Michel Houellebecq n’hésite pas à écrire dans Le Figaro du 6 avril qu’une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect ! On peut avoir du respect pour ses proches, voire pour soi-même, mais pour une civilisation… Admettons que Houllebecq ait une forme de génie qui lui permet d’embrasser les civilisations les plus diverses et de leur accorder de bons ou de mauvais points. Évidemment, si la civilisation européenne perdait la considération que Michel Houllebecq daigne lui accorder dans ses bons jours, nous en serions terrassés. Déjà que nous n’en menons pas large: l’islam a juré notre perte et même ce cher Tariq Ramadan pousse la chansonnette pour que les damnés de la terre prennent leur revanche sur les innombrables affronts que l’homme blanc leur a infligés.

Un nouveau billet mortel signé Jaccard

Je suppose que Houllebecq devait éprouver un sentiment de honte lorsque le droit à l’avortement a été admis. Et voici maintenant le coup fatal : la légalisation de l’euthanasie. Peut-être pourrions-nous rappeler à notre illustre romancier ce mot de Benjamin Constant : « Le suicide est un moyen d’indépendance et, à cet égard, tous les pouvoirs le haïssent. » Et pourquoi seuls les médecins et les chimistes auraient-ils accès en France à la technologie pharmaceutique du suicide ? Pourquoi chacun n’aurait-il pas le même « droit » de se tuer facilement, sans souffrance et sûrement ? Houllebecq serait-il devenu élitiste ? Ou ne parvient-il pas à comprendre que si certains considèrent le désir de vivre comme une aspiration légitime, d’autres tiennent à abréger la nuit qu’ils ont à passer dans une mauvaise auberge, pour citer sainte Thérèse d’Avila.

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Est- il bien nécessaire d’interner dans des hôpitaux psychiatriques ceux qui ont une prédilection pour la mort, de leur donner des électrochocs et des sédatifs pour leur enlever cette fâcheuse idée que les menus plaisirs de l’existence méritent qu’on en jouisse ad nauseam, comme le préconise Houllebecq, dérobant par là-même à l’être humain la seule valeur spirituelle dont il a besoin pour vivre une vie pleine de sens ou pour mourir d’une mort pleine de sens, elle aussi: le respect de ses propres décisions ?

La soif de vivre paradoxale de Houllebecq

Quant à la légalisation de l’euthanasie qui est plutôt à l’honneur d’une civilisation, il est étrange que des pays aussi divers par leur culture ou leur religion que l’Espagne, la Belgique ou la Suisse l’aient adopté sans s’effondrer aussitôt. Certes, ils ont perdu le respect de Houllebecq et c’est terriblement fâcheux. Notre romancier préfère sans doute que des brigades de gendarmes traquent les trafiquants de Nembutal en France et punissent les contrevenants – des retraités en général – d’amendes salées, voire d’une peine de prison.

Félicitations à Houllebecq de défendre une conception aussi limitée de la liberté et, en dépit de la noirceur de ses romans, d’avoir un appétit de vivre que rien ne semble devoir entamer.