Confinera ? Confinera pas ? Malgré l’annonce surprise d’un couvre-feu renforcé vendredi soir , la menace de nouvelles restrictions n’est pas à exclure dans les prochaines semaines en France, au vu des indicateurs épidémiologiques du Covid-19. C’est qu’au-delà des préconisations des scientifiques, Emmanuel Macron sait que ses choix seront lourds de conséquences, tant sur le plan économique que social et sécuritaire. Si le chef de l’État et le premier ministre, Jean Castex, ont juré de prioriser la santé des Français en freinant la propagation du virus, il s’agit aussi de surveiller leur santé mentale . Lors du Conseil de défense exceptionnel, vendredi soir, un dossier était sur la table : celui de l’état psychologique des concitoyens, et l’impact potentiel des futures mesures. Quelle sera leur réaction en cas de reconfinement ? La réponse à cette question est l’objet de toutes les attentions et de toutes les inquiétudes, au plus au niveau de l’État, et ce, depuis plusieurs semaines.
Dieu seul le sait
Pour sonder l’état d’esprit des Français et être au plus proche de la réalité, le gouvernement prend en compte l’intégralité des indicateurs. Un équilibre si difficile à tenir qu’il fait «forcément des mécontents dans de nombreux secteurs », indique une source bien informée. Les sondages sont utiles, mais pas autant que le travail des renseignements territoriaux (RT). Les 79 antennes départementales et 14 services régionaux sont sur le pied de guerre, partout en France, pour donner des informations complètes aux autorités, véritable aide indirecte à la prise de décision du gouvernement. Chaque semaine, ils fournissent ainsi au ministère de l’Intérieur des «notes d’état d’esprit » relatives aux effets des mesures sanitaires, leur impact dans la société et les risques sociaux qui en découlent.
Lassitude et fatalisme
Ces dernières semaines, la tonalité de ces notes hebdomadaires s’est particulièrement dégradée. Celles-ci font état d’une inquiétude quant à l’état psychologique des Français, d’une lassitude et d’un fatalisme de ces derniers. Comme si le confinement prochain était inévitable, et que l’avenir allait s’assombrir de toute façon. Au ministère de l’Intérieur, on suit avec attention l’évolution de ces fiches récapitulatives. Celles-ci font également état des professions particulièrement impactées, permettant ensuite d’ajuster l’accompagnement économique dont elles bénéficieront.
Ces fiches permettent aussi d’en savoir plus sur le désir de rébellion des Français. Ces derniers jours, la situation aux Pays-Bas, où trois nuits de violentes émeutes ont eu lieu dans les grandes métropoles du pays, a alerté les services. Et s’il y avait un effet boule de neige ? Pour l’heure, pas de remontée de terrain ou de signal d’alerte très important, assure-t-on. Les Français restent pour l’instant plus disciplinés que leurs voisins. Mais la vigilance est de rigueur, alors que se profilent de nouveaux rassemblements samedi à travers le pays pour protester contre la loi «sécurité globale ». «Ces manifestations s’annoncent un peu difficiles, on a un peu tous les ingrédients d’un cocktail qui peut être difficile à contrôler» , confiait Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint sur syndicat Alliance police nationale, au Figaro en milieu de semaine.
Beauvau a également en ligne de mire les initiatives de désobéissance civile, qui commencent à essaimer sur le territoire. Celle initiée par un restaurateur niçois, qui a ouvert son établissement malgré les restrictions sanitaires , n’a pas du tout amusé en haut lieu. Selon une source proche du dossier, ce cas n’est pas tant représentatif du sentiment des Français car l’homme était connu des services préfectoraux pour être un militant actif, particulièrement engagé. Malgré tout, on reste vigilant à ces «étincelles » qui pourraient provoquer l’explosion, comme à l’époque des «gilets jaunes ». «Les dérives de quelques-uns ne sauraient ruiner les efforts de tous », a d’ailleurs rappelé Jean Castex vendredi soir. Lequel a annoncé un renforcement des contrôles du couvre-feu par les policiers et gendarmes.
Diffusion restreinte
Si les «notes d’état d’esprit» restent un procédé très classique pour les renseignements territoriaux, elles demeurent confidentielles, diffusées à un nombre extrêmement restreint de personnes. «Informer sur l’état de l’opinion, c’était le rôle des missi dominici (ces inspecteurs royaux qui visitaient dans toute la France les autorités locales, NDLR), des préfets, pour sortir de l’esprit partisan, et essayer de coller au plus près à la réalité de terrain. Éviter, en somme du “tout se passe bien”, celui que l’on pouvait observer autrefois dans les élites, en s’appuyant sur des agents officiels de l’État, mais aussi sur d’autres agents plus infiltrés », retrace une source sécuritaire, interrogée par Le Figaro .
Depuis le début de la crise, le procédé a déjà été éprouvé à plusieurs reprises, sur des sujets aussi divers que sensibles. En novembre, la direction du Service central de renseignement territorial (SCRT) avait demandé à ses équipes de se renseigner sur l’«état d’esprit des personnels soignants ». En cause, les «difficultés rencontrées » par ces praticiens, la «persistance du manque de moyens humains et matériels » dont ils disposaient, ainsi que le danger lié à la priorisation de certains patients, en cas de saturation hospitalière. En France, la tension hospitalière restait forte vendredi, avec plus de 11.000 hospitalisations sur les sept derniers jours, dont près de 1800 en réanimation.
Le confinement impacte-t-il notre santé mentale ?
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