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Mohamed Charfi Universitaire tunisien.
Selon les textes sacrés, l’islam n’est ni une politique, ni un Etat. C’est une religion, une spiritualité. Le Coran ne mentionne pas l’Etat et ne contient aucune indication constitutionnelle. Avant sa mort, le Prophète Mohamed n’a pas désigné de successeur, ni donné une directive sur la façon de choisir les gouvernants, de les contrôler ou de les destituer. Les califes ont utilisé la religion pour légitimer l’Etat qu’ils ont constitué et le pouvoir qu’ils ont exercé. C’est une création historique. Il en est de même du droit musulman créé par les théologiens des premiers siècles de l’Hégire. Depuis plus d’un siècle, les penseurs musulmans éclairés s’appuient sur l’historicité de l’Etat et du droit islamiques pour justifier la révision de ces concepts et appeler à la modernisation de l’Etat et des structures sociales, sur la base des principes de démocratie, liberté et égalité des sexes. Dans cet esprit, Atatérk a aboli le califat en 1924 et la plupart des Etats musulmans ont fait partiellement évoluer leurs structures juridiques. En réaction à cette évolution, les mouvements islamistes sont nés et ne cessent de réclamer l’application de la charia. Devant la résistance qu’ils ont rencontrée, certains parmi eux ont modéré leur discours, et se disent aujourd’hui démocrates. Si l’on s’en tient aux expériences connues, on ne peut pas les croire. Toutefois, le cas du parti turc AKP est intéressant. Il se dit démocrate d’inspiration islamique et détient aujourd’hui toutes les clés du pouvoir. Si, d’ici la fin de son nouveau mandat, il n’essaie pas de revenir sur les grands acquis, notamment l’égalité des sexes, il donnera l’exemple aux autres mouvements islamistes qui se veulent modérés et favorisera leur coexistence avec les démocrates. Dans le cas contraire, il y aura des remous et cela voudra dire que nous sommes encore loin de l’émergence d’une démocratie musulmane à l’image de la démocratie chrétienne.
Mahmoud Hussein Pseudonyme des auteurs égyptiens Bahgat Elnadi et Adel Rifaat.
L’islam peut-il admettre qu’une part de l’action humaine – celle qui concerne l’organisation politique de la cité – soit soustraite au registre du religieux, pour être soumise à des impératifs exclusivement temporels, conçus par les hommes et non révélés par Dieu ? Les réponses apportées à cette question ont varié, selon les lieux et les époques. A l’heure actuelle, le théologique prétend exercer une emprise croissante sur le politique. Mais il ne faut pas oublier, qu’au cours de la deuxième partie du XXe siècle, la plupart des pays musulmans ont adopté une forme ou une autre de sécularisation de la vie publique. La question de la laïcité en islam ne peut être posée dans le vide, elle doit partir du bilan de cette période. Dans un monde globalisé, où la vie quotidienne des populations musulmanes est désormais inséparable de celle des autres composantes de l’humanité, il est plus que jamais nécessaire d’affirmer les valeurs d’une laïcité qui, seule, offre un cadre de références communes à tous les hommes et à tous les peuples, au-delà de leurs différences de religion ou de culture. Il faut aborder ce thème sous deux angles. D’une part, tenter d’identifier les éléments de blocage qui ont contrarié jusqu’ici la sécularisation dans le monde musulman.
D’autre part, en réponse aux objections doctrinales qu’opposent les fondamentalistes au discours laïque, poser la question centrale de l’historicité de la Révélation. |