«La menace? Elle est plus qu’écarlate ; je n’ai jamais vu cela.» C’est l’un des préfets les plus calés sur les sujets terroristes qui le dit, quelques heures seulement après le terrible attentat qui a causé trois morts dans une attaque au couteau en pleine église, à Nice (Alpes-Maritimes), ce jeudi. Selon cet expert très proche de Gérald Darmanin, «il y a entre Avignon et la Côte d’Azur une concentration d’islamistes radicaux qui veulent en découdre» .
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«Tous les jours, je mobilise mes policiers, mes gendarmes, les militaires de l’opération “Sentinelle”, pour protéger ce qui doit l’être, mais il y a tant à faire, si l’on ajoute les bâtiments et intérêts arméniens à sécuriser dans ce contexte de tension avec la Turquie» , déclare ce grand commis. Il ne lui a pas échappé que la journée a été marquée par d’autres attaques de même nature, à Lyon , mais aussi en Arabie saoudite , où un homme armé s’en est pris à un vigile du consulat de France à Jeddah. Un haut responsable au ministère de l’Intérieur à Paris l’assure: «La France est attaquée parce qu’elle est une ligne de front, parce que c’est un pays laïc qui ne se laisse pas faire.»
En déplacement au siège de la direction générale de la sécurité intérieure le 31 août dernier, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, avait alerté sur le niveau de la menace. Il la considérait déjà comme «extrêmement élevée» . Il la qualifiait même sans détour: «Le risque terroriste d’origine sunnite (est) la principale menace à laquelle est confronté notre pays»
Des individus même pas fichés
L’ennemi peut aujourd’hui bousculer tous les schémas. Selon l’hôte de Beauvau, «la menace représentée par des individus adeptes d’un islam radical, sensibles à la propagande, mais non nécessairement liés à un groupe constitué, devient un défi croissant pour les services de renseignement.» Plus de 8000 personnes sont inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Ces profils sont à réévaluer sans cesse. Or les derniers terroristes qui ont frappé en France n’étaient même pas fichés à l’antiterrorisme. Ils sont quasiment imprévisibles. Abdoullakh Anzorov , 18 ans, le tueur de Samuel Paty, s’est radicalisé en moins d’un an.
Autre menace: les sortants de prison. La France compte plus de 500 détenus terroristes en lien avec la mouvance islamiste. S’y ajoutent plus de 700 détenus de droit commun susceptibles de radicalisation. À la fin de l’année, une cinquantaine de détenus condamnés pour des faits d’association de malfaiteurs terroristes auront été libérés. En 2021, ils seront une soixantaine. Or le suivi antiterroriste postcarcéral par les services de renseignement ne peut durer que six mois, renouvelables une fois, dans des conditions très restrictives.
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La France reste une cible pour al-Qaida. Ce groupe qui a commandité notamment l’attaque contre Charlie Hebdo en 2015 n’a eu de cesse de réitérer ses appels aux meurtres ces dernières semaines. Parallèlement, l’État islamique, organisation «concurrente», poursuit sa guerre sainte, même affaiblie. Elle avait, selon Gérald Darmanin, «anticipé sa défaite en assumant un retour à la clandestinité» . Elle peut encore dépêcher ses combattants en Europe. L’immigration clandestine reste un vecteur, selon les spécialistes.
Les nouveaux textes antiterroristes annoncés par le gouvernement, au détour de sa loi sur la lutte contre le «séparatisme», sont attendus. Mais ces armes juridiques ne pourront être appliquées avant plusieurs mois. Le système de sécurité national doit tenir.
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