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Pap Ndiaye n’aborde que très prudemment les sujets liés à la laïcité
Gabrielle CEZARD/SIPA
Publié le 23/09/2022
Contrairement à son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye communique peu sur la question de la laïcité à l’école et quand il en parle, c’est avec beaucoup de précautions. En juin, il indiquait, en « universitaire » qu’il avait « besoin de données avant de pouvoir agir » sur les tenues islamiques. Pourtant des chiffres du Service central du renseignement territorial, divulgués le 14 juin dernier, faisaient état de 144 entorses à la loi de 2004 sur la laïcité à l’école au deuxième trimestre 2022 contre 97 sur les trois premiers mois de l’année.
REMISE EN CAUSE DE LA LOI DE 2004
À Paris, notamment, des proviseurs et enseignants se sont alarmés au sujet de la multiplication de tenues islamiques (abayas, jilbab et qamis) au printemps dernier, pendant le ramadan. Interrogé le 4 septembre par La Dépêche du Midi sur l’islamisme et l’antisémitisme à l’école, Pap Ndiaye affirmait à nouveau – tout en les condamnant – qu’il se « garderait bien de généraliser ces phénomènes ». Plus récemment, on ne l’a pas vu soutenir publiquement une enseignante menacée à Paris : le frère d’une élève de première du lycée Simone-Weil (IIIe) qui refusait d’enlever son voile en sortie scolaire, le 16 septembre, a menacé de mort l’enseignante accompagnatrice. Il a été interpellé alors qu’il était en chemin pour en découdre avec l’enseignante, et remis en liberté dimanche 20 septembre, sous contrôle judiciaire.
Pour autant, la rue de Grenelle ne chôme pas. Depuis août, le pôle national « Valeurs de la République » du ministère a adressé des notes aux rectorats sur le port de tenues « ostensiblement » religieuses. Dans un courrier envoyé à toutes les académies de France, ils signalent « une mobilisation sur les réseaux sociaux visant à remettre en cause la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école », a révélé l’Express . Un courrier du rectorat de Dijon a relayé cette alerte auprès des chefs d’établissements. Le recteur y évoque un « encouragement à porter des vêtements marquant une appartenance religieuse », mais aussi des « appels à la prière dans les établissements » ou des « invitations au chantage à la photo de jeunes femmes musulmanes dévoilées ». Et appelle au respect ferme de la loi de 2004. « Il était temps que le ministère réagisse de façon officielle » note un professeur travaillant en Haute-Garonne, « ce mouvement n’est, certes, pas neuf. Mais il s’amplifie depuis l’an dernier dans de très nombreux établissements. Certains de mes jeunes collègues sont très mal à l’aise lorsqu’ils font face à une élève portant une abaya [vêtement large couvrant l’ensemble du corps, qui se porte au-dessus d’autres vêtements] par exemple. Pour eux, ce n’est pas nécessairement un signe religieux… »
MENACES DE MORT SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX
« Plusieurs messages, sur les réseaux sociaux, de comptes gravitant autour de la mouvance islamiste remettent en cause le principe de laïcité à l’école », alerte également une note du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), fin août : incitation à la prière au sein de l’école, conflits entre personnel éducatif et élèves, etc. Le comité a par ailleurs observé ces derniers mois, « une recrudescence des messages menaçants », visant particulièrement les conseillers principaux d’éducation dont l’identité voire la domiciliation ont été communiquées sur les réseaux sociaux.
Fin juin, une enquête avait précisément été ouverte à la suite de menaces de mort faites à l’encontre d’un membre du personnel d’éducation du lycée Charlemagne, dans le IVe arrondissement de Paris. Cette conseillère principale d’éducation avait demandé à une élève de retirer son voile lors d’une épreuve du baccalauréat. Après plus d’une demi-heure de discussion animée, la candidate avait finalement accepté de retirer son voile avant d’être accompagnée à sa salle d’examen. Mais dès le lendemain, la fonctionnaire du lycée avait été la cible de menaces de mort sur les réseaux sociaux, certains internautes appelant à révéler son identité.