Strasbourg
Née dans le quartier de la Meinau, à Strasbourg, l’affaire a pris une envergure nationale. En accordant à la Confédération islamique Milli Gorus une somme de 2,5 millions d’euros pour la construction de la mosquée géante Eyyub Sultan, la maire EELV Jeanne Barseghian a suscité l’ire de Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur est allé jusqu’à lui reprocher de «financer une ingérence étrangère sur le sol français».
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À Strasbourg, cette prise de position a été perçue comme une immiscion dans le droit des cultes alsacien-mosellan. Une première dans les relations entre l’État et les collectivités. Pour autant, la maire, en proposant à son conseil municipal de subventionner «la plus grande mosquée d’Europe» portée par le Milli Gorus, déjà bien avancée avec ses huit coupoles, avait rompu avec la «jurisprudence» de ses prédécesseurs. Y compris de la ministre socialiste Catherine Trautmann, son alliée, qui l’avait mise en garde et a refusé de prendre part au vote.
Sur le fond, le ministre et la maire, qui a reçu le soutien de Sandra Regol, la numéro deux d’EELV, ne font pas la même lecture du refus de l’organisation proturque de signer la charte des principes pour l’islam de France. Pour Darmanin, qui s’est exprimé mercredi matin sur RMC/ BFMTV, «cette association n’est plus capable d’être dans le monde représentatif de l’islam de France» .
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De plus, «un certain nombre d’indices» montreraient «une ingérence nationaliste». «L’État n’a formulé aucune alerte sur ce projet, ni sur l’association, et le ministre de l’Intérieur n’a émis aucune mise en garde à ce sujet» , se défend la maire de Strasbourg dans une lettre adressée mercredi à Emmanuel Macron. Une affirmation démentie dans la soirée par la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, qui affirme avoir personnellement informé l’élue «à plusieurs reprises».
Subvention d’une mosquée à Strasbourg: la maire de la ville appelle Gérald Darmanin à clarifier sa position
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«Aucune faiblesse n’est possible»
Mardi, la maire de Strasbourg s’était demandé si «Gérald Darmanin remet en cause le droit local et le Concordat» , dont l’extrême gauche demande la suppression. Interrogée le soir même à ce sujet, Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la Citoyenneté répliquait que «les règles concordataires n’obligent pas le maire de Strasbourg à financer une mosquée qui promeut l’islam politique.»
Car, comme le rappelle la ministre Brigitte Klinkert, elle-même alsacienne, la loi sur le séparatisme «ne touchera pas au statut de l’Alsace-Moselle». «Notre région sait concilier le régime concordataire avec la défense des valeurs de la République» , affirme la ministre à l’Insertion. Allusion au rejet, lundi également, de la résolution de l’Alliance internationale de la mémoire de l’Holocauste par les Verts strasbourgeois, elle rappelle que «face à l’antisémitisme et au séparatisme, aucune faiblesse n’est possible».
Le procédé d’abaisser une religion pour en soutenir une autre ne paraît pas un élément constructif dans le dialogue interreligieux
Mgr Ravel
Cette affaire continue aussi de faire des remous en Alsace. Lundi, Jean Werlen, le délégué aux cultes de la mairie de Strasbourg, a annoncé que le conseil régional et la Collectivité européenne d’Alsace étaient sollicités, à hauteur de 8 % chacun, pour le financement de la mosquée Eyyub Sultan. Une information aussitôt infirmée par les intéressés. «Il n’y a pas de demande déposée» , indique un proche du président LR du Grand Est, Jean Rottner, sans autre commentaire. «Je n’ai pas connaissance d’une demande de subvention» , confirme le président LR de la Collectivité européenne d’Alsace, Frédéric Bierry, en s’étonnant que, «dans la même séance, la maire de Strasbourg déclare ne plus vouloir d’investissements de prestige et se dit prête à financer la plus grande mosquée d’Europe». «Cela m’interpelle» , lâche-t-il, en se disant «outré des attaques contre le Vatican» proférées par Jean Werlen et «abasourdi du refus de voter la résolution sur l’antisémitisme» .
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Pour sa part, l’archevêque de Strasbourg s’est étonné, dans une lettre à Jeanne Barseghian, que l’élu aux cultes «s’en soit pris, dans des termes très forts, à la doctrine catholique» . Pour Mgr Ravel, «le procédé d’abaisser une religion pour en soutenir une autre ne paraît pas un élément constructif dans le dialogue interreligieux» .
Ingérence étrangère
Le ministre de l’Intérieur a réaffirmé mercredi son opposition à la subvention accordée par la Ville de Strasbourg à la construction d’une nouvelle mosquée, puisque cette dernière n’a pas signé la charte de la République et qu’elle bénéficie du «financement d’une ingérence étrangère» . Il y a «particulièrement à Strasbourg (…) des tentatives d’ingérence extrêmement fortes dans notre pays, de la part notamment de la Turquie» , a souligné Gérald Darmanin. «Nous considérons que cette collectivité (la mairie de Strasbourg, NDLR) n’aurait pas dû financer une ingérence étrangère sur notre sol» , a-t-il martelé.
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