Vues:
1 073
Les degrés de la connaissance
On n’a peut-être jamais autant débattu autour de la foi et de la raison qu’aujourd’hui. Cependant, pour saisir les relations réelles qui existent entre elles, il est avant tout nécessaire de préciser les significations et les réalités que peuvent exprimer ces termes. Dans ce débat, les confusions et les glissements de sens alimentent souvent des incompréhensions et des non-sens, empêchant de résoudre des oppositions ou des contradictions qui ne sont, le plus souvent, qu’apparentes.
A cet égard, les écrits doctrinaux des grands savants de l’Islam, et en particulier l’œuvre de l’imam Abu Hamid al-Ghazali (1058-1111) sont tout à fait significatifs. Ce qui est remarquable dans les écrits de l’imam, chaque fois qu’il aborde, étudie, et approfondit un sujet ou une notion particulière, c’est qu’il s’attache toujours préalablement à définir ses réalités multiples en en montrant les différents aspects, sans jamais tomber dans le schématisme ou la simplification.
Ainsi procède Ghazali avec des notions aussi fondamentales que la connaissance, l’intellect, la raison, et la foi chez l’homme. Fidèle aux données du Coran et de la Tradition prophétique, l’imam Ghazali rappelle d’abord la nature et les composantes de l’être humain avec ses différentes facultés de connaissance. Dans son célèbre Al-munqidh min ad-dalâl, il explique les phases successives de formation des facultés en l’homme, grâce auxquelles celui-ci accède à des niveaux de compréhension de la réalité de plus en plus profonds, depuis l’appréhension sensible au discernement, puis à la raison ; et « au-dessus de ce dernier stade, il y en a un autre où s’ouvre un autre œil ; c’est par cet œil que l’homme découvre ce qui est caché, comme l’avenir et d’autres choses d’où la raison est exclue, tout comme la faculté de discernement est exclue de la compréhension des choses rationnelles, et les facultés sensorielles sont exclues des choses dont la compréhension relève du discernement. »[2]
Ailleurs, dans son traité intitulé Mishkât al-anwâr, l’imam Ghazali expose ce qu’il nomme « les facultés humaines de nature lumineuse », suivant leurs différents degrés : la faculté sensible, la faculté imaginative, la faculté rationnelle, la faculté cogitative, et la faculté sainte prophétique. A chacune de ces facultés correspondent des propriétés, des limites ainsi qu’un domaine de connaissances et de compétences.
Nous ajouterons, à titre de comparaison, que ce que l’on nomme « raison » de nos jours, surtout depuis Descartes, ne se rapporte qu’aux facultés imaginative, rationnelle et cogitative, ou du moins à des usages spécifiques de ces facultés mentales. Contrairement à la pensée moderne qui réduit l’intelligence humaine et les moyens de la connaissance aux quatre premières facultés, et qui nie la possibilité d’une connaissance supérieure, « supra-rationnelle » ou « métaphysique » – pour reprendre l’expression du Shaykh ‘Abd-al-Wâhid Yahyâ Guénon[3] –, l’imam Ghazali reconnaît pleinement l’existence et la supériorité de la « faculté sainte prophétique » par laquelle l’être humain dépasse le niveau purement rationnel pour pénétrer la réalité intime et cachée des choses divines : « C’est dans la connaissance intuitive prophétique que se dévoilent les dispositions de l’Invisible, les lois de l’Autre monde, tout un ensemble de connaissances issues du Royaume des Cieux et de la Terre, et même des connaissances “seigneuriales” qui dépassent les capacités des facultés rationnelles et cogitatives. C’est à cette faculté sainte que Dieu fait allusion en disant : Et c’est ainsi que Nous t’avons révélé un Esprit issu de Notre ordre, alors qu’auparavant tu ne connaissais ni l’Ecriture ni la foi. Nous en avons fait une lumière par laquelle Nous guidons qui Nous voulons parmi Nos serviteurs[4]. »[5]
Il y a donc un niveau situé au-delà de la raison, où se dévoile ce qui ne se manifeste pas à elle. Selon Ghazali, ce n’est pas plus difficile à admettre que le fait que la raison correspond elle-même à un niveau qui se situe au-delà du discernement et de la sensation. L’homme possède un « œil » interne qui lui permet de voir les réalités supra-sensibles, et d’être éclairé par les lumières célestes d’abord, puis par la Lumière divine. Cet « œil » intérieur, c’est l’intellect (‘aql), appelé aussi « esprit » (rûh), par lequel s’opère la « vision spirituelle » (basîra) : « Il n’est donc pas impossible qu’existe une personne à qui les vérités spirituelles sont dévoilées, sans pour autant être chargée de réformer les créatures.
Ce dernier type de personne n’est pas qualifié de “prophète” mais de “saint” (walî). Quiconque croit aux prophètes et à la vision véridique (ru’yâ) doit nécessairement attester la réalité de l’intuition spirituelle, c’est-à-dire croire qu’il existe une porte du cœur ouvrant sur le monde du Royaume céleste, la porte de l’inspiration et de la révélation. »[6] Suivant l’analogie entre le monde visible (‘âlam al-mulk) et le monde céleste (‘âlam al-malakût), l’imam Ghazali compare la vision intérieure (basîra) à la vision extérieure (basar), en expliquant qu’il existe donc deux sortes d’yeux : un œil externe, qui appartient au monde sensible et visible, et un œil interne qui appartient à un autre monde, le Royaume céleste.
Et l’imam d’ajouter : « Les versets du Coran sont pour l’œil de l’intellect ce qu’est la lumière du soleil pour l’œil externe. […] A chaque œil correspondent respectivement un soleil et une lumière par lesquels sa vision s’accomplit. Il y a un soleil extérieur et un soleil intérieur. Le soleil extérieur appartient au monde visible et c’est le soleil sensible ; le soleil intérieur appartient au monde du Royaume céleste, il s’identifie au Coran et aux autres Livres divins révélés. »[7]
C’est en fait la perte du sens profond et spirituel de l’intelligence qui est à l’origine de l’oubli, voire de la négation de cette Connaissance surnaturelle. En maître attentionné et patient à l’égard de ses étudiants, l’imam Ghazali s’attache ainsi, dans le premier chapitre de son œuvre majeure Revivification des sciences de la religion, consacré à la Science[8], à expliquer ce qu’il faut entendre par « science » (‘ilm), et ce qu’est la connaissance véritable, en exposant la « réalité de l’intellect et sa noblesse » : « Les sciences religieuses constituent la doctrine qui traite de la voie menant à l’Au-delà. Elle ne s’atteint que grâce à la perfection et à la pureté de l’intelligence qui est la plus noble des qualités de l’homme. Par l’intellect, nous recevons le don de Dieu, et par l’intellect nous nous rapprochons de Lui.
Son utilité ne fait aucun doute : l’utilité et le fruit en sont le Bonheur dans l’Au-delà. »[9] Ailleurs, Ghazali précise : « On désigne par le mot ‘aql la connaissance des choses dans leur réalité véritable ; en d’autres termes c’est une catégorie de la connaissance dont le siège est dans le cœur, ce par quoi s’effectue la compréhension en matière de sciences de la religion. »[10] Puisque « la lumière de la vision intérieure » permet de connaître Dieu et l’authenticité de Ses envoyés, la Révélation ne peut être comprise réellement que par « l’œil de la certitude et la lumière de la foi », que l’imam identifiera finalement avec la réalité profonde de l’intellect : « C’est une qualité cachée par laquelle l’être humain se distingue des animaux, lui permettant de saisir intuitivement la réalité profonde des choses. »[11]
Ghazali identifie le ‘aql au qalb, le cœur, dont la faculté de connaissance est justement appelée « vision » par le Coran : Le cœur n’a pas démenti ce qu’il a vu[12], à propos de l’Ascension céleste du prophète Muhammad – que la grâce et la paix de Dieu soient sur lui – auprès de Dieu. C’est au cœur que le Coran s’adresse en particulier, en tant qu’il constitue le réceptacle des lumières divines et l’organe de compréhension du message divin : Ce ne sont pas leurs yeux mais leurs cœurs qui sont aveugles[13] ; il y a dans tout cela un rappel pour celui qui possède un cœur [capable de saisir]…[14]
L’imam dira ainsi naturellement, dans la définition principale qu’il donne du cœur : « Le cœur est un élément subtil, à la fois divin et spirituel (latîfa rabbâniyya rûhiyya), qui est analogue au cœur physique. Cet élément subtil représente la réalité de l’homme ; c’est en lui que l’homme comprend, sait, connaît… »[15] Au-delà de la raison, le cœur réalise la certitude intérieure dans la contemplation de Dieu par la lumière de l’œil interne, lorsque l’intellect est libéré des voiles de la conjecture et de l’imagination : Nous t’avons ôté ton voile, et, aujourd’hui, ta vue est perçante ![16]
A suivre…. [1] Coran 58 : 11.
[2] Trad. française par Hassan Boutaleb sous le titre La délivrance de l’erreur, Albouraq, Paris, 2002.
[3] Sur la figure du Shaykh ‘Abd-al-Wâhid Yahyâ et son œuvre, nous renvoyons à notre introduction et traduction de l’ouvrage du Shaykh ‘Abd-al-Halîm Mahmûd, Un soufi d’Occident, René Guénon, Albouraq, 2007. [4] Coran 42 : 52.
[5] Trad. française par Roger Deladrière sous le titre Le tabernacle des lumières, Le Seuil, Paris, 1981.
[6] Al-munqidh min ad-dalâl.
[7] Cf. Le tabernacle des lumières, pp. 45-46.
[8] Al-Ghazali, Le livre de la Science, présenté, traduit et annoté par A. Gouraud, Albouraq, 2010.
[9] Ihyâ’ ‘ulûm ad-dîn, I, kitâb al-‘ilm, p. 22 de l’édition libanaise de Dâr al-Jayl en 6 volumes. Toutes nos citations tirées de l’Ihyâ’ se basent sur cette édition.
[10] Ibid.
[11] Ihyâ’, I, kitâb al-‘ilm, p. 116. Dans son Munqidh, l’imam Ghazali écrit : « Or, sache-le ! Il y a effectivement dans le cœur de l’homme un œil (‘ayn) qui possède la perfection de la vision intérieure. On l’appelle tantôt intellect (‘aql), tantôt esprit (rûh), tantôt âme humaine (nafs insânî). Laisse de côté la question de ces différentes dénominations, qui font croire aux gens peu clairvoyants qu’elles s’appliquent à des réalités multiples ! »
[12] Coran 53 : 11.
[13] Coran 22 : 46.
[14] Coran 50 : 37.
[15] Ihyâ’, III, kitâb sharh ‘ajâ’ib al-qalb, p. 113.
[16] Coran 50 : 22.
3Partager Culte Interprétation du Coran Spiritualité Théologie musulmane
Jean Abd-al-Wadoud Gouraud
Institut des Hautes Etudes Islamiques. Enseignant à la Grande Mosquée de Lyon, Jean Abd-al-Wadoud Gouraud a traduit et annoté le “Livre de la Science” et les “Piliers de la foi musulmane” d’Al Ghazali aux éditions Albouraq.
Du même auteur, à lire sur oumma.com :
Vos réactions et commentaires sur cet article
6 avril 2010 Waglioni a dit : @(à suivre) Liliane Bénard, vous coupez court à la contradiction que j’apportais par un simple
« Il n’y a pas de place ici pour un cours d’histoire de la philosophie »
puis vous affirmez à nouveau,
« Descartes a bien rêvé que l’homme, armé de la science, devienne immortel »
comme si la répétition d’une fausseté pouvait en garantir la validation (et là, vous n’avez pas tort, on le sait d’expérience). Mais non, je suis au regret de vous contredire à nouveau, à moins que vous ne fussiez parvenue à pareil diagnostic par quelque exercice d’analyse onirocritique (vous parlez bien de “rêve”). Descartes n’a jamais associé l’immortalité qu’à l’âme, et encore était-ce pour en discuter la possibilité. Il ne s’agit pas ici, dans ce forum, de donner ou de recevoir un cours d’histoire de la philosophie, mais de discuter posément et d’apporter des informations fiables, si possible. Ne voyez là rien d’autre, rien de personnel, il n’y a aucune honte à se tromper, je suis moi-même très heureux quand j’apprends que j’avais tout faux et que je doive réviser mes classiques.
6 avril 2010 diesty a dit : Ghazali c’est le triomphe de la foi sur la science mécréante
6 avril 2010 kazdin a dit : Parlant de science et de transcendance, Rabelais a dit : “science sans conscience n’est que ruine de l’âme” ; et pour Averroès, “le vrai ne peut contredire le vrai” ; entendre par là la science ne peut contredire la foi. La science sans la perspective d’un au-delà de soi est sans signification. La foi sans la recherche de ce qu’est le monde réel, le monde physique, n’est qu’un dogmatisme stérile.
6 avril 2010 shanez a dit :
A Laic :”Là réside le vrai danger. C’est de voir qu’on peut prendre au sérieux des délires intellectuels sans aucun fondements parce qu’on attribue une once d’autorité morale à celui qui les dispense.”
Vous parlez pour vos référants à vous ? Alors vous avez raison, ce en qui vous croyez vous dispensent un discours qui vous rassure et vous donne l’impression d’exister, d’avoir une raison de vivre !!!
Ce qui est assez paradoxal c’est votre présence sur ce site, qui semble bien confirmez que vos référents ne sont pas trés convaincants !
6 avril 2010 Beaumont a dit : Les confusions sont presques normales. On n’a pas les memes religions, la même culture souvent, donc on n’a pas les mêmes significations, les mêmes importances, chacun a sa propre façon de voir et de percevoir le monde.
Mais ce n’est pas pour autant que l’ont ne peut pas se comprendre, il faut beaucoup de patience et de temps.
Ce casino en ligne vous fera écarquiller les yeux lorsque vous verrez toutes les opportunités de jeu et les sommes que le casino en ligne alloue à ceux qui aiment jouer pour leur permettre de gagner.
6 avril 2010 Mamyli a dit : Waglioni, Il n’y a pas de place ici pour un cours d’histoire de la philosophie. Descartes a bien rêvé que l’homme, armé de la science, devienne immortel. Des écologistes contemporains en rêvent aussi…
Je voulais simplement souligner que Dieu Seul décide de la naissance et de la mort d’un être humain même si le contrôle des naissances et les soins palliatifs sont des produits des sciences. Il n’y a pas de contradiction. De grands savants sont des croyants sincères et attestent leur foi.
Les excès à critiquer sont classiques : celui qui ne fait pas usage de sa raison, don de Dieu, est simplement paresseux. Il faut faire la science. Les scientistes qui oublient que la foi permet le progrès et le changement sont tout aussi éveugles et ignorants.
(à suivre) Liliane Bénard
6 avril 2010 Waglioni a dit : Sans doute dans un souci d’oecuménisme, l’auteur associe Guénon à Ghazali. Il fallait oser, et après tout, Paris valait bien une messe. Mais disons très simplement que cela relève d’un comportement dyslexique, que cela ne peut produire que des formules antilogiques, et que sur le tapis (vert) d’une disputatio de novices, cette association ne tiendrait pas une seconde.
Note @ Liliane Bénard qui écrit : « Descartes pour sa part croyait que la science allait rendre l’homme immortel »
alors, à moins qu’une de ses méditations m’ait largement échappé, je n’ai aucun souvenir d’un tel de ses propos. D’abord il n’a jamais pensé “la science”. Ensuite s’il a en effet longtemps cru et proclamé qu’il pensait avoir découvert le moyen de vivre très vieux en conservant une bonne santé, c’était sans le secours d’aucun moyen “scientifique”, mais bien au contraire en cultivant son jardin (potager), loin des soucis du monde. J’ajouterai qu’il ne se référait non plus à aucun subterfuge ni à aucune recherche d’ordre alchimique, à moins que le “bien vivre” ne soit le but ultime de cette doctrine, mais c’est aussi celui de beaucoup d’autres et l’on perdrait son temps à les énumérer.
5 avril 2010 Alsouf =le Sage Rebel= a dit : pourquoi ! pourquoi !pourquoi ! des longs débats sans fin… alors qu’il suffit d’être à l’Eveil de Son Souffle par l’Observation du vécu… à travers le monde…..
que nous apporte chaque jour la science de la technologie matérialiste de nos savant… qui nous rapprocher encore un peu plus vers la perception de la conception de “Sa Réalisation”…
qui permet en notre intérieure de sentir “La Sacralité” de “La Grandeur” de “Son Existence”……
ç’est de l’Ibâda constant sans perception extérieure, il est vrai que son application n’est pas à la portée de tous les tempéraments, mais qui mérite de le vivre…
respect fraternel…
Alsouyf =le Sage Rebel=
5 avril 2010 Alsouf =le Sage Rebel= a dit : Science de “l’Islam” est complète…
Les Musulmans l’ont enfermée dans un dogme…avec ses contraintes et ses conséquences, qui freinent à l’Evolution de l’Esprit… pour la compréhension à travers Sa Création.. le Rationel de “Sa Réalité” …
(de notre regard horizontal…élevons notre réflexion intérieure, en toute lucidité, vers le regard Ascendant de “Sa Clarté”…) mes respects à tous…
Alsouf =le Sage Rebel=
5 avril 2010 damen a dit : “la sincèrité de la foi, peut brouiller la clareté de l’intelligence” Je pense que la nation de Muhhamed (saw) à anesthésié la raison et l’intellects, et nous sommes focaliser sur la reproduction et nous nous sommes arrêter à ce que nos ancêtres ont dit et ont fait. Notre porte de sortie de ce que nous vivions comme retard civilisationnel, il faut réactiver notre intellect, repenser notre comportement envers notre Dine qui est l’islam et lui redonner sa dimension universelle comme notre seigneur le veux. Nous confondons Rûh avec l’âme, et c’est ainsi que nous avons tué le savoir.
4 avril 2010 Alsouf =le Sage Rebel= a dit :
…De La Rationalité…à…La Sacralité
“IL”… a communiqué à “l’Homme”…La Rationalité… de… “Son Existence”…. par La Création…
( la Science Humaine à travers sa Recherche…confirme cette “Technicité Naturelle”…)
…pour qu’il puisse entretenir en son intérieure…”La Sacralité”…de son état spirituel…
en toute modestie…..
Alsouf =le Sage Rebel=
4 avril 2010 Rachid Zani a dit : “l’état actuel désastreux des sociétés musulmanes” est dû en partie à cause qu’on leur a subtilisé la connaissance pour un vil prix.
Si vous voulez éduquer un peuple en bonne citoyenneté il faut commencer par l’intégrer dans votre système,vous obtiendrez bien plus qu’il ne vous coute ,c’est tout aussi simple.
3 avril 2010 Liliane Bénard a dit : Il est vrai que la doctrine des facultés a été contestée par les psychologues contemporains.
Reste cependant la distinction entre une conscience intuitive et une conscience rationnelle, pas si éloignée de la différence entre le coeur et la raison.
Je ne suis pas sûre que la connaissance métaphysique soit supérieure à la connaissance scientifique. Toute connaissance dépend de son objet et de sa méthode. Si l’objet de la métaphysique est l’être en lui-même, c’est-à-dire la réalité, Dieu lui-même, nous voyons bien que l’homme n’a guère les moyens de le connaître. Une telle prétention ne nous induirait-elle pas en erreur, vue par surcroît la multiplicité des religions ?
Ghazalî est aussi parti de cette constatation dans son Erreur et délivrance, présenté ici par Abd El-Wadoud Gouraud.
Les sciences ont des objets plus limités et des méthodes accessibles à des spécialistes. Elles conduisent de plus à des certitudes qui font finalement l’accord des esprits.
Qu’il s’agisse pourtant de métaphysique ou des sciences de la nature ou de l’homme, on part d’axiomes indémontrables rationnellement, nécessaires pourtant pour progresser. Les sciences font aussi appel à l’intuition…
La méthode du dévoilement est complexe. La psychologie contemporaine fait appel aux rêves et à leur interprétation…elle étudie aussi les mystiques…auxquels Ghazali se réfère à son tour…
À suivre après l’article suivant… Liliane Bénard
3 avril 2010 mécréant a dit : Cette soit-disant connaissance supérieure à la Raison ne résiste pas au verdict de l’Histoire : L’empire ottoman, un des plus long et stable de l’histoire, n’a strictement rien ajouté aux connaissances humaines ; donc, on peut en conclure que cette prétendue “connaissance spirituelle”, EMPECHE, au contraire, le libre exercice de la Science. Ce qui est confirmé par l’état actuel désastreux des sociétés musulmanes contemporaines en terme de niveau scientifique.
3 avril 2010 Laïc n’est-il pas l’exemple type des “intellectuels” laïcs voués à la dissolution ?. Incapables de se ressourcer en amont, faut pas compter sur eux pour s’en sortir, ils restent dans la fuite en avant … quand ils ne sombrent pas carrément dans la paranoïa … .
3 avril 2010 Mamyli a dit : Cher laïc, la question est sans doute plus grave lorsqu’il nous est demandé de penser par nous-mêmes, c’est-à-dire de faire usage de notre raison.
Les messages de la révélation nous permettent de faire la différence sur un même plan d’immanence, en bonne laïcité.
L’appel qui résonne alors à la vision des deux yeux et au coeur de l’homme importe…
Nous ne saurions faire divorcer les anciens ni les modernes, y compris les soufies, mystiques de l’islam…qu’il reste à entendre…même s’ils sont convertis à l’islam, c’est-à-dire à la soumission à Dieu, Seul être transcendant.
Amitiés. Liliane Bénard.
3 avril 2010 Zemip a dit : A laïc : vous êtes en forme ? C’est vrai que le propos de l’auteur est “complexe”, mais avez vous déjà lu les encycliques et autres écritures théologiques ? Même topo non ?
2 avril 2010 laïc. a dit :
Là réside le vrai danger. C’est de voir qu’on peut prendre au sérieux des délires intellectuels sans aucun fondements parce qu’on attribue une once d’autorité morale à celui qui les dispense.
Tout jugement critique disparait.
C’est affligeant !
2 avril 2010 Mamyli a dit : Le sujet de cet article d’ Abd El-Wadud Gouraud semble rhétorique opposant la réalité à l’illusion ainsi que la foi et la raison.
Il est pourtant si vrai qu’Al-Ghazali essaie de nous délivrer de l’erreur et ce n’est pas facile car le progrès n’est possible qu’après que l’on ait pris conscience de notre erreur.
La foi s’opposerait-elle à la raison ? Non sans doute en vertu du principe de non-contradiction de cette même raison. La foi va pourtant au-delà en en faisant un usage différent.
La complexité est en question et Abd El Wadud Gouraud l’a bien vu. Le Coran ne dit-il pas que l’homme est incapable de prévoir l’avenir comme le jour de sa mort ou son entrée en enfer ou au Paradis. N’ajoute-t-il pas cependant que l’homme a une raison qui lui permet de prévoir scientifiquement bien des choses comme sa mortalité et certaines conséquences de ses actes ? Descartes pour sa part croyait que la science allait rendre l’homme immortel !
Il était un homme du passé. En notre temps, la gestion de la complexité est pourtant facilitée comme nous le dit Ghazali (autre homme du passé) mais aussi Éric Geoffroy, notre contemporain, s’appuyant tous deux sur le Coran par la vision des deux yeux sans contradiction avec le coeur.
Nous aurons bien besoin d’un autre article pour préciser les conditions d’une vie plus perçante…
Cordialement. Liliane Bénard
2 avril 2010 Kamel a dit : Merci M. Gouraud pour cet éclairage fascinant d’un grand spirituel de l’islam.
2 avril 2010 AlHorriafiislam a dit : Al Ghazali, encore et encore et encore lui, alors que ce sont ces idées qui ont sclérosées l’islam tel qu’il ets aujourd’hui. Nous devrions plutôt lire Ibn Rushd au lieu d’Al Ghazali qui a tué la philosophe et la science
par Jean Abd-al-Wadoud Gouraud – Les piliers de la foi musulmane