Philippe de Villiers livre une analyse iconoclaste de l’épidémie et de la «fenêtre d’opportunité» qu’elle ouvrirait selon certains. Alerte et sombre.
C’est quasiment le dernier chapitre. Il s’intitule le «dîner du dévoilement». Philippe de Villiers y conte une soirée à l’Élysée, en compagnie du couple présidentiel, le 4 mars 2019. Un dîner qui commence par le charme de Brigitte et s’achève par la colère d’Emmanuel. Un dîner qui voit l’auteur et le président s’empoigner autour de la PMA et surtout de l’immigration. Le récit sonne juste et les répliques semblent sorties d’un film. Villiers en sort désabusé sur le président: «Le en même temps, c’est Brigitte et lui (…) Elle penche à droite, il penche à gauche… Il n’a pas le goût de la France. Ce pays est trop vieux pour lui (…) Il veut le refaire (…) C’est son reset à lui et son cancel intime.»
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Ce chapitre croustillant captera l’attention du lecteur trop pressé et du journaliste avide de révélations. On comprend la tentation. Mais ils auront tort. Ce feu d’artifice final n’est que l’apothéose française d’une analyse globale et mondiale de ce qui nous attend. Philippe de Villiers n’y va pas par quatre chemins. Il ne craint pas d’être traité de «complotiste». Il s’amuse, d’ailleurs, en ouverture, de l’habitude prise par les «progressistes» de disqualifier tous leurs adversaires sous une appellation infamante: ce fut d’abord fasciste, puis conspirationniste, et enfin populiste ; et maintenant «complotiste». Il aurait pu ajouter que c’était là une consigne donnée au mouvement communiste international par Staline dès les années 1930! Villiers n’en a cure. Il renvoie la balle avec vivacité: «Le complotisme est le lot de ceux qui imaginent des choses parce qu’ils ne savent pas (…) Moi, je sais. Et donc je ne suis pas complotiste.»
Que sait-il donc qu’il ne savait pas et qu’on ne savait pas? D’abord, cet exercice étrange d’anticipation et de simulation d’une épidémie, le 18 octobre 2019 à New York, déjà aperçu dans le film Hold-up qui avait lui aussi fait couler tant d’encre «complotiste». Il faut reconnaître que cette «prescience» des grandes institutions internationales a quelque chose d’intrigant. Mais Villiers poursuit avec un texte publié par le «pape» de Davos, Klaus Schwab, qui ne prend pas de gants pour annoncer que l’épidémie aura été une formidable «fenêtre d’opportunité» pour accélérer et imposer le fameux «grand reset» (réinitialisation ) du monde, c’est-à-dire une nouvelle organisation technologique (digitalisation de l’économie) et politique ( «gouvernement mondial»). Une formule de Schwab a retenu, à juste titre, l’attention de Villiers: «Quand les choses reviendront à la normale? Pour faire court: jamais.»
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Villiers n’a pas tort de ne pas se laisser intimider par les accusations faciles de «complotisme». Les textes parlent d’eux-mêmes. Les textes et les faits. Il ne prétend nullement que l’épidémie a été programmée et organisée par les tenants du «gouvernement mondial». Il dit seulement que ceux-ci en ont profité pour mettre en place, au nom de la santé et de la protection de la vie, un «capitalisme de surveillance» reposant sur le développement des technologies numériques et la ruine de l’économie traditionnelle, saccagée par les confinements à répétition et l’assistanat public. C’est du Schumpeter revisité et sa fameuse «destruction créatrice»!
«Table rase»
Villiers reprend comme beaucoup l’intuition de Michel Foucault à la fin des années 1970, sur l’émergence de la «biopolitique» ; il le fait avec son sens de la formule qui n’appartient qu’à lui: «Nous sommes passés du politique au biopolitique. Le pouvoir politique agissait sur des territoires, le pouvoir biopolitique s’exerce sur des populations( …) la gouvernance biopolitique mondiale qui se met en place confirme la tendance à la reféodalisation du monde (…) l’éhpadisation de la vie (…) (favorise) les gens de chez Google (qui) ont un cœur numérique gros comme la planète. On aura le choix entre caresser le siamois qui miaule et promener la souris qui clique.»
Il enserre cette analyse dans le cadre plus global d’une mondialisation qui, depuis quarante ans, a fait disparaître les frontières et asservi les gouvernements nationaux au nom de la «gouvernance» européenne et mondiale. L’alliance échafaudée dans les années 1970 entre libéraux et libertaires s’est désormais doublée d’une «nouvelle alliance entre mondialistes et écolo-sociétalistes». Leur point commun est la volonté de faire «table rase» et se débarrasser des vieilles nations, des vieux pays, des vieux peuples. Leurs armes privilégiées sont la déferlante migratoire venue du Sud qui change la composition des peuples, et la lobotomisation des «indigènes» européens qu’on prive de leur histoire, de leur culture, pour les remplacer par un discours culpabilisateur centré autour de la colonisation, l’esclavage, sans oublier le patriarcat. C’est l’islam et la «cancel culture» qui avancent main dans la main, dans les banlieues et les universités, sous le regard bienveillant des hiérarques mondiaux, de George Soros au New York Times en passant par Bill Gates: cette alliance redoutable, que j’ai qualifiée en d’autres temps, de «pacte germano-soviétique», a comme cible privilégiée, le «ventre mou», dit de Villiers, de l’Europe et plus particulièrement de la France.
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Et c’est dans ce contexte qu’on revient à Emmanuel Macron. Notre président aurait pu – c’eût été déjà criminel – être un simple clone du président Lebrun, complètement dépassé en 1940. Mais c’est pire encore si on en croit Philippe de Villiers: «Macron est comme Giscard dont on a dit qu’il ne savait pas que l’histoire est tragique (…) Malgré toute ma bienveillance pour lui (…)Le confinement l’a déconfiné aux yeux des Français. Il est dans le Verbe jamais dans l’action. Il n’imprime pas, il n’incarne pas. Quelle déception!» C’est pire qu’une impuissance, c’est une complicité. Un tropisme irrésistible: «Macron est chez lui parmi les “anywhere”, il n’aime pas l’odeur de terre mouillée des “somewhere”.»
On comprend mieux alors le fameux dîner à l’Élysée. Nous sommes cernés: Le premier des Français est aussi le premier des mondialistes en France.
Philipe de Villiers, Albin Michel. 213 p. 19 €.