permet d’échapper au déterminisme social à la fois par l’effort qui élève et le plaisir émotionnel. Notre but n’est pas de faire des enfants des génies de la musique ou du théâtre, mais avant tout des citoyens, bien dans leur peau, heureux, qui apprennent à travailler en groupe, qui se réalisent dans un sentiment d’appartenance à un même projet et une même culture.

Vous réfléchissez à la création d’une « école du futur », expérimentale. Que reprochez-vous aux écoles classiques ?

Je vais le proposer à l’Éducation nationale, qui risque de dire non… mais je vais le faire quand même. Le défi, c’est de donner aux enfants les clés pour devenir des êtres libres, créatifs, avec une bonne culture générale, un sens critique développé, la capacité à écrire, à s’exprimer en public, à débattre, à travailler en groupe, etc. Il s’agit de favoriser les « soft skills », les «compétences douces ». L’école telle qu’on la connaît n’apprend pas la confiance en soi, l’intelligence émotionnelle, toutes ces aptitudes comportementales, transversales et humaines, qui dans le futur permettront aux jeunes de trouver leur place, à côté des algorithmes et de la robotique qui vont bouleverser le marché du travail. Or, la France n’anticipe pas du tout le changement de monde qui se prépare, sans vision à long terme. Nous continuons à former des jeunes à des métiers automatisables qui vont disparaître, ce qui est inadmissible. Autre problème, le contenu pédagogique. Je suis un parent comme les autres : quand je regarde les livres de cours ou les enseignements de mon fils en CM2, je suis parfois sidéré par ce qu’on propose aux enfants. Un prêchi-prêcha sur l’urgence climatique, les luttes intersectionelles, les transgenres, les cis, les combats LGBTQ+… Je n’ai aucun problème avec l’identité sexuelle des uns et des autres, mais qu’on cesse cet endoctrinement militant ! Pendant ce temps, nos enfants ne font plus de rédaction. À dix ans, apprendre à écrire correctement me semble pourtant plus essentiel que subir ce bourrage de crâne idéologique.

L’Education nationale, plus gros budget de l’Etat avec 55 milliards d’euros, ne brille pas par ses résultats. L’écart de niveau en français entre une copie des années soixante-dix et aujourd’hui est assez terrifiant…

En plus de succomber aux sujets militants à la mode, malgré les efforts de certains enseignants, inspecteurs et recteurs, l’Éducation nationale abandonne l’apprentissage des fondamentaux et la rigueur. Quand j’entends parler nos ados, y compris les filles, et qu’on regarde comment ils écrivent, on constate l’ampleur de l’échec : langage tribal, grossier…

L’islamo-gauchisme est une réalité indéniable

Ne restons pas les bras croisés devant cet échec, alors que des solutions simples et de bon sens existent. D’autres démocraties y parviennent.

Tout est-il imputable à l’école ? Michel Desmurget expose ce que chacun constate dans La Fabrique du crétin digital : l’impact négatif terrifiant du smarphone, des réseaux sociaux, des écrans en général, qui tuent la culture livresque…

Bien entendu. Je suis, comme tous les parents de France, inquiet et exaspéré par le rapport des enfants au smartphone et aux écrans. Heureusement, mes enfants comme tant d’autres ont compris qu’il faut faire des efforts, que dans la vie rien ne vient sans travail. Une étude évalue à 30 minutes le temps maximum d’exposition aux écrans au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. Or, dès deux ans, un enfant occidental passe en moyenne 3 heures par jour devant un écran. Entre 8 et 12 ans, c’est 4h45 par jour ! Entre 13 et 18 ans, on passe à 6h45 ! Il y a de quoi se poser des questions. Bien entendu, le smartphone est aussi un outil formidable, qui a démocratisé l’accès à la connaissance partout dans le monde. In fine, l’omniprésence du smartphone dans le vie des jeunes rend encore plus nécessaire l’apprentissage classique des savoirs. Ce n’est pas pour rien si les élites de la Silicon Valley placent leurs enfants dans des écoles sans écrans.

Lisnard-Portrait
Comment décririez-vous l’échiquier politique, qui a volé en éclats avec l’élection d’Emmanuel Macron ?

Il y a trois pôles politiques dominants. D’abord le pôle Macron: il a tous les pouvoirs, une présence médiatique énorme, en particulier depuis la crise sanitaire. Emmanuel Macron pratique la grandiloquence, souvent de façon théâtrale, et adapte son discours en fonction de ses interlocuteurs. Son Premier ministre semble dépassé et l’exécutif n’exécute pas grand chose. Le « en-même-tempstisme » poussé à son paroxysme, c’est la question du nucléaire: à lui de défendre le nucléaire, indispensable à notre pays, à sa ministre Pompili de fermer nos centrales pour racoler chez les verts… Le « en-même-tempstisme », c’est laisser ses courageux ministres Blanquer et Vidal seuls au front, se faire critiquer par un collègue ministre, alors qu’ils dénoncent l’islamo-gauchisme qui est une réalité indéniable. La manière du président de ne pas prendre position clairement est une façon de segmenter, de faire du marketing électoral.

Deuxième pôle puissant: Le Pen. Et enfin le pôle Mélenchon et les autres mouvements d’extrême gauche.

Ces trois pôles sont magnétiques dans le théâtre médiatique. Les partis dits de gouvernements, modérés, LR et PS, sont souvent inaudibles, alors que LR est le premier mouvement de France d’élus locaux. Ces trois pôles attirent ou repoussent les électeurs jadis modérés. J’observe une forte radicalisation: on voit des électeurs de droite modérés qui ont voté Macron et qui, déçus, sont prêts à tenter l’aventure Le Pen dont ils n’ont plus peur. Ils vous disent « Le Pen est incompétente, mais au moins elle fera un peu le ménage. Un peu comme Trump qui a secoué le cocotier politique ». C’est peut-être moins vrai avec l’électorat qui possède de l’épargne et ne veut pas risquer un effondrement de l’euro avec l’élection de Le Pen. Idem à gauche, avec des électeurs socialistes perdus, dont certains tentent l’aventure de l’extrême gauche en réaction à l’échec humiliant de Hollande. Faute d’un leader et d’un projet, ils sont prêts à l’aventure avec les verts et Mélenchon. Nous avons un échiquier politique instable, dangereux, dans lequel la raison, la rationalité, les valeurs de la France n’ont plus beaucoup de place. In fine, ces trois pôles sont vides de sens. Ce sont des radis creux idéologiques.

Comment redynamiser la droite, qui est aujourd’hui aussi inaudible que ce qu’on appelait « la gauche de gouvernement », feu le PS, dissous dans la sociale-écologie?

La droite classique, celle du conservatisme libéral, a du mal à exister dans ce schéma à trois pôles qui se renforcent mutuellement. En se droitisant un peu, du moins dans les discours, Macron a fait du mal à LR. Le Pen est plus haute que jamais sans avoir à bouger le petit doigt, et siphonne aussi de son côté. Il reste peu de place à la droite pour exister dans cette configuration et pourtant je ressens qu’une offre claire, crédible sur le redressement du pays, peut être majoritaire. Parallèlement, il existe aussi à gauche un très vaste espace ! Je pense qu’une politique rationnelle, une politique d’intérêt général dont la France a besoin, peut germer dans ces espaces en jachère et redonner du sens à l’ensemble de l’échiquier politique. L’islamo-gauchisme, les verts, la « cancel culture », le wokisme, le populisme d’extrême gauche, les anti 5G, anti vaccins, etc… ces militants buyants ont dévoré la gauche alors qu’ils sont ultra-minoritaires. La gauche républicaine est devenue encore plus inaudible que la droite en cédant à ce grand n’importe quoi. Ces démagogues sont puissants grâce aux médias. Je l’ai vécu quand j’ai été le premier maire à prendre un arrêté municipal contre le burkini pour régler des problèmes d’ordre public sur les plages de Cannes après l’attentat de Nice. J’ai vu ce qu’était cette machine à broyer islamo-gauchiste. C’était terrible : dénigrement permanent, menaces, mensonges, articles diffamatoires, trolls des réseaux sociaux… Il faut être solide et ne pas reculer.

L’État, qui semble bien démuni et timoré, peut-il encore résorber la fracture philosophique entre universalistes et racialistes ?

L’État doit évidemment sanctionner les actes de discrimination et de racisme quand ils existent. Heureusement, tous les enfants de l’immigration ne veulent pas une étiquette de victime sur le front, mais veulent l’égalité des chances et exister dans une identité plus riche qu’une simple origine. L’État doit aussi favoriser la transmission d’un patrimoine commun, par la culture et l’éducation, de ce qui fait la richesse de la France. Un pays n’est pas neutre spirituellement. La France, c’est un mode de vie, les grandes œuvres de l’esprit, une langue, un héritage qui est un substrat issu de la logique aristotélicienne, du droit romain, et donc du rapport à l’écrit, à la langue latine. La France c’est la culture judéo-chrétienne, qui a inventé notre civilisation, qui a créé cette notion de dignité humaine, dont d’ailleurs résulte l’abolition de l’esclavage. La notion de dignité individuelle n’existait pas chez les Grecs et les romains. Je me reconnais totalement dans les mots d’Ernest Renan sur la Nation. C’est limpide : « Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. La nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu ».

Nous devons être des transmetteurs, car sans racines, nous ne sommes rien. Hannah Arendt a écrit une chose capitale : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal ».

Or aujourd’hui nous nageons dans le vide qui résulte de la deconstruction relativiste et qui débouche sur une forme de nihilisme. Si les islamistes sont forts, c’est parce que nous sommes devenus faibles dans notre capacité à faire nation, dans notre capacité à transmettre l’héritage des Lumières, à être fiers d’être Français, quels que soient nos parcours, notre condition et nos origines. Je ne suis ni réactionnaire, ni naïf, mais il n’existe autre moyen que l’éducation et la culture pour relever ce défi.

La France, et l’Europe, sont largués dans les nouvelles technologies numériques. On parle de « grand déclassement » économique. Comment éviter que la France ne devienne le « Kodak des nations » ?

La France, et l’Europe, ne peuvent pas renoncer plus longtemps à être une puissance, à la hauteur de la Chine et des Etats-Unis. Or l’Europe est aujourd’hui une colonie numérique qui renonce à la compétition dans les secteurs de croissance de demain: intelligence artificielle, biotechnologies, nanotechnologies, robotique, numérique au sens large… Nous vivons une période formidable et enthousiasmante car ces technologies vont changer le monde potentiellement de façon positive dans tous les domaines — santé, écologie, fin de la pénibilité au travail, etc— , au point qu’on peut parler d’une nouvelle « Renaissance », ou d’une nouvelle Révolution industrielle. Nous avons des raisons d’être optimistes pour la France, pour l’emploi, pour notre prospérité, si nous devenons les acteurs de ces révolutions. Or, pour le moment, le futur s’invente ailleurs, sans nous, dans la Silicon Valley et dans la zone Asie-Pacifique, Chine, Corée et Japon.

Le « transhumanisme », la philosophie des géants du numérique, consiste à utiliser toute la puissance des technologies pour faire reculer la mort, vous fait-elle peur ?

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » , nous a appris Rabelais. Sortir de cet humanisme par la tentation prométhéenne absolue que recèle le transhumanisme constitue bien sûr un danger. Mais rien ne serait pire que de subir la révolution qui a commencé et qui va tant apporter. Tout au long de son histoire, l’homme a toujours essayé, par le biais du progrès technique, de moins souffrir, de moins vieillir, de se faciliter la vie, de l’invention de la roue à l’avion. Il n’y a rien de nouveau dans cette quête légitime. L’espérance de vie en bonne santé a progressé considérablement grâce aux sciences. La nouveauté, c’est que les outils actuels — IA, génomique — sont bien plus puissants, et connaissent une croissance exponentielle. Nous sommes encore à l’âge de pierre du numérique, pas à sa maturité. Et déjà l’intelligence artificielle prend une place considérable en médecine, et va permettre de soigner des maladies jusqu’ici incurables, comme les cancers. Personne ne va s’en plaindre ! Mais cet outil, comme tous les outils, peut aussi être utilisé avec la même puissance symétrique à des fins négatives. C’est pourquoi la France et l’Europe doivent être acteurs, et non pas spectateurs de cette révolution encore embryionnaire, pour peser sur la régulation éthique des futures applications. L’augmentation des capacités de l’homme par les implants et la génétique est un sujet majeur dont on doit enfin débattre, au-délà du cercle circonscrit des spécialistes de l’éthique. Ce sont des sujets éminemment politiques, philosophiques, économiques, qui concernent chaque citoyen.

Vous militez pour une DARPA à l’échelle européenne, la structure de recherche publique américaine à l’origine de nombreuses inventions (dont internet ou le GPS), qui expliquent l’hégémonie techno américaine, et de son bras armé économique les GAFAM…

Il est indispensable d’investir massivement dans une structure de ce type en lien avec la société civile. Nos décideurs n’ont rien vu venir du tsunami numérique à la fin 90-2000. Conséquence, la France, et l’Europe, ne pèsent pas suffisement face aux géants du Net, les GAFAM américains et les BATX chinois. Dans cette période de changement ultra rapide, faire de la politique ce n’est plus seulement bien gérer le présent, c’est anticiper l’avenir, comme savent le faire ces entreprises. Notre souveraineté et notre prospérité futures passeront par des investissements à la hauteur dans les technologies de rupture : intelligence artificielle, robotique, biotechnologies, nanotechnologies, impression 3D, etc…

Le maire de Cannes David Lisnard présente un bus témoin de son agglomération à la presse, avril 2020 © Lionel Urman/SIPA Numéro de reportage: 00959290_000016Le maire de Cannes David Lisnard présente un bus témoin de son agglomération à la presse, avril 2020 © Lionel Urman/SIPANuméro de reportage: 00959290_000016

La crise du Covid a encore accentué notre dépendance aux géants américains du Net, on l’a vu avec Amazon, « Teams » de Microsoft, le boom de Netflix, etc…

D’abord il y a urgence à réguler ces géants, mais rien ne bouge. Réguler, ce n’est pas seulement taxer ces entreprises, pour qu’elles payent leurs impôts en France, c’est aussi l’équité. Je suis pour peu de règles, mais des règles appliquées qui assurent l’équité dans la compétition internationale. Ce qui passe par la réciprocité dans les accords. Ensuite, et c’est capital, il est vain de critiquer ces entreprises sans chercher à les concurrencer. Pourquoi Apple emporte tout avec ses produits ? Parce qu’il y a alliance de l’esthétique, de la qualité, de la facilité d’utilisation, ofrant une expérience utilisateur optimale. N’en déplaise à ceux qui critiquent, la vision de Steve Jobs était la bonne. Même chose pour Google et les autres géants de la Tech. Quand le service est bon, ça marche. Personne ne force les clients à commander sur Amazon. Il faut donc éviter deux travers avec ces géants, les GAFAM américains, et les BATX chinois. Un, les haïr systématiquement sans regarder ce qu’ils apportent. Et deux, se soumettre avec fatalisme à leur toute-puissance, comme si les réguler – y compris par les lois anti trusts – et les concurrencer n’était pas possible. Ces plateformes sont fortes de nos renoncements et avant tout de nos faiblesses créatives, entrepreneuriales et capitalistiques. Dans la Silicon Valley, ils ont les trois. Ils transforment leurs bonnes idées en factures, ce que nous ne savons plus suffisamment faire.

Sur le sujet du réchauffement climatique ce sont les extrémistes qui ont le monopole de la parole

La France a pourtant tous les ingrédients pour devenir un Eldorado de prospérité. Nous avons une jeunesse tonique, des entrepreneurs et des chercheurs remarquables, et une culture et des valeurs typiquement françaises, contrairement à ce qu’avait affirmé le Président de la République. Notre problème majeur, c’est la structure capitalistique. On a du financement bancaire pour créer de petites entreprises, on a les grandes entreprises du CAC 40, mais entre les deux c’est un peu le désert… Les ETI et les start-up les plus brillantes galèrent pour trouver de l’argent et décoller. Beaucoup partent à l’étranger. Ou sont rachetés.

Il nous manque des fonds d’investissement puissants pour exister à l’échelle européenne et mondiale.

Autre enjeu mondial: la lutte contre le dérèglement climatique. La décroissance est-elle une solution?

La lutte contre le réchauffement climatique et la biodiversité sont des enjeux majeurs.

Malheureusement, sur ces sujets encore, ce sont les extrémistes qui ont le monopole de la parole. L’écologie est un sujet transpartisan, qui n’a rien à voir avec l’extrême gauche, et la décroissance ne résoudrait rien. Je suis atterré de voir une ado déscolarisée, Greta Thunberg, politiquement manipulée, visiblement fragile sur le plan psy, accueillie à l’Assemblée Nationale comme si c’était le messie. C’est fou ! Je suis abasourdi par le discours malthusianisme des « effondristes » écolo, qui veulent tout interdire, y compris la science, le progrès. Seule la recherche et l’innovation nous permettront de lutter efficacement contre les émissions de CO2. En attendant des technologies révolutionnaires, nous avons le nucléaire, qui permet de produire en masse sans émission de CO2. L’idéologie écologiste, qui pousse à rouvrir les centrales à charbon ultra-polluantes est un bel exemple « d’écocide », comme ils disent.

A quoi pourrait ressembler une bonne politique écolo, loin des délires collapso-marxistes EELV, applicable sans tuer l’économie et brider nos libertés ?

En passant, EELV n’a pas le monopole des propositions farfelues. Madame Pompili, ministre du gouvernement Macron, a cette ambition délirante: nous faire « changer de civilisation ». Rien de moins ! Aux dernières nouvelles, les Français n’ont pas donné mandat au président pour cela. Ce n’était pas dans son programme. Cette volonté révèle une pensée très dangereuse et liberticide.

Par ailleurs, la gauche dans son ensemble soutient une écologie qui nous mène droit dans le mur. Celui d’une idéologie de culpabilité, sclérosante et triste. La politique écologique peut et doit résoudre les problèmes environnementaux par la science et l’énergie créative de l’homme. Mettre des copeaux de bois dans les cours d’école, et transformer Paris en ZAD géante ne résoudra rien. La France doit miser sur la R&D, publique et privée, sur toutes les technologies permettant de lutter contre le réchauffement climatique d’origine anthropique, les émissions de particules fines, et pour la préservation de la biodiversité. Nous avons raté les premières étapes de la troisième révolution industrielle avec le numérique. Ne ratons la révolution de « l’écologie sociale de marché », pour reprendre la très simple et bonne expression du député Jean-Louis Thiériot. Pour finir, et c’est essentiel, une écologie qui enlaidit la France n’est pas une écologie. Les éoliennes transforment nos paysages naturels en zone industrielle. N’oublions pas que la finalité est la qualité de vie, et que celle-ci passe par la beauté et la poésie des espaces. Nous devons par ailleurs cesser de gaspiller l’espace avec les centres commerciaux hideux de périphérie urbaine, qui enlaidissent, imperméabilisent les sols, et réduisent les terres agricoles.