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Un mariage et un attentat mettent le feu aux poudres
Impossible d’évoquer les guerres de religion sans s’attarder sur le massacre de la Saint-Barthélémy.
Jérémie Foa, maître de conférences en Histoire moderne à l’université d’Aix-Marseille, nous éclaire sur cet événement majeur du XVIe siècle sur lequel on a beaucoup dit, et beaucoup écrit.
Massacre de la Saint-Barthélémy : un mariage et un attentat mettent le feu aux poudres
Le 18 août 1572, Marguerite de France , sœur du roi Charles IX, épouse Henri de Navarre , prince Huguenot. Un mariage destiné à faire la paix entre protestants et catholiques qui se déchirent depuis plusieurs années. L’union, célébrée en la cathédrale Notre-Dame, ou plutôt devant, le marié refusant de pénétrer à l’intérieur de l’édifice, se déroule dans un climat de grande tension. Dans la capitale française, les esprits s’échauffent et un évènement va faire tout basculer. “Le 22 août l’amiral Coligny, protestant et chef militaire et moral pour les huguenots, est victime d’un attentat auquel il échappe de peu. La nouvelle de cette attaque préparée par l’entourage des Guises se répand. Un conseil du roi se tient dans la nuit du 23 au 24 août au Louvre”, explique l’historien. Charles IX et Catherine de Médicis auraient alors consenti à ordonner le meurtre d’une vingtaine de chefs protestants pour éviter une guerre.
“Les soldats menés par les Guises sortent du Louvre et se dirigent chez l’Amiral de Coligny qu’ils tuent dans sa chambre. Puis ils assassinent une vingtaine de grands nobles protestants, parmi lesquels La Rochefoucauld, Téligny, Nompar de Caumont, les lieutenants de Coligny” , détaille Jérémie Foa. Les bourgeois de Paris, voyant des hommes du roi s’en prendre aux nobles huguenots, prennent les armes contre leurs voisins protestants : l’exécution dégénère en massacre. “On a très souvent accusé Catherine de Médicis d’avoir prémédité l’attaque. Si elle a probablement sous-estimé l’agitation des catholiques zélés parisiens, il faut rappeler qu’elle était avant tout une femme de paix. C’est à elle que l’on doit l’édit de janvier 1562 qui octroie la liberté de conscience et la liberté de culte aux huguenots. C’est elle, encore, qui impose “la coexistence confessionnelle” dans le royaume” , rappelle Jérémie Foa. L’espoir d’une paix durable est balayé et Paris se transforme en bain de sang. On parle de 3 000 morts à Paris, d’un fleuve “rouge de sang” . Des chiffres difficilement vérifiables.
De Paris à Orléans, Rouen, Toulouse et Bordeaux : une contamination nationale
Le roi demeure enfermé au Louvre, dans l’incapacité de reprendre le contrôle et d’endiguer la propagation des violences . Mais Paris n’est qu’une première étape et bientôt la fièvre gagne le pays. Charles IX envoie des lettres en province, évoquant des représailles entre la puissante famille des Châtillons, dont est issu Coligny et les Guises, puis accusant ensuite les huguenots d’avoir voulu renverser sa Couronne. “Mais qu’il assume ou non l’exécution des chefs de guerre, à chaque fois dans ses lettres, Charles IX ordonne aux villes de province de protéger leurs protestants”, précise l’historien. Pourtant, dans les jours qui suivent et à mesure que les nouvelles du massacre arrivent, les catholiques assassinent leurs voisins protestants. Au total, une quinzaine de villes sont touchées parmi lesquelles Bourges, Orléans, où 1 000 à 1 500 personnes sont égorgées et jetées dans la Loire, Angers, Lyon, Rouen, Bordeaux ou Albi. Certaines villes vont toutefois résister et les voisins s’entre-aider. “A Millau, Barre des Cévennes ou Saint-Affrique, protestants et catholiques ont signé ensemble des “pactes d’amitié” par lesquels ils se promettaient de “vivre ensemble en frères, amis et concitoyens” , conclut Jérémie Foa.
M. Jérémie Foa, maître de conférences en Histoire moderne à l’université d’Aix-Marseille et spécialiste de la France du XVIe siècle