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Contre l’islamisme, les élus, “toujours dans le bricolage”, font feu de tout bois.
Gérald Darmanin recevant les dirigeants des partis politiques le 5 octobre pour évoquer le projet de loi. (Sipa).
Alors que le projet de loi contre le séparatisme doit précisément renforcer les pouvoirs du préfet, les maires, eux, témoignent d’une vigilance sur tous les terrains – écoles, commerces, lieux de culte, associations. Et d’un combat mené avec les moyens du bord. Harcèlement réglementaire, rénovation urbaine, actions pédagogiques… “On est toujours dans le bricolage”, soupire, à Rillieux-la-Pape (Rhône), Alexandre Vincendet (Les Républicains).
Fin 2017, pour faire fermer une salle de prière dans laquelle “un imam autoproclamé appelait à la haine des juifs”, explique ce maire, il a dû s’appuyer sur les règles applicables aux établissements recevant du public. “On est obligés de passer par des moyens détournés”, soutient Vincendet. Et les élus ne sont pas toujours en mesure d’agir. A Sarcelles (Val-d’Oise), Patrick Haddad a assisté il y a quelques années à “une tentative de prise de pouvoir à la grande mosquée par des radicaux”. Un cas où le maire ne peut intervenir : “Ce n’est pas à nous de décider à leur place, plaide-t-il. On doit privilégier le dialogue, comprendre ce qu’il se passe, voire faire le lien avec les renseignements territoriaux.”
Un lien que Gilles Platret (LR) a formalisé à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Depuis 2015, une cellule municipale réunissant préfecture, renseignement et forces de l’ordre étudie les remontées d’une vingtaine d’agents publics formés à “détecter les situations à risque : un changement vestimentaire, le comportement, le discours”, détaille-t-il. Une initiative qui ne résout pas tout. En 2017, une association, présentée comme promouvant le dialogue interculturel, lui demande le prêt d’une salle pour un marché artisanal. “Ce n’est qu’une semaine avant que j’apprends que c’est devenu un week-end de la femme musulmane, avec journée réservée aux femmes!” Une difficulté que le futur projet de loi ne résout pas, selon Platret. Si une charte de respect des valeurs de la République est prévue pour les associations qui reçoivent des subventions, “quels sont nos moyens de contrôle?”, s’interroge-t-il.
C’est extrêmement compliqué pour nous, parce qu’on n’a pas tous les outils à notre disposition
Autre arme utile, quoique insuffisante : le droit de préemption, qui donne priorité à la commune pour l’acquisition d’un local. Vincendet l’a exercé pour faire fermer, au moment de sa vente, un café dans lequel “les femmes n’allaient jamais”, dit-il. Mais pour le maire d’Orléans, Serge Grouard (LR), “c’est extrêmement compliqué pour nous, parce qu’on n’a pas tous les outils à notre disposition”. Et de citer l’éducation, “un élément essentiel qui nous échappe”.
“L’Etat n’est pas au rendez-vous”
Ce sont les enfants retirés de l’école. Des certificats médicaux “de complaisance”, juge-t-il, pour empêcher les filles de faire du sport. Une élève venue avec “un livre très radical sur ‘comment être un bon musulman’ qui prônait la haine des juifs”, ajoute Vincendet. Autant de combats menés jour après jour contre la pression croissante d’une minorité. Dans cette lutte, la solitude est souvent de mise. D’après Grouard, “l’acteur déterminant qui n’est pas au rendez-vous, c’est l’Etat. Les enseignants sont par exemple livrés à eux-mêmes. Ce n’est pas une loi qui changera quelque chose”.
Une partie de cette population se sent rejetée, et ça favorise le séparatisme
Tous s’accordent sur un point : le nœud du problème réside dans un manque de mixité sociale. Les élus racontent des quartiers qui se sont paupérisés, homogénéisés, refermés sur eux-mêmes, où les services publics et les commerces ont progressivement disparu. “Des mères de famille me disent : ‘Monsieur le maire, on veut des petits Blancs dans nos écoles’, assure Vincendet. Une partie de cette population se sent rejetée, et ça favorise le séparatisme, puisque certains ne voudraient plus voir la République dans ces quartiers.”
C’est par la modernisation des logements, “pour amener une diversité de population”, explique Grouard, que les maires tentent d’agir. Ou en tentant de créer du lien entre écoles communautaires, à l’instar de Haddad à Sarcelles. “Avec le développement d’une offre privée juive et catholique, les enfants ne grandissent plus ensemble”, regrette le socialiste, qui veut organiser expositions et débats sur le thème de la lutte contre les discriminations. Gilles Platret de conclure : “On ne réglera pas le problème avec une loi. Il faudra du temps.”