– Pourquoi, après tant de victimes, on continue à parler d’extrémisme violent au lieu de terrorisme ? A-t-on peur d’identifier le mal et ses causes ?
Nous sommes face aux faux-fuyants sémantiques et du politiquement correct qui étaient liés au fonctionnement, aux contraintes formelles de ce genre de rencontre organisées sous l’égide du Conseil de sécurité de l’ONU, où on évite de citer nommément les pays et les responsabilités dans ce phénomène du terrorisme. Cela débouche sur une langue de bois qui fait qu’on évite de nommer un chat un chat. Pourtant, nous sommes dans une rencontre sur le terrorisme et l’idéologie terroriste qui nous ramène à deux filiales principales l’idéologie des frères musulmans de Hassan Al Bana et Sayed Qotb, et l’idéologie wahhabite véhiculée par les médersas et les conseils d’oulémas d’Arabie Saoudite et du Qatar avec leurs relais internationaux. Lorsqu’on travaille sur ces dossiers, on ne peut pas éviter d’identifier les responsabilités sans nommer les Etats.
Les bailleurs de fonds, sur lesquels j’ai beaucoup travaillé, sont en majorité des Saoudiens mais aussi des Emiratis. Ce rappel évident ne veut pas dire qu’il faille criminaliser les Etats. Je pense qu’il faut parler vrai et nommer les idéologies en cause, remonter à leur financement, à leurs filiations à l’étranger, et établir des chaînes de responsabilité, quitte à heurter les sensibilités. Le terrorisme est une technique. On ne lutte pas contre une technique, mais contre des objectifs précis et un ennemi identifié. Ce travail d’identification permet de situer des ennemis et des groupes malfaisants qui financent et entretiennent ce phénomène.
Il faut donc casser ce politiquement correct des Nations unies et parler carément de «takfirisme», de déviation de l’islam, d’islam radical salafo-djihadiste entretenus par certains pays qu’il faut maintenant interpeller pour qu’ils fassent le ménage chez eux. La tenue de cette conférence, à Alger, est très importante non pas parce que l’Algérie constitue un modèle de l’antiterrorisme, mais certainement pour sa grande expérience en la matière.
Elle s’est démenée toute seule durant les années 1990, sans appuis internationaux. Ses forces de sécurité ont combattu les précurseurs de ce que nous appelons aujourd’hui Daech, puisque les groupes islamistes algériens pratiquaient les mêmes horreurs et avaient proclamé le califat, sauf qu’à l’époque il n’y avait pas de téléphone portable, ni d’internet, ni les attentats du 11 Septembre. L’Algérie se trouve dans un univers géostratégique déstabilisé depuis la guerre anglo-américaine relayée par l’OTAN en Libye, qui aujourd’hui a éclatée et où des groupes «takfiristes» se sont vite déployés en Tunisie, dans les pays du Sahel et partout ailleurs des côtes de la Mauritanie jusqu’à la Corne de l’Afrique, avec des jonctions et des échanges opérationnels entre AQMI, Ansar Eddine, Boko Haram et les shebab somaliens, avec l’argent des narcotrafiquants d’Amérique latine, qui disposent de points de passage dans les ports de Guinée Conakry, du Maroc, de Mauritanie.
– Plutôt du Maroc jusqu’en Asie, puisque la politique du chaos vise la destruction dEtats comme l’Irak, la Syrie, le Yémen à travers les groupes de Daech et, avant, l’Afghanistan, avec les taliban et Al Qaîda. Ne sommes-nous pas devant des prestations de service entre les puissants de ce monde et les groupes islamistes armés, qui apparaissent subitement aussi bien équipés que des Etats, pour semer mort et dévastation ?
Vous avez raison. Souvenez-vous, durant la guerre d’Afghanistan, vers la fin des années 1970. On estimait à à 35 ou 40 000 le nombre des contingents étrangers passés dans les factions les plus extrémistes, dont la nébuleuse de Ben Laden, le fils légitime de la monarchie saoudienne et des Services américains, avec l’aide du Pakistan. Dans le contexte de la Guerre froide, les Américains ont toujours utilisé l’extrémisme radical sunnite, et ce, depuis le président égyptien Nasser. Ils ont utilisé les Frères musulmans pour lutter contre le nationalisme arabe en Egypte et en Palestine.
Et cette politique a culminé en Afghanistan, où les Américains ont fabriqué Ben Laden et ses émules. Après le retrait des troupes soviétiques en 1989, ils n’ont pas assuré le service après-vente et les effets induits leur sont revenus en pleine figure. L’élève s’est retourné contre ses maîtres. Le deuxième élément c’est que l’Arabie Saoudite — et le pacte qu’Al Saoud avait signé avec le président Roosevelt pour que les USA gèrent les premières réserves de pétrole à travers le monde — exporte le wahhabisme pour l’étendre de l’Indonésie jusqu’en Amérique latine.
Ce qui nous amène à cette situation d’aujourd’hui où la France, par exemple, est partie en guerre contre Bachar Al Assad pour faire plaisir au nouveau roi Selmane, puisque les marchés d’armement avec l’Arabie Saoudite représentent 35 milliards de d’euros. Mieux, après les attentats du 11 Septembre 2011, les Américains ont pointé du doigt les Saoudiens, mais ils ont attendu cinq ans pour aller tuer Ben Laden alors qu’ils savaient où il était. Ils ont décidé de le tuer au mois de février 2011 parce que les révoltes arabes et non pas les révolutions étaient là. Ils avaient peur qu’elles soient récupérées par Al Qaîda.
Leur plan était de mettre les Frères musulmans au pouvoir partout dans les pays arabes, en Tunisie, en Egypte, etc., mais, malheureusement pour eux, cela n’a pas marché. En tout cas, il y a eu, à un moment donné, une volonté de tourner la page Al Qaîda et d’utiliser le chaos en recourant à de petits groupes en Irak, permettre à Daech de se développer rapidement et prendre des territoires entiers. Lorsqu’ils ont proclamé le califat, tout le monde s’est inquiété.On avait peur qu’ils revendiquent les Lieux Saints.
Daech est né d’une scission interne d’Al Qaîda en Syrie et en Irak, dont l’expansion s’est faite sous la bienveillance des Services américains. Nous sommes dans une logique d’échecs en série. D’abord en Afghanistan avec le retour des taliban, mais aussi avec les deux guerres du Golfe. Quand le proconsul américain Paul Palmer démantèle l’armée irakienne, il ne fait que polariser et favoriser les frictions ethniques et retribaliser pour détruire un pays arabe. Cela était le rêve d’un conseiller israélien qui écrivait, en 1982, qu’il était dans l’intérêt stratégique d’Israël de casser les Etats-nations pour en faire des tribus qui s’autodétruisent. D’où cette «fitna» qui consiste à pousser les milices chiites et sunnites à s’entretuer.
Les attentats commis par Daech contre les mosquées chiites en Irak, en Syrie, au Pakistan, ou au Koweït font partie de la théorie des néoconservateurs américains, appelée «instabilité constructive», qui permet aux USA de pomper le pétrole et les richesses de ces Etats en toute tranquillité.
– Pourquoi à chaque fois, comme vous le dites, l’élève dépasse le maître et les Occidentaux, notamment les Américains, n’en tirent pas les leçons ?
J’ai déjà dit que si Daech n’existait pas, il fallait le réinventer. Je ne comprends pas comment une coalition aussi importante, avec des moyens aussi colossaux, n’arrive pas à supprimer 30 000 hommes avec des blindés. Sur le plan militaire, cela est inconcevable. Pour éradiquer Daech, il suffirait de mettre des troupes au sol avec une, deux ou trois confrontations et c’en serait fini.
Tous les militaires le savent. On ne le fait pas parce qu’on veut canaliser le phénomène et l’utiliser pour déstabiliser la région, faire fonctionner les industries militaires, maintenir un niveau de violence nécessaire aux jeux d’alliances stratégiques pour contenir les pays dits méchants comme l’Iran, la Syrie qu’on veut démanteler et le Hizb Allah libanais qui aujourd’hui défend le Liban. Nous sommes dans une logique où, d’un côté, il y a les groupes armés qui profitent des revenus des trafics de drogue et d’armes et, de l’autre, une réponse tactique pour faire fructifier des intérêts.
En fait, les deux sont des ennemis complémentaires. Le terrorisme est un mal nécessaire qui rapporte beaucoup d’argent. On ne veut pas étudier le fond de ce fléau parce qu’on aboutirait à ses véritables bénéficiaires. Regardons aujourd’hui ce machiavélisme et cette hypocrisie de certains Etats, comme la France et la Suisse, qui recyclent d’anciens membres du GIA dans des ONG des droits de l’homme…
– Dans cette guerre géostratégique d’intérêts, l’Algérie est-elle la cible ou l’alliée ?
Le peuple algérien a fait face à la Guerre de libération, les années 1990 et les défis actuels. Quel vécu ! Elle n’est pas forcément un modèle, mais elle a une expérience qu’elle peut partager. Quand les militaires parlent de «retex» (retour d’expérience), les institutions algériennes fonctionnent, l’armée fait son boulot comme elle l’a fait avant, non seulement pour elle, mais pour les autres pays de la Méditerranée, confrontés aux flux migratoires qu’ils n’arrivent pas à juguler. Sans l’Algérie, ce sont des millions et non pas des milliers d’immigrés qui se déverseraient dans les ports européens.
Mais il est clair qu’elle garde l’image du front du refus et joue le rôle d’empêcheur de tourner en rond au sein de l’OPEP. Et, dans la mesure où elle a toujours revendiqué sa souveraineté sur le plan politique et régional, elle devient un pays gênant comme l’ont été la Syrie, l’Irak et tous les Etats-nations arabes qui ne sont pas dans le jeu géostratégique américano-israélo-saoudien. Il y a des pays arabes qualifiés, comme l’a souligné Mme Condoleezza Rice, de modérés, qui cautionnent l’agenda des néo-conservateurs américains et ceux qui refusent l’alignement. L’Algérie est perçue comme un obstacle à la mondialisation économique libérale, sauvage et mafieuse, qui, faut-il le souligner, est toujours allergique aux Etats-nations forts et indépendants.
C’est pour cela qu’on veut démanteler la Syrie, qu’on a cassé l’Irak, qu’on a coupé le Soudan en deux Etats, comme on veut scinder le Yémen ainsi qu’on l’a fait au Kossovo, devenu aujourd’hui le pays de la mafia. On veut faire des Etats confettis qui acceptent le nouvel ordre des Américains. Lors de cette conférence d’Alger, le représentant de la Russie a déclaré que la Syrie est une ligne rouge, parce que si demain Daech prend le pouvoir, ils arriveront au Caucase. Heureusement que face aux pays du Golfe, qui financent et sous-traitent ces politiques destructrices, il y a l’Algérie, la Russie qui demeurent dans des visions de l’Etat-nation.
– Justement, ne voyez-vous pas qu’à travers cette façon d’éviter de nommer les idéologies à l’origine de cette altération de l’islam, il y a une volonté de protéger le Qatar et l’Arabie Saoudite ?
Ces pays ne sont pas uniquement responsables de cette idéologie, mais aussi du financement de l’islamisme. Je travaille depuis 20 ans sur les financements des groupes islamistes terroristes, mais également des systèmes de medersa qui, à coups de pétrodollars ont détruit les confréries soufies pluralistes dans toute l’Afrique subsaharienne, au Niger, au Sénégal et ailleurs afin de les remplacer par le wahhabisme totalement étrangers à la pratique religieuse de ces pays.
C’est là que les choses doivent être clairement dites. Cela ne se fait peut-être pas d’une manière publique, mais dans les travaux à huis clos, les représentants du Niger, de la Fédération de Russie, du Sénégal, de l’Egypte ont exprimé des inquiétudes très claires. Il y a une prise de conscience de plus en plus générale, débouchant sur non pas la recherche de modèle «clés en main» de déradicalisation mais aussi sur le «retex», le retour d’expérience et l’échange des expériences. La déradicalisation commence par l’école, l’éducation. Il faut être tout à fait rigoureux dans la formation afin d’arriver à une religion modérée, basée sur la connaissance de l’autre et son acceptation. Les causes de tous ces extrémismes sont liées à la méconnaissance de l’autre.
En Afrique subsaharienne, et même en Europe, il y a un débat sur la nécessité d’une réflexion sur l’islam. Je ne suis pas islamologue, mais je me réfère à des spécialistes, comme le grand juriste Al Hachmaoui d’Egypte, qui refusent de continuer à voir l’islamisme détruire et altérer l’islam, en plaidant pour un profond mouvement de réforme avec des outils pédagogiques et institutionnels qui débouchent sur l’apprentissage du fait religieux dans les écoles de l’ensemble des religions monothéistes, mais avec des accords et des conventions de partenariat de réciprocité entre les pays, parce que, à quoi sert-il que l’Algérie, la Tunisie, la France ou un autre pays fassent des efforts sur l’apprentissage du fait religieux, si en même temps, il n’y a pas de réciprocité en Arabie Saoudite ?
– Ne voyez-vous pas que l’Algérie vit une incompréhension, d’abord durant les années 1990, en subissant un embargo, et aujourd’hui, puisque certaines réactions aux attaques terroristes de Tiguentourine et plus récemment de Aïn Defla, rappellent la logique des partisans du «qui tue qui ?» ?
Je crois qu’il y a quand même une certaine évolution. Les anthropologues et les spécialistes les plus sérieux ont tordu le cou à ces monstrueuses idées et ces impostures intellectuelles et politiques du «qui tue qui ?». Il y a quand même eu une condamnation unanime. Je pense à la France, l’Allemagne, la Suisse et même certains pays du Golfe.
– La Jordanie et le Bahreïn…
Oui, les deux ont condamné l’attentat. Il est décevant de constater, néanmoins, que les pays arabes, surtout la Ligue arabe, n’assurent que le service minimum quand il s’agit de réagir aux attentats en Algérie. Mais quand le président du Sénat suisse tresse les louanges de la lutte antiterroriste, que le président Hollande loue les relations franco-algériennes en matière de lutte antiterroriste, que les Allemands voire les Britanniques, reconnaissent le rôle important joué par l’Algérie dans le même domaine, je pense que votre pays a fait un progrès considérable.
C’est vrai qu’il y a toujours cette réticence à son égard pour ses positions qui l’honorent sur le Yémen, l’Irak, la Libye et pour les efforts qu’il consent dans le règlement pacifique des crises, comme celles du Nord malien, libyenne, du conflit entre l’Erythrée et l’Ethiopie lui donnent une mauvaise image.
L’Algérie n’est pas sur la ligne américano-israélienne. Elle gêne par sa tradition de la défense du nationalisme, notamment sur la Palestine, la Syrie, et les crises proche-orientales. Ce qui la rend suspecte par rapport aux pays qui ont décidé de s’aligner sur une politique globalement américano-israélo-saoudienne. L’alignement sur la vision politique américaine relative au Moyen-Orient a pour centralité le conflit israélo-palestinien et le règlement de la guerre en Irak et la Syrie. Nous sommes dans une logique de confrontation de deux camps, occidentalo-saoudo-israélien, et le front du refus représenté par l’Iran, la Syrie, le Hizb Allah, ainsi que les nationalistes qui soutiennent la cause palestinienne.
– Comment expliquer que les Algériens soient peu nombreux dans les rangs de Daech, alors qu’ils constituaient le contingent le plus important au sein d’Al Qaîda ?
Il y a trois facteurs qui expliquent ce fait. Le premier est que chaque famille algérienne garde en mémoire une histoire douloureuse des années 1990. Le peuple algérien a eu cette maturité du malheur qui fait que les enfants ne rêvent pas du djihad en Irak ou en Syrie, parce qu’ils en connaissent les impostures spirituelles et idéologiques. Le deuxième facteur est lié au fonctionnement des institutions de l’Etat algérien. Que l’on soit d’accord ou non avec la situation politique interne, il y a une réalité que personne ne peut nier.
L’Algérie a tenu le coup seule durant dix ans, sans l’appui de la communauté internationale, et aujourd’hui elle continue à le faire en déployant ses moyens militaires et diplomatiques et cela suffit pour une reconnaissance et une admiration internationales. Le troisième facteur nous ramène aux fondamentaux à l’héritage de la Révolution nationale de l’indépendance de l’Algérie. En Syrie par exemple, la communauté algérienne est suspectée d’être l’alliée de l’Etat syrien et du baâthisme mais aussi pour avoir une conception nationale qui est contradictoire avec la oumma. Pour moi, ce sont les trois raisons qui ont fait que les Algériens soient peu présents dans les rangs de Daech. On ne sort pas indemne de ce que vous aviez subi durant les années 1990.
L’armée algérienne a fait son travail, même si ce travail doit être mieux relayé par les mosquées, les écoles, etc. De nombreux spécialistes disent que l’intégrisme, qui constitue la matrice de l’extrémisme violent, est là et n’a pas été vaincu comme l’a été le terrorisme. N’y a-t-il pas de risque de retour vers les années de violence ?
Je reste très confiant par rapport aux capacités institutionnelles algériennes, même s’il y a des difficultés à gérer l’avenir et à trouver des solutions aux nouveaux défis. L’Algérie est aujourd’hui fragilisée économiquement à cause de la politique de bas prix du baril de pétrole, imposée par l’Arabie Saoudite pour mettre en difficulté ses ennemis géopolitiques membres de l’Opep, à savoir le Venezuela, la Russie et l’Algérie.
– Voulez-vous dire que la baisse des prix du pétrole est une politique de sanction ?
C’est une manière de sanctionner les pays qui ne sont pas sur la ligne de la mondialisation économique vue par les Etats-Unis, les pays du Golfe et Israël. On crée un contexte économique qui défavorise l’Algérie, on attise certaines revendications sociales comme celles liées au gaz de schiste par exemple, ou encore on pousse à la confrontation communautaire, comme cela s’est passé à Ghardaïa, on aide à faire remonter des groupes islamistes du sud du pays, etc. En fait, on fait tout pour que plusieurs problèmes se mettent en convergence et fragilisent l’Algérie. Cependant, je reste très confiant quant à la solidité des institutions du pays et de son armée pour faire face à ces situations.
– Le fait que nous soyons entourés par des pays pourvoyeurs d’éléments de Daech ne suscite-t-il pas le risque d’implantation de cette nébuleuse terroriste ?
Le trio Sarkozy-Cameron-Obama n’a pas pris conscience des conséquences des actes de la guerre qu’il a menée en Libye, suscitant une implosion politique. Rappelez-vous, l’Union africaine était en discussion. Elle était sur le point d’arriver à une sortie de crise en faisant évoluer les positions d’El Gueddafi. Mais la France et la Grande-Bretagne ont décidé d’intervenir et d’outrepasser la résolution de l’ONU. A ce jour, ces pays n’ont pas encore fait leur mea culpa à propos du chaos qu’ils ont créé dans ce pays.
La grande force de l’Algérie c’est sa stabilité. Si elle sombre, ce ne sont pas des milliers mais des millions de migrants qui vont se déverser en Europe. Cela est un atout essentiel. Il ne s’agit pas de culpabiliser seulement les pays européens qui n’accueillent pas suffisamment le flux migratoire, mais aussi les politiques au Nord, qui n’ont pas eu le courage de dire ou de provoquer une réunion internationale tripartite : Union européenne-Union africaine-Ligue arabe et de faire en sorte que les millions de dollars versés par l’Arabie Saoudite et des pays du Golfe, aux medersas du Niger jusqu’au Sénégal, servent au développement local de ces régions afin de fixer les population locales et lutter contre l’émigration clandestine. L’Algérie se trouve dans cette intersection-clé du dispositif.
– Ces préoccupations ont-elles été soulignées lors de cette conférence d’Alger ?
Il y a eu des interventions très pertinentes, y compris de la part de l’UE, et cela a suscité des réactions du Niger, du Sénégal et de la Russie qui ont exprimé des inquiétudes locales, mais aussi la nécessité d’échange des expériences et une réponse globale à la lutte contre Daech et aux nouvelles formes de violence. La finalité du terrorisme, on ne le dit pas souvent, est de faire de l’argent. S’il s’étend et reconduit ses canaux, c’est parce que nous n’étudions pas souvent les connexions du crime organisé des grands cartels de cocaïne qui évoluent en Afrique subsaharienne mais aussi leur finalité qui est le gain de l’argent.