«La violence qui gangrène aujourd’hui notre société, comme en témoignent les récentes affaires d’affrontements entre bandes rivales dans les quartiers dits sensibles, mais aussi dans les zones rurales ou périurbaines, n’arrive pas à être prise en compte de manière judiciaire», lance le capitaine Moreau, qui vient de sortir Vérités d’un capitaine de gendarmerie , un brûlot édité à compte d’auteur et déjà vendu à plus de 5000 exemplaires sans aucun diffuseur.
«Malgré le formidable travail mené sur le terrain par les gendarmes et les forces de l’ordre en général, combien de fois ai-je vu des auteurs d’agressions, interpellés en flagrant délit ou après une enquête minutieuse, ressortir sans aucune condamnation avec dans les yeux une expression de défi? Pendant combien de temps nos compatriotes vont-ils encore tolérer cela?» Son analyse est sans appel. Page après page, le lecteur plonge dans un univers où la tranquille campagne française prend des airs de cité sensible où tous les coups sont permis.
Atypique, enthousiaste, pragmatique, idéaliste certainement, le gendarme ne s’est pas fait que des amis dans l’institution et règle au passage quelques comptes avec certains de ses supérieurs, qui n’ont pas dû apprécier de se retrouver dans son livre. Mais, au-delà de ces considérations internes, son témoignage soulève de vraies questions de fond, et touche par sa précision et son désarroi face à des situations judiciaires inextricables, comme celles impliquant «des mineurs de 13 ans multirécidivistes qui bénéficient d’une quasi-impunité».
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Une «double peine» pour les victimes
De fait, à 51 ans, l’ancien commandant en second de la compagnie de gendarmerie départementale de Beaune et actuel officier de liaison d’un état-major de la base de défense de Creil n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il raille «l’hypocrisie» de certains politiques ou déplore «les manquements», «l’absence d’empathie» et «l’insensibilité» de la justice. «De nombreuses victimes ressentent souvent une double peine , assure-t-il. Car, après la douleur du préjudice subi, c’est la solitude du parcours judiciaire et la faible considération pour leurs souffrances physique, morale et psychologique qui les attendent. Elles ont le sentiment qu’elles sont livrées à elles-mêmes, qu’elles sont peu considérées, voire négligées, alors que ce sont elles qui souffrent.»
Pour avoir dit tout haut ce qui se chuchote, le capitaine Hervé Moreau s’attendait à une sanction disciplinaire. Il savait pertinemment que son livre avait rompu le «devoir de réserve». Après avoir raconté sans fard son expérience d’officier de terrain et fait part de sa colère face à la délinquance ordinaire, «à la faillite du système judiciaire français» et à «une impunité devenue insupportable», il ne pouvait pas y échapper. Ce n’était qu’une question de temps et, en bon saint-cyrien, il était prêt à recevoir les foudres de sa hiérarchie. Mais en lui infligeant un blâme, l’une des plus lourdes sanctions qui puisse être infligée à un officier français, la ministre des Armées Florence Parly a décidé de frapper fort. Très fort. Comme si elle voulait rappeler les risques d’une telle prise de parole à tous les militaires qui auraient l’idée de suivre son exemple.
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«Je suis tout simplement abasourdi , explique le capitaine Moreau. Je m’étais préparé à des arrêts de rigueur, mais pas à ce désaveu terrible de la part d’une institution que je sers fidèlement depuis près de trente ans, dans l’armée de terre, puis dans la gendarmerie nationale. Mais ce coup dur renforce encore plus ma détermination. Désormais, je suis prêt à prendre tous les risques pour donner la parole aux gendarmes qui vivent des situations de plus en plus intenables et aux victimes que l’incurie de notre système judiciaire muselle et bafoue. Tout ce que je dis dans mon livre est vrai et j’en assume chaque ligne et chaque chapitre.» À présent, le capitaine Moreau se prépare à quitter les drapeaux. Devenu Hervé Moreau tout court, il espère à présent s’engager en politique et se présenter en juin 2022 aux élections législatives à Beaune. Dans cette Côte-d’Or qu’il veut «chérir et réveiller».
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Vérités d’un capitaine de gendarmerie , de Hervé Moreau, 439 p., 22 €. Librairieducapitaine.com