ANDREW QUILTY/VU POUR M LE MAGAZINE DU MONDE
En ce petit matin du début du mois d’octobre, le minuscule aéroport de la ville de Bamiyan est très animé. La jeune chanteuse Zahra Elham, la première femme à avoir gagné l’émission « Afghan Star », la « Nouvelle Star » locale, vient d’atterrir depuis Kaboul avec son équipe d’une dizaine de personnes. Elle a choisi le calme et les paysages époustouflants de la vallée de Bamiyan pour le tournage de son dernier clip. « Ici, on peut tranquillement prendre notre temps et filmer, sans craindre quoi que ce soit », glisse la jeune femme, âgée de 20 ans.
Bamiyan porte pourtant les plaies du règne des talibans (1996-2001). Deux trous béants dans la paroi d’une falaise. En mars 2001, peu avant leur chute, les insurgés, considérant que toute représentation humaine est interdite par l’islam, ont détruit, au moyen d’explosifs et de tirs d’artillerie, les deux grands bouddhas de la vallée, témoignage de l’art du Gandhara, dont la construction est estimée entre les IIIe et VIIe siècles, ainsi qu’un troisième situé à trois kilomètres au sud-est. Mais, à l’ombre de ce passé douloureux, la vallée est redevenue un havre de paix. Un lieu de villégiature même, qui attire, surtout l’été, des Afghans venant de tout le pays. Pour quelques jours, ils tentent de faire abstraction de la violence inouïe qui embrase encore et toujours leur pays.
Les Hazaras, une minorité ciblée par les talibans
En octobre, à Kaboul, deux attentats contre un institut éducatif et contre l’université ont fait plusieurs dizaines de victimes. Une terreur qui se déchaîne alors que des pourparlers de paix sont en cours à Doha, au Qatar, entre une délégation gouvernementale et les talibans. Un éventuel retour au pouvoir de ces insurgés sunnites fait de nouveau planer la peur à Bamiyan, surtout chez les Hazaras, de confession chiite. Cette population, issue d’une minorité ethnique et religieuse, a payé le plus lourd tribut sous le régime des talibans, qui ne les considèrent pas comme des musulmans.
De jeunes garçons jouent au football devant l‘immense niche qui abritait le plus grand des bouddhas détruits en 2001 par les talibans. Andrew Quilty/Vu pour M Le magazine du Monde
Les quelque 100 000 habitants de la vallée de Bamiyan sont réputés pour leur ouverture d’esprit. Ici, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des petites villes afghanes, traditionnelles et conservatrices, les femmes sont présentes dans l’espace public. Elles ne portent que très rarement la burqa, mais plutôt de simples foulards et des manteaux colorés. Hazara et chanteuse, Zahra Elham se sait particulièrement exposée en cas d’un retour au pouvoir des talibans.
Mais, en cette période de tournage, la jeune Afghane garde le sourire. À Bamiyan, elle porte un voile laissant apparaître son visage maquillé et arbore des robes bigarrées. Elle a fait du centre culturel de la ville son QG : son équipe y trouve chaque jour le matériel qui lui est nécessaire. Le centre abrite des cours d’anglais et d’informatique, mais aussi l’un des quatre clubs de cyclisme de la ville : Etelaat va Farhang (« savoir et culture », en dari, une variété de persan, parlé en Afghanistan).
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