Séparatisme vs « racines judéo chrétiennes de la France »
Le 9 décembre 2020, le Conseil des Ministres a examiné le projet de loi « confortant les principes républicains » et notamment les dispositions de son arsenal répressif : le fichier qui recense les auteurs d’actes terroristes comprendra, désormais, les personnes qui font l’apologie du terrorisme (empêchant l’accès à certaines professions). Est également créée une infraction spécifique pour les violences exercées en vue d’obtenir « une application différenciée des règles » (5 ans de prison et 75 000 € d’amende). Enfin, le texte sanctionne la diffusion de la haine sur Internet, telle la publication d’informations sur une personne en vue d’exercer des menaces sur elles, ou la diffusion de propos déjà condamnés par la justice. Les mesures nouvelles devraient incontestablement conforter le principe de Laïcité (en l’occurrence « la séparation des églises et de l’Etat » et, par extension, du « religieux et de l’Etat »). L’inconvénient, pour les musulmans les plus virulents, résulte de ce la Loi n’a pas abandonné le socle français des valeurs judéo chrétiennes, ni intégré les spécificités du culte islamique dans la société française.
La Loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat (adoptée 100 ans plus tôt, le 9 décembre 1905) a supprimé les engagements issus du régime concordataire de 1801 (passés entre le gouvernement et l’Eglise catholique) en supprimant les interférences entre l’Eglise et l’Etat. Son article 1er rappelle, en effet, que « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes…». Dès lors, chaque français peut croire ou non, et, pour les personnes croyantes, exercer le culte qui leur sied.
Par ailleurs, la Loi de 1905 ne finance plus les dépenses liées à l’exercice du culte religieux et impose une certaine neutralité dans les financements. L’article 2 précise en substance : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte… », même s’il permet le financement, par l’Etat, des dépenses liées aux services des aumônerie dans les écoles, les hospices ou les prisons.
La loi « confortant les principes républicains » devrait donc recadrer certaines dérives de la montée de l’Islam en France, de nature à nuire aux valeurs républicaines et au principe de laïcité. Effectivement, le prosélytisme Islamique s’avère, parfois, incompatible avec la liberté de croire ou de ne pas croire, certaines personnes se sentant obligée d’exercer le culte islamique par la contrainte insidieuse du milieu social dans lequel elles évoluent.
Plus gênant, le mode de pensée islamique n’opère pas de séparation entre le monde profane et les injonctions d’Allah, les croyants (les plus virulents) étant persuadés que le monde doit, à terme, embrasser la foi de Mahomet. Aussi, il en résulte une fracture entre les fondements de la laïcité et les convictions religieuses de certains adeptes musulmans. La nouvelle Loi figera donc, sans conteste, les principes de laïcité et freinera les fondamentalistes musulmans qui seraient animés d’une volonté de modifier le pacte national républicain.
Il n’en demeure pas moins que le principe de « séparation de l’Eglise et de l’Etat » souffre de quelques exceptions, notamment géographiques, et que la Loi de 1905 n’a pas définitivement gommé les racines judéo chrétiennes de la France. Aussi, bon nombre de musulmans (en France) dénoncent-ils la survie des spécificités judéo chrétiennes et aimeraient que la Loi de 1905 évolue, de sorte qu’elle prenne en considération les composantes musulmanes contemporaines dans la société française.
En effet, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de Moselle, de Guyane, ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, les ministres des cultes catholique, luthérien, calviniste et juif sont rémunérés par l’Etat. De plus, dans les écoles de ces départements, les élèves y suivent une heure hebdomadaire de cours de religion (sauf à ce que les parents sollicitent une dispense pour leurs enfants). Enfin, les facultés de théologie de l’Université de Strasbourg et de Lorraine reçoivent des financements étatiques. Or, l’Islam ne bénéficie pas de tels financements étatiques.
En outre, les lieux de cultes construits avant 1905 (Églises, temples, synagogues) bénéficient d’un régime de faveur : « les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte puis des associations appelées à les remplacer » (article 13). Or, l’Etat continue d’entretenir les édifices religieux construits avant 1905, pendant que le Code Général des Impôt exonère de taxe foncière et de taxe d’habitation les édifices religieux ouverts au public. Les mosquées, construites postérieurement à la Loi de 1905, ne sont donc pas concernées par ces dérogations.
Notons également l’article 27 de la Loi 1905 (Modifié par Loi n° 96-142 du 21 février 1996) qui précise que « Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article L2212-2 du code général des collectivités territoriales. Les sonneries des cloches sont réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral…. ». Dès lors, les manifestations catholiques publiques ne sont pas prohibées, elles sont justes encadrées.
Enfin, des conventions sont conclues entre les établissements d’enseignement supérieur et les établissements « libres », ce qui permet une reconnaissance des diplômes décernés par les seconds, les enseignants de ces établissements, étant rétribués par l’Etat avec un statut « d’assimilés fonctionnaires ».
N’en déplaise à ceux qui entendraient modifier le pacte social républicain, la France ne saurait effacer ses racines judéo chrétiennes : le Roi Franc Clovis a été baptisé à Reims, le 25 décembre 496. Or, le 1400 ème anniversaire de son baptême a été commémoré en 1896 et le 1500 ème, en 1996. (Rappelons, d’ailleurs, que la tradition du sacre à Reims a été poursuivie par les rois de France qui y recevaient leur pouvoir de Droit divin, Charles X ayant été le dernier roi à y être consacré en 1825).
Il n’est donc pas surprenant que le principe de laïcité n’interdise pas la célébration en France des fêtes traditionnelles chrétiennes : Noël, Pâques, l’ascension, la Pentecôte, le 15 août, même si d’aucuns ont suggéré la suppression de deux fêtes chrétiennes pour leur substituer une fête musulmane et une fête juive…
De même, le Président Emmanuel Macron a rappelé les racines chrétiennes de la France, le 9 avril 2018, au collège des Bernardins : « Le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et il nous importe à vous comme à moi de le réparer. Je dirais qu’une Eglise prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ; et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Église et des catholiques manquerait à son devoir. ».
Si donc le principe de Laïcité n’existe toujours pas en Islam « car ce qui est dans les Cieux et sur la terre appartient à Allah » (S 4, verset 131, 132), espérons que les sociétés islamiques s’inspirent du modèle démocratique français pour évoluer dans cette direction. En tout état de cause, et si tel est un jour le cas, la France n’en oubliera jamais ses piliers spirituels.
Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach