L’actualité talonne les travaux de la commission spéciale sur le projet de loi «confortant le respect des principes de la République», ex-projet contre le séparatisme islamiste. Lundi, elle reprenait ses débats alors que les enseignants d’un collège lyonnais faisaient grève en soutien d’un professeur accusé de propos islamophobes et agressé verbalement par un parent d’élève après un cours.
Mercredi matin, alors que la commission entendait le président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, et son rapporteur général, Nicolas Cadène, on prenait connaissance d’une enquête de l’Ifop réalisée pour la Fondation Jean-Jaurès et Charlie Hebdo : 49 % des enseignants du secondaire interrogés se sont déjà autocensurés dans leur enseignement autour des questions religieuses et 27 % le font régulièrement ou très régulièrement ; 19 % des enseignants interrogés (34 % dans les quartiers prioritaires) ont observé au moins une contestation ou désapprobation lors des hommages à Samuel Paty avec des justifications des violences contre les personnes présentant des caricatures de personnages religieux, des refus de participer à la minute de silence ou des injures et provocations pendant celle-ci. L’étude semble indiquer que les chiffres donnés par l’Éducation nationale (400 incidents, chiffre «corrigé» en décembre pour monter à 793) seraient sous-estimés.
Former les enseignants
Cette actualité a bien sûr plané tout le long de l’intervention de Jean-Louis Bianco et les remarques des députés ont présagé des futurs débats au sein de l’Hémicycle. Le président de l’Observatoire de la laïcité a tout d’abord expliqué que les deux axes essentiels à ses yeux tenaient d’une part à «la formation» à la laïcité, notamment des enseignants. Et d’autre part à une meilleure «mixité sociale, scolaire et à l’intégration» car «tant qu’il y aura un développement séparé, il y aura une pression sociale et même politique de ceux qui veulent utiliser leur vision d’une religion pour prendre le pouvoir sur la loi démocratique».
Député LR, coauteur d’un rapport sur les services publics face à la radicalisation, Éric Diard avait, avec d’autres élus LR, entendu le 14 octobre, deux jours avant la décapitation de Samuel Paty, l’ex-inspecteur de l’Éducation nationale Jean-Pierre Obin qui demandait «d’arrêter de livrer (des enseignants) désarmés à des organisations déterminées et outillées pour attaquer la République». Mercredi, l’élu des Bouches-du-Rhône a été le premier à évoquer l’étude de l’Ifop tout en rappelant les attaques contre l’Observatoire de la laïcité, accusé, avec sa conception d’une «laïcité apaisée», d’avoir minoré le problème de la propagande islamiste. «Pourquoi a-t-on sous-estimé ces atteintes à la laïcité, notamment dans l’Éducation nationale?», a-t-il conclu.
En riposte, le député LFI Alexis Corbière, enseignant lui-même, a salué les travaux de l’Observatoire et fait une distinction entre un professeur qui s’autocensure «sur ce qu’il pense ou sur le programme». «Je rejoins Alexis Corbière» sur ce point, reprenait ensuite Jean-Louis Bianco, concédant: «Il y a semble-t-il une montée des phénomènes d’autocensure, mais qu’appelle-t-on autocensure?» Député Libertés et Territoires, Olivier Falorni n’hésitait pas à attaquer un peu plus tard «l’Observatoire de la cécité» qui, «dans son rapport expliquait que la France n’a pas de problèmes avec la laïcité et que celle-ci devait être apaisée».